AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782267044812
288 pages
Christian Bourgois Editeur (21/10/2021)
3.78/5   51 notes
Résumé :
« Tout a débuté par un essai, consacré à quelques uns des problèmes esthétiques, et moraux, que pose l’omniprésence des images photographiques : mais plus je réfléchissais à la nature des photographies, plus elles devenaient complexes et suggestives. Si bien qu’un essai en engendra un autre, qui à son tour (à mon grand étonnement), en engendra un troisième, et ainsi de suite, chacun ajoutant un maillon à une chaîne d’essais sur le sens et la vie des photographies, j... >Voir plus
Que lire après Sur la PhotographieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
L'ouvrage "Sur la photographie" de Susan Sontag comporte 6 essais (suivis d'une "Petite anthologie de citations") publiés ensemble sous ce titre pour la première fois aux USA en 1977 et en traduction française en 1982 par Christian Bourgois.
Il m'a été envoyé dans le cadre de l'opération Masse Critique non-fiction. J'en remercie chaleureusement les Éditions Bourgois ainsi que Babelio.
Ce livre est décrit comme « culte. » Il est en effet souvent cité dans les ouvrages de photographie. C'est un incontournable qui m'a paru assez aride d'accès. Pas vraiment parce qu'il n'est pas illustré, même si je dois prévenir qu'il est préférable d'avoir regardé vraiment les oeuvres d'un certain nombre de photographes pour suivre sa pensée. Avec le temps, cela commence à être mon cas, même si je suis dilettante. Alors que j'avais pu lire sans problème « La Chambre claire » à 20 ans et l'adorer même si ma culture photographique était alors inexistante. Certes, les photographies que Barthes évoque sont reproduites dans son ouvrage. Mais surtout _ c'est ce qui me fait parler d'aridité_ Sontag est moins limpide que son maître, on peut le dire, moins séduisante, ou alors d'une séduction d'un style plus rugueux, qui porte davantage les marques des années 70, théoriques et parfois péremptoires. Même si son exigence, sa pugnacité soupçonneuse sont intéressantes, son style est parfois lourd, ses références accumulées un peu bourratives. L'humour est absent. On lit une intellectuelle, une intelligence, sans esprit de légèreté. J'ai vu qu'elle a écrit aussi des romans, je me demande si son style est différent dans ce genre.
Enfin, Susan Sontag se méfie de la photographie au point qu'on se demande par moments si elle l'aime, ou si elle a écrit ces essais tout simplement parce que nous sommes entourés de photographies, que nous devons vivre avec et que par conséquent penser cette relation est essentiel.
Un ouvrage à relire fréquemment tant il est riche. On se prend à rêver de savoir ce que sa clairvoyance aurait pu dire des réseaux sociaux aujourd'hui.
Je m'aperçois que ma synthèse essai par essai est interminable. C'est pourquoi j'ai donné mes impressions en premier, vous pouvez vous arrêter là. Sinon voici ma lecture détaillée :
"Dans la caverne de Platon" décrit les changements que l'apparition de la photographie et sa démocratisation ont opéré sur les êtres humains : leur façon de ressentir, de penser, de vivre leur vie et de se représenter le monde.
Dans l'expérience du voyage, tout d'abord, parce que la démocratisation de la pratique photographique a accompagné l'essor du tourisme. Sontag écrit cette phrase percutante : "Manière de certifier le vécu, prendre des photos est aussi une manière de le refuser, en le limitant à la recherche du photogénique, en le convertissant en image, en "souvenir". (p. 24)
Mais, plus terrible, " prendre une photographie, c'est s'intéresser aux choses telles quelles sont, à la permanence du « statu quo » (au moins le temps nécessaire pour obtenir une "bonne" photo), c'est être complice de tout ce qui rend un sujet intéressant, digne d'être photographié, y compris, quand c'est là que réside l'intérêt, de la souffrance ou du malheur d'un autre." (p. 28) Conséquence, p. 38 : "Les photographies produisent un choc dans la mesure où elles montrent du jamais vu. Malheureusement, la barre ne cesse d'être relevée, en partie à cause de la prolifération même de ces images de l'horreur. »
"L'Amérique à travers le miroir obscur des photographies" retrace comme son titre l'indique l'histoire des USA par le prisme de la photographie et l'histoire de la photographie aux USA : inspirée au début du XXème siècle par « l'humanisme euphorique » du poète Whitman puis dominée par une forme de réalisme social (une des figures emblématique en est Walker Evans) jusqu'au années 1950. Enfin, c'est sur l'oeuvre de Diane Arbus, dont la première rétrospective a lieu en 1977, que Susan Sontag s'arrête longuement, en l'interprétant d'une façon qui m'a décontenancée. D'après elle, « son oeuvre montre des gens pathétiques, pitoyables autant que repoussants, mais elle ne suscite aucun sentiment de compassion. » (p. 56) Pour ma part, ce que je connais de l'oeuvre de Diane Arbus m'a troublée, dérangée quelquefois, mais je n'ai pas trouvé ses modèles repoussants, ou vraiment rarement. Ce deuxième essai mérite donc d'être relu aussi, après observé d'autres photos de Diane Arbus sans doute.
Dans le troisième essai, "Objets mélancoliques", elle aborde les liens entre photographie et surréalisme, en évoquant Walter Benjamin et Baudelaire et elle conclue avec cette phrase frappante, p.120 : « Les photographes, travaillant à l'intérieur du cadre de la sensibilité surréaliste, laissent entendre qu'essayer de comprendre le monde est déjà une entreprise vaine et nous proposent à la place de le collectionner. »
L'essai suivant, « L'héroïsme de la vision », s'intéresse aux différences entre peinture et photographie et approfondit le questionnement sur les liens ou l'absence de lien entre photographie et vérité, poursuivant sur ce constat, p.157, que « quelque valeur morale qu'on veuille attribuer à la photographie, elle n'en aboutit pas moins essentiellement à faire du monde un grand magasin ou un musée sans murs dans lequel tout est soit ravalé au rang d'objet de consommation, soit élevé à celui d'objet d'un jugement esthétique. »
Dans « Évangiles photographiques », elle étudie la façon dont les grands photographes théorisent leur art, le considérant grosso modo comme « tantôt une activité lucide et précise de connaissance », « tantôt un mode de rencontre pré-intellectuel, intuitif ». (p.164), tantôt une expression de soi, tantôt un regard détaché sur le monde. Elle insiste sur le fait que l'acte photographique est en un sens une « prédation », ce que peu de photographes admettent.
Dans « le monde de l'image » enfin, Susan Sontag observe un autre couple problématique : photographie et réalité, en s'appuyant cette fois davantage sur les écrivains et leur pratique, Balzac, Thomas Hardy, Cocteau, Genet, J. G. Ballard, Thomas Mann, Proust, Melville, Nabokov. Elle le répète : « les images photographiques tendent à anesthésier l'expérience directe que nous avons des choses » (p.233), avant d'aborder le documentaire d'Antonioni « Chung Kuo », très contesté en Chine en 1974, pour approfondir les thématiques qu'elle a précédemment abordées.
« Les pouvoirs de la photographie ont bel et bien détruit la dimension platonicienne de notre compréhension de la réalité » conclue-t-elle enfin p. 248. Elle achève son ouvrage sur le constat du retournement de ce qu'elle abordait dans son premier essai : « Il convenait à l'attitude dépréciative de Platon à l'égard des images de les comparer à des ombres […] mais la force des images photographiques tient à leur statut de réalités matérielles, à ce qu'elles sont […] un puissant moyen de retrouver l'avantage contre la réalité, de la transformer en ombre à son tour. » Ce final brillant ouvre sur un appel dans la toute dernière phrase à s'engager sur le chemin d'une « écologie appliquée non seulement aux choses réelles mais encore aux images. »
Commenter  J’apprécie          60
Quelle claque. Il y a peu de livres qui marquent de façon indélébile un lecteur, eh bien, je pressens que celui-ci est un de ceux-là pour moi. Il m'a déjà beaucoup touché. À peine cet essai refermé qu'il me manque déjà, et je sais qu'il me faudra attendre encore longtemps avant de recroiser une lecture aussi forte.

Le livre est comme son nom l'indique un essai sur la photographie, écrit par Susan Sontag dans les années 1970. Pourtant court, le texte offre une étude très complète de la photographie principalement américaine, ainsi qu'une analyse des comportements sociaux induits par la photographie : à la fois le comportement du photographe et celui des sujets est analysé. Elle évoque l'omniprésence (déjà donc dans les années 70') des photographies et l'impact qu'elle imagine que ce phénomène peut avoir sur les populations occidentalisées. En effet, au moment où est écrit l'ouvrage, l'appareil photo n'est pas encore démocratisé partout autour du globe, et cela donne d'ailleurs des réflexions très intéressantes sur les sujets qui sont habitués au fait de passer sous l'objectif et ceux qui ne le sont pas.

La photo m'obsède. Je ne suis pas photographe professionnel, pour autant, j'en fais tout le temps, je ne vais nulle part sans mon appareil photo, je photographie tout : principalement de l'urbex, mais aussi des portraits, des mariages, des combats de boxe. Entre autres. Et tout le quotidien que j'ai envie d'embellir. Avec la lecture de cet essai, j'ai eu l'impression à la fois d'apprendre beaucoup de choses sur l'histoire de la photo, de mieux comprendre les ressorts qui animent à la fois les sujets photographiés et les photographes, mais, quelque part aussi, de faire une petite psychanalyse.

Madame Susan Sontag n'est plus de ce monde depuis le début des années 2000, et je suis profondément attristée qu'elle ne puisse plus poser son regard aiguisé sur la place de la photo au vingt-et-unième siècle. Sûrement que d'autres analystes feront du très bon travail à ce sujet, mais je regrette déjà la sensibilité et la clairvoyance de cet auteur.

Je remercie les éditions Christian Bourgois et mon cher Babelio pour l'envoi de ce livre. Quelle découverte. Merci.
Commenter  J’apprécie          102
Plus qu'une critique, un souvenir personnel.
Je me souviens précisément avoir lu ce livre en Avril 1980. Je faisais mon service militaire à l'école de santé de Nantes (école aujourd'hui disparue) J'étais mordu de photo (pas de disparition de ce côté là !)C'était le premier ouvrage traitant de la photo, qui ne soit pas technique, que je lisais. Je me souviens de quelque chose de profond, de complexe qui m'aida à mieux pénétrer ce monde de l'image même si le sujet n'était pas traité que sous son versant artistique. de bons souvenirs; le livre, la ville de Nantes, les copains, le service militaire....
Commenter  J’apprécie          153
Souvenir lointain d'une lecture à l'époque où j'avais lu quelques livres de réflexion sur la photographie. Avec celui-ci j'étais servi ! Je me rappelle vaguement que j'avais trouvé celui-là très "intello", probablement parce que je n'y avais pas compris grand-chose (on dit ça quand on ne comprend pas, on dit "c'est intello") et que cela ne m'avait donc guère apporté.
Commenter  J’apprécie          42
Sur la photographie est un recueil d'essais de Susan Sontag. La plupart de ces essais ont été publiés dans le New York Times entre 1973 et 1977 - à l'époque où la photographie était encore un domaine spécialisé, et pas comme au XXIe siècle, où tout le monde possède virtuellement un appareil photo sur son smartphone.

L'auteure a abordé en détail l'évolution de la photographie au fil des ans et a discuté des clichés de photographes célèbres tels que Brassaï, Diane Arbus, etc. Mais le problème que j'ai ressenti dans ces essais est que l'auteure suppose que le lecteur connaît parfaitement les oeuvres de ces photographes, ce qui n'est pas le cas du lect.eur.ice moyen.ne. Je connais ces photographes principalement parce que je vis à Paris, et ceux qui ont travaillé à prendre des photos de Paris, comme Brassaï ou Diane Arbus, je pouvais faire le lien avec leurs clichés et comprendre ce dont l'auteur parlait. Mais pour les autres, j'étais complètement dans le noir, et l'éditeur du livre aurait pu ajouter les photos pour que nous puissions nous y référer, plutôt que de laisser les choses à notre imagination.

En outre, l'auteur a idéalisé la photographie comme une forme d'art unique, la seule forme d'art où tout ce qui est fait "aujourd'hui" sera considéré comme de l'"art" à l'avenir, mais cela n'est pas exclusif à la photographie, mais à la plupart des formes d'art - celles qui étaient considérées comme ordinaires ou la norme, devenant des antiquités et une forme d'art à l'avenir. En fait, plusieurs artistes, comme Van Gogh, n'ont pas été reconnus de leur vivant.

Pour conclure sur ces essais, je n'ai pas apprécié ce livre, en tant que lecteur moyen, et si j'avais été un passionné de photographie et de son histoire et si j'avais connu les oeuvres de tous les photographes célèbres dont elle a parlé, j'aurais peut-être eu une opinion différente. de plus, une grande partie des sujets abordés dans ce livre sont dépassés, étant donné que les photos peuvent être prises par n'importe qui presque instantanément. Sur ce, j'attribue à ce livre une note de 2 sur 5.
Lien : https://lastute.blogspot.com..
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Du fait que chaque photographie n'est qu'un fragment, sa charge morale et émotive dépend de son point d'insertion. Une photographie n'est pas la même suivant les contextes où elle est vue : c'est ainsi que les photos de Smith sur Minamata seront vues différemment sur une planche contact, dans une galerie, dans une manifestation politique, dans un dossier de police, dans une revue de photos, dans un magazine d'information, dans un livre, sur le mur d'un salon. Chacune de ces situations suggère une utilisation différente de ces photos, mais aucune ne peut en garantir le sens. Il en va pour chaque photographie comme pour les mots, dont Witgenstein soutenait que leur sens s'identifie à l'usage qu'on en fait. Et c'est ainsi que la présence et la prolifération de toutes les photographies contribue à l'érosion de la notion même de sens, à cette parcellisation de la vérité en vérités relatives qui est un des acquis de la conscience libérale moderne.

(P. 150)
Commenter  J’apprécie          90
Comme le font communément les formes modernes de quête de l’expression de soi, la photographie reprend les deux façons traditionnelles d’opposer radicalement le moi et le monde. Elle est conçue comme une manifestation extrême du « je » individuel, ce moi sans feu ni lieu qui erre dans un monde qui le dépasse, s’efforçant de maîtriser la réalité en en constituant sans répit une anthologie visuelle. L’autre conception fait de la photographie un moyen de trouver une place dans le monde (toujours vécu comme quelque chose d’étranger, quelque chose qui nous dépasse) en étant capable d’établir avec lui une relation détachée, en court-circuitant les interférences des revendications insolentes du moi.
Commenter  J’apprécie          40
Manière de certifier le vécu, prendre des photos est aussi une manière de le refuser, en le limitant à la recherche du photogénique, en le convertissant en image, en «souvenir». Le voyage devient une stratégie dont le but est d’accumuler des photographies. L’activité même de photographier a un effet calmant et atténue le sentiment de désorientation générale que le voyage a toute chance d’exacerber. La plupart des touristes se sentent obligés d’interposer l’appareil photo entre eux et tout ce qu’ils peuvent rencontrer de remarquable. N’étant pas sûrs de savoir comment réagir, ils prennent une photo. Cela donne forme au vécu : on s’arrête, on prend une photo et on repart.
Commenter  J’apprécie          40
La force d'une photo tient à ce qu'elle laisse ouverts à l'examen des instants que le flux normal du temps emporte immédiatement. Ce gel du temps - la stase insolente, poignante de toute photographie - a créé des canons esthétiques nouveaux, plus englobants. Mais les vérités que peut rendre un instant distancié, pour significatives ou importantes qu'elles soient, n'entretiennent qu'une relation très mince avec les besoins de la compréhension. Au contraire de ce qui est suggéré par les valeurs humanistes que l'on a voulu attribuer à la photographie, la capacité qu'a l'appareil photo de transformer le réel en objet de beauté découle de sa relative inefficacité pour exprimer la vérité. La raison pour laquelle l'humanisme est devenu l'idéologie dominante des photographes professionnels qui ont une ambition élevée, écartant les justifications formalistes de leur recherche de la beauté, est qu'il masque la confusion des idées de vérité et de beauté sous-jacente à l'entreprise photographique.

(P. 158)
Commenter  J’apprécie          10
«  L’intelligence est une sorte de goût qui nous donne la possibilité de déguster des idées » ...
Commenter  J’apprécie          130

Videos de Susan Sontag (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Susan Sontag
Nous sommes au printemps 1976. Sigrid Nunez, 25 ans, sonne à la porte de Susan Sontag, 43 ans, pour l'aider à répondre à la pile monumentale de courrier reçu du monde entier pendant son hospitalisation. Sigrid découvre un vaste penthouse lumineux, aux murs blancs et nus. Peu de meubles, un chien, et une pièce stratégique, la chambre bureau de Susan, où trône une énorme machine à écrire IBM Selectric. L'une réfléchit et dicte, l'autre tape et capte.
Trente ans plus tard, Sigrid Nunez, devenue à son tour une grande écrivaine, livre son témoignage. Elle raconte l'extraordinaire vitalité de Susan, sa curiosité, son énergie inépuisable. Amie et modèle à la fois, Susan est le mentor dont rêve tout apprenti écrivain. Un portrait fin et inattendu, dans l'intimité de l'une des plus audacieuses intellectuelles américaines du XXe siècle.
Sempre Susan » de Sigrid Nunez Traduit de l'anglais (États-Unis) par Ariane Bataille
+ Lire la suite
>Arts>Photographes et photographie>Photographie et photographies (81)
autres livres classés : photographieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (217) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
849 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..