Le noyau
Nombreux sont ces départs
toutes syllabes dehors
alors que le poème
demeure sur la porte
Des mains battent le vent
agitent un brin d'oubli
nous disparaissons
avant l'empreinte
Nous serrons le chemin
entre les lèvres du bois
l'épaule à portée d'amour
Longue attente guêpes soûles
sur le seuil demeure
un fruit tombé
dont le noyau
devient fourmis.
p.66
le rouge-gorge
Un oiseau quelque part
fouille dans les feuilles
Et nous le cherchons
penchés vers l'automne
qui nous gagne
Ceux qui nous suivent
sur le perron doivent l'apprendre :
le rouge-gorge invisible ne nous lâche pas
Et peut-être d'ailleurs
est-ce lui qui nous cherche
en grattant dans les feuilles
que nous perdons.
p.57
L'aplomb
Être sur l'aplomb comme l'azur
un instant retenu par son reflet
dans le lac qui renvoie le ciel
en dehors de soi avant d'être inventé
l'homme accroît son couchant
et oublie que le poids
de son ombre dépend
du poids de sa lumière
Ce n'est pas d'être frère en éclaircies
qui fait comprendre le nuage
à celui dont l'âme est mouvante
− Nuage où le poète
fait changer de mystère
en inventant l'évidente clarté
p.58
Le dit
On dit rumination
mais c’est de l’herbe folle
agitée par le vent
On dit même harmonie
c’est de la pierre qui refuse
d’aller plus loin contre l’abîme
Et parfois on dit rêve
c’est le troupeau
debout sur ces arêtes
et ruminant
l’herbe contrariée.
p.72
L'erreur
Ceux qui n'osent plus regarder le jour
mêlent l'écorce et le couteau
ils tailleront des récité édentés
ils embrasseront des bouches sans rivière
La terre a ses chemins pour éveiller
ses champs pour retourner l'hiver
en faire une lecture de poésie
elle a ses bois où le jour palpite
avant d'entrer dans la chambre
Ceux qui n'osent plus regarder
se feront un cœur de faux houx
leurs ongles noirs dans les pupilles
saigneront l'arbre avant Noël.
p.62