Je tiens à remercier
Lola Albarracín pour sa confiance (et sa patience…). En effet, elle m'a confié son premier roman,
Buenos Aires Mayday, pour lecture et avis. Elle m'a présenté son livre avec humour comme « un récit d'initiation qui décrit l'atterrissage forcé d'une hôtesse de l'air dans la réalité de son passé, celui de la tumultueuse Buenos Aires de 2001 ».
Naturellement attirée par la confrontation entre la sphère privée et les évènements historiques, je ne pouvais qu'accepter.
« Mayday ! Mayday ! Mayday ! » est un vocable employé internationalement dans les communications radiotéléphoniques pour signaler la détresse d'un avion ou d'un bateau. Dans ce roman, il illustre le dépit de Carola, une jeune hôtesse de l'air argentine à la fierté revêche, que son licenciement cloue au sol alors qu'elle ne voudrait jamais toucher terre.
Au début, je me suis dit que mon horizon d'attente risquait d'être déçu car je n'arrivais vraiment pas à m'attacher à ce personnage, parfaite illustration du coté glamour d'un métier qui fait beaucoup fantasmer et pour lequel les critères physiques, notamment de corpulence et de taille, sont très importants ; en effet, les hôtesses sont toujours des femmes élégantes, souriantes, coiffées, maquillées et leur silhouette est mise en valeur par des uniformes toujours impeccables. Naturellement, on les imagine souvent frivoles et aguicheuses… Si Carola l'a sans doute été, c'est aujourd'hui terminé car elle vit une histoire d'amour obsessionnelle avec un ministre aux yeux vairons, escroc à ses heures, et une amitié amoureuse avec un faux aristocrate désabusé et proche des classes laborieuses.
La partie romance latino de ce livre m'a parfois un peu agacée et les états d'âme de Carola, depuis son appartement au vingt-huitième étage d'une tour, dans un quartier chic, avec terrasse ouverte sur le Río de la Plata ne m'intéressaient pas vraiment… Certes, ses retrouvailles avec une amie d'enfance, devenue une dramaturge perfide et sa rencontre avec un producteur de téléréalité et ses drôles de gardes du corps félinisés mettaient du piment dans la narration mais je voyais mal où
Lola Albarracín voulait m'entraîner et je reprenais souvent ma lecture sans grand enthousiasme.
J'ai vraiment accroché quand le passé de Carola a peu à peu refait surface, autour de la disparition de ses parents, de la maladie de sa tante, d'un héritage enfoui dans un garde-meuble et d'un journal trouvé, perdu, retrouvé…
Petit à petit, je me suis laissé imprégner par la chaleur et l'humidité qui écrasent Buenos Aires, par l'ambiance orageuse au sens propre des averses brutales qui noient les rues et les passants et au sens figuré car les Porteños descendent dans la rue et les manifestations sont durement réprimées par les forces de l'ordre.
Enfin, l'histoire de Carola prenait sens en s'inscrivant dans l'actualité politique et économique de son pays et se faisait métaphore de la crise économique et sociale.
Quelques recherches m'ont rapidement permis de me remémorer les tenants et aboutissants de la crise qui a frappé l'Argentine en 2001, déclenchée en décembre par la mise en place du « corralito » (le gel des dépôts bancaires) et la suppression du versement d'une branche du prêt accordé initialement par le Fonds Monétaire International.
En refusant, le 5 décembre 2001, un prêt de 1,264 milliards de dollars au gouvernement argentin, confronté à une dette extérieure de 132 milliards de dollars, le FMI a provoqué en Argentine une crise d'une ampleur sans précédent. Les 9 et 10 décembre 2001, la situation dégénère : des émeutes violentes et des pillages font 39 morts à Buenos Aires. le pays change cinq fois de président en quelques jours et sombre dans le chaos.
Le titre de ce roman prenait alors une véritable dimension, la détresse de Carola englobant celle de tout un pays. L'écriture à la première personne revêtait une ampleur particulière, une forme d'autodérision, un côté incisif et percutant.
Lola Albarracín connaît bien son sujet et son pays d'origine. J'ignore si ses sources d'inspirations sont personnelles ou totalement imaginaires car elle évoque avec justesse les traumatismes de la dictature en les mêlant aux travers de la démocratie ; elle nous parle aussi de la difficulté du deuil… Une chose est certaine, elle m'a embarquée, presque à mon corps défendant, et a su me surprendre par un magnifique dénouement.
Je ne formulerai qu'une toute petite remarque au sujet des très nombreux mots en castillan (plus quelques-uns en anglais) qui émaillent le texte et qui auraient mérité d'être traduits en note de bas de page… Personnellement, cela ne m'a pas posé trop de difficulté, mais ce serait un petit plus, surtout en version broché (quand on n'a pas forcément, comme en numérique, un dictionnaire intégré).
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