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Critique de Charybde2


Malgré quelques menues faiblesses, une belle étude des ressorts langagiers de l'écriture de Ken Bugul.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/07/11/note-de-lecture-ken-bugul-glissement-et-fonctionnements-du-langage-litteraire-christian-ahihou/

Aujourd'hui professeur associé de littérature francophone de l'Université du Nevada à Reno, Christian Ahihou, master PhD de l'Université de Floride après avoir poursuivi ses études jusqu'en licence à l'université béninoise d'Abomey-Calavi, est l'un des rares spécialistes mondiaux de la littérature de la grande Ken Bugul. En deux volumes aux éditions L'Harmattan, « La langue littéraire » en 2013 et celui-ci, « Glissement et fonctionnements du langage littéraire », en 2017, il opère une percée décisive dans la langue et les mécaniques associées de la grande autrice sénégalaise (beaucoup plus connue désormais en France depuis qu'elle apparaît sous les traits romancés de Marème Siga D. dans le récent prix Goncourt de Mohamed Mbougar Sarr, « La plus secrète mémoire des hommes »).

Pour la lecture qu'il propose ici, Christian Ahihou s'appuie au premier chef sur la notion de glissement en littérature, dérivée des travaux d'Alain Robbe-Grillet et de Roland Barthes, joliment mâtinés de ceux de Michel Foucault, et déjà largement appliquée à Ken Bugul par ses soins dans sa thèse de doctorat de 2012 (« Langue et langages littéraires chez Ken Bugul – Techniques et effets de glissement dans l'écriture du roman »). Lecture riche indéniablement, elle demeure à mon sens quelque peu parcellaire, renvoyant dès la page 26 à une simplification des thèmes parcourus par Ken Bugul, simplification dont la vertu heuristique est sans doute appréciable, mais qui entraîne sans doute fatalement une forme de point aveugle involontaire, pour emprunter une notion chère à Javier Cercas. Bien entendu, il y a une forte cohérence interne entre les plus « autobiographiques » des romans de la Sénégalaise (ayant d'ailleurs, rappelons-le, longtemps vécu au Bénin) : mais « le Baobab fou » (1984), « Cendres et braises » (1994), « Riwan ou le chemin de sable » (1999), « de l'autre côté du regard » (2003) et « Mes hommes à moi » (2008) ne doivent pas conduire à écarter quelque peu cavalièrement les romans plus débridés, plus inventifs et moins « réalistes » que sont « La folie et la mort » (2000), « Rue Félix-Faure » (2005) et « La pièce d'or » (2006), tentation à laquelle Christian Ahihou ne résiste ici que mollement. Il « bute » d'ailleurs, bien ennuyé, sur les hybrides que sont de ce point de vue « Aller et retour » (2014) et « Cacophonie » (2014), en attendant « le trio bleu » (2022), roman postérieur à la présente étude, qui ne pouvait donc naturellement être pris en compte à son tour.

Pas toujours exempt de truismes ni de remarques peu spécifiques quant à l'autrice, « Glissement et fonctionnements du langage littéraire » demeure un ouvrage précieux, par la méticulosité de ses recensements stylistiques, par la conviction admirative qui l'anime, et par la volonté manifeste de donner une puissance théorique démultipliée à la pratique langagière de Ken Bugul. Les amatrices et amateurs de ces mers plus ignorées et de ces paysages transversaux y trouveront indéniablement leur bonheur, s'ils savent passer outre aux quelques menues faiblesses rencontrées au fil des pages.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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