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La Comtesse de Charny » (1852-1855) est le quatrième et dernier roman de la tétralogie « Les Mémoires d'un médecin », faisant suite à «
Joseph Balsamo » (1846-1849), au « Collier de la Reine » (1849-1850), et à «
Ange Pitou » (1850). Ce roman, le plus long de la série, en constitue la conclusion, et disons-le, l'apothéose, le bouquet final.
Ici, plus nettement encore que dans les volumes précédents, l'auteur mettra en scène deux sortes d'intrigues, non pas parallèles, mais entrecroisées : l'une, historique, la destinée de la famille royale, et à travers elle celle de la Nation, et l'autre, romanesque, celle des personnages que nous avons croisés et auxquels nous nous sommes attachés lors des chapitres précédents. le fil conducteur, auquel se rattachent tous les héros de cette tragédie en quatre actes est plus que jamais l'Histoire : le retour de la famille royale de Versailles à Paris, la fuite à Varennes, les atermoiements du roi, le serment à la Constitution, l'Assemblée Législative, la déclaration de guerre, les soulèvements royalistes, les révoltes populaires de juillet et août 1792, l'arrestation et l'emprisonnement de la famille royale, les massacres de septembre, la proclamation de la République, le procès et la mort du roi, tels sont les jalons principaux auxquels se rattachent, bien malgré eux, tous les héros de cette histoire.
Le sort des grands personnages, nous le connaissons, nous l'avons appris à l'école, et une littérature immense nous en a raconté les péripéties. Attachons-nous plutôt à suivre les petites étoiles qui dans leur sillage, et entraînées dans leur orbite, s'apprêtent, peut-être à partager leur destin. Andrée de Charny, toujours suivante de la Reine, mais de plus en plus méprisée par celle-ci (qui pourtant lui doit beaucoup) se rapproche de son mari, lequel, déçu par la souveraine qu'il a tant aimée, redécouvre son épouse. Andrée a le bonheur de découvrir son fils Sébastien (né de son viol par Gilbert). Gilbert, justement, essaye de se faire l'avocat du consensus entre les parties, mais les jeux sont faits et le destin a déjà frappé à la porte. Difficile d'aller plus loin dans l'explication de texte sans divulgâcher, sachez simplement qu'il y aura des drames (vous vous en doutiez un peu, n'est-ce pas ?) mais aussi quelques moments de bonheur, de tendresse et de joie.
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La Comtesse de Charny » constitue ainsi l'épilogue des « Mémoires d'un médecin ». On y mesure l'évolution de nos héros qui retrouvent, pour la plupart, une « normalité » que les passions avaient quelque peu mise à mal : Andrée et son mari savourent un bonheur qu'ils n'avaient pas connu depuis longtemps. Durera-t-il ? c'est une autre histoire. Gilbert (le « médecin » de ces mémoires) n'a eu de cesse depuis le viol d'Andrée, d'essayer de se faire pardonner, et de se pardonner lui-même. Y arrivera-t-il ? C'est encore une autre histoire. Et notre ami
Ange Pitou, certainement le héros le plus attachant par son bon sens paysan, sa gentillesse et sa fausse naïveté, et son amour d'une grande pureté pour Catherine, sera-t-il enfin récompensé ? Je vous laisse le découvrir. Seul Balsamo reste pareil à lui-même. On s'y attendait un peu. Ce tireur de ficelles dans l'ombre me fait penser à Aramis à la fin du « Vicomte de Bragelonne » … pas vraiment une référence !
Il faut s'appeler
Alexandre Dumas (avec l'aide d'
Auguste Maquet) pour créer ou recréer un monde aussi riche, aussi complet, aussi divertissant et aussi passionnant : la tétralogie des « Mémoires d'un Médecin » n'est pas aussi goûtée du public que la trilogie des « Mousquetaires » ou celle des « Valois ». Bien à tort, car on y trouve les mêmes ingrédients qui ont fait le succès de ces deux séries incontournables : des intrigues qui pour être compliquées ne sont jamais confuses, encore moins lassantes, des personnages auxquels on s'attache avec intérêt, avec amitié et avec passion depuis leur première apparition, un style à la fois familier et fluide, tout en restant plausible sur le plan historique (malgré quelques libertés qu'on ne peut que pardonner à un tel auteur) et surtout, surtout, ce qui fait que Dumas est Dumas et personne d'autre, cette alacrité, cette joie de vivre, cet enjouement de bon vivant qui vous emporte comme si ce BGG (Bon Gros Géant) d'Alexandre vous prenait sous son bras pour vous emmener dans son royaume magique.
Moi, je suis partant. Et vous ?