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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cet enchaînement de témoignages est une épreuve, tant la réalité est brutale, tant leurs voix, scientifiques, liquidateurs, paysannes, enfants, sont à la fois uniques dans leur souffrance et leur pudeur, et partie d'un tout, un immense malentendu entretenu par fierté, par patriotisme, pour ne pas se laisser donner de leçon par l'occident.
Et pourtant, la voix de Svetlana Alexievitch, ces voix dont elle se fait l'écho, couche après couche, poussière après poussière, vodka après vodka, sont ce qu'il reste de cette catastrophe qui a encore lieu à bas bruit, 36 ans après l'explosion du réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Ce sont les paroles assourdies de tous ceux qui n'ont pas été entendus, ou à qui on a demandé d'obéir, ou à qui on n'a rien demandé et qui ont fait ce qu'ils croyaient être leur rôle de bon petit soldat soviétique, avec une confiance inébranlable envers le système.
Cette lecture éprouvante, je l'achève deux jours après ce funeste anniversaire, un mois après le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et les menaces sur les centrales de Tchernobyl et de Zaporijia.
J'aurais aimé découvrir ce texte dans d'autres conditions. le pire est-il à venir ?
Mon regret est de l'avoir lu après avoir pris connaissance de l'excellente mini-série Chernobyl, car certains témoignages (la femme du pompier appelé dès l'explosion) y sont intégralement repris.
Néanmoins les deux expériences sont bien différentes et complémentaires. Alors accrochez-vous !
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Le premier témoignage m'a déjà foutu par terre : c'était celui de l'épouse d'un des pompiers envoyés sur la catastrophe au tout début.

On les a appelés pour un incendie, ils sont partis le coeur tranquille, pensant n'avoir affaire qu'à un simple feu qu'ils maîtriseraient facilement. Il n'en était rien, mais ils ne le savaient point.

Partis sans protection, ils revinrent ensuite sous totale contamination.

Quatorze jours, c'est le délai maximum de votre existence après avoir été soumis à des radiations comme ils le furent.

L'épouse d'un est allée à l'hôpital, s'est occupée de son mari, qui avait été transformé en mini centrale nucléaire. La dégradation du corps est horrible. Son amour était immense, peu de femmes seraient restées auprès de leur mari. Hélas, le prix à payer était le plus fort. L'épouse était enceinte de 6 mois… Je n'en dirai pas plus.

Ce roman est composé de multiples témoignages, que ce soit ceux des habitants, des soldats, des liquidateurs, des témoins, des déplacés… Tous ces témoignages sont ceux et celles des suppliciées de Tchernobyl.

Ceci n'est pas une fiction, rien n'est romancé, ce sont des témoignages bruts. Les gens racontent, se souviennent et chaque récit semble plus glaçant que le précédent.

Ces villages vidés de tous leurs habitants, où sont resté uniquement les animaux domestiques. Tous ces gens qui pensaient revenir ensuite et qui sont parti avec le minimum…

Certains sont revenus, en douce, pour cultiver leur jardin, reprendre leurs affaires, ou pour voler ce que les militaires enterraient, les objets contaminés… Sans penser qu'ils allaient se contaminer encore plus.

Les dirigeants ont sacrifié les populations et les liquidateurs envoyés sur le toit pour enlever le graphite, sans protection.

Parfois, on leur en donnait, mais puisque les chefs minimisaient les effets et payaient bien, les hommes y sont allés, le coeur léger, les tire-au-flanc étant très mal vu, chez eux. Ils avaient une autre mentalité, ils servaient la patrie, ils obéissaient et surtout, la vodka coulait à flot, alors, il ne pouvait rien leur arriver de grave !

Avec le recul et les maladies arrivant, bien des soldats ou des liquidateurs, comprendront les risques qu'on leur a fait prendre au mépris de tout danger. Les roubles qu'on leur donnait en plus, les salaires triples, ne valaient pas les conséquences qu'ils ont subies ensuite.

Il fallait ne rien dire, mettre une chape de plomb sur l'incident (un incident, rien de plus) et brosser les merdes sous les tapis. C'est ce qu'ils ont fait et on devrait les en remercier, car ils ont pris des risques énormes pour les autres.

Le problème étant que la radioactivité, ça ne se voit pas, ça n'a pas d'odeur, alors, comment y croire ? Comment arriver à comprendre qu'il ne faut pas manger les fruits de son verger, cultiver sa terre ou boire le lait de sa vache ?

Les différents témoignages sont bouleversants, ils sont bruts de décoffrage, ils expriment la souffrance, l'incompréhension, les départs pour d'autres lieux, la perte de tout, ainsi que l'exclusion par les autres, puisqu'ils venaient de la zone.

Durant ma lecture, l'émotion m'a souvent submergée, me forçant à faire des pauses et à lire autre chose, afin de ne pas sombrer totalement.

Ceci n'est pas un roman, ni une fiction, ce sont des portraits de gens réels, de personnes fracassées, arrachées à leurs terres, à leurs vies. Des gens que l'on a sacrifiés, des vies que l'on a considérées comme sans valeur. Des victimes à qui on a jamais donné la parole.

Ce sont aussi des soldats (liquidateurs) qui ont été envoyés en première ligne, sans connaître vraiment les risques et certains, même en les connaissant, on tout donné, afin d'épargner des vies. Des liquidateurs qui ne savaient pas qu'ils étaient déjà morts, à force de respirer et de manger des röntgens.

Dame Ida va encore me traiter de "Glauque-trotter" et elle n'aura pas tort…

Pourtant, je ne regrette pas d'avoir osé lire ce recueil de témoignages afin de savoir, de rendre un hommage silencieux à ces femmes, à ces hommes, ces enfants, morts ou déplacés, ces gens à qui on n'a rien voulu dire. À ces gens dont on ne parle jamais.

Et puis, malgré le fait que j'avais 10 ans lors de la catastrophe, il ne m'en restait aucun souvenir, comme si ma mémoire avait tout oublié. On ne peut pas oublier.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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La supplication est un livre tout simplement glaçant. Magnifique et glaçant. Effrayant. On ne veut pas savoir et pourtant on tourne les pages quand même. Tout est dans le contenu, les témoignages à vif, sans filtre, chacun raconte sa catastrophe : une institutrice, une femme de liquidateur, une journaliste, un physicien, un membre du parti, une habitante qui n'a pas voulu fuir, une femme de liquidateur, et s'esquisse une âme russe, tout en douceur et en abnégation, la négation du je pour la quintessence du nous.
A la lecture, on peut suivre plusieurs fils, le fil de l'histoire de Tchernobyl, bien sûr, l'horreur de la catastrophe et ce qu'ont vécu les habitants juste à côté. Tout est décrit, on sait que les liquidateurs sont allés sur le toît du réacteur, plus de 100 000 y ont perdu la vie. Et on apprend aussi que beaucoup de choses ont été tues : la revente de matériel fortement irradié et qui devait être condamné à être enterrée dans la "zone", le mélange d'aliments contaminés et non contaminés, l'absence de dosimètres pour mesurer les radiotations, l'absence de protection, les rapports secrets ....
Et puis le ressenti du peuple, les "on ne nous ment pas, l'Etat sait tout, on lui fait confiance, la confiance absolue dans cet état solidaire, ceux qui disent autre chose font de la provocation", l'abnégation de l'homo sociéticus qui quand il doit y aller, y va la fleur au fusil, tout en se sachant condamné. Et la vie simple et belle des villageois de Tchérnobyl, leur fierté et leur attachement à leur maison, à leurs habitudes, leurs cultures.
Ce roman a une force surprenante. Tout est dit et l'histoire se raconte avec les gens.
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Surprenant, stupéfiant, terrifiant, ahurissant, décoiffant ... la liste d'adjectifs pourrait être encore bien plus longue.

Ces chroniques sont des "micros ouverts" à une multitude de personnes ayant côtoyé de près ou de loin la fameuse catastrophe et des travaux "d'assainissement" qui s'en sont suivis.

Evacuations de villages entiers, extermination des animaux domestiques, lavage à l'eau des toits et des bâtiments, raclage des sols et cultures alentours (travaux illusoires car antérieurs au sarcophage).

Sans parler du nettoyage du site nucléaire en lui-même, des survols en hélicoptères pour larguer du sable en espérant sa vitrification, la construction d'un lac souterrain sous le coeur du réaction en fusion pour le remplir d'azote liquide et tenter de protéger les nappes phréatiques.
Tout cela avec des protections de fortune.

Là, la parole est donnée et retranscrite sans filtre.
Aux anciens de Tchernobyl et sa région mais aussi aux nouveaux résidents de cette zone.
Car aussi surprenant que cela puisse paraître avec la pauvreté et les guerres alentours des personnes émigrent vers cette zone

Même si comparaison n'est pas raison, c'est dans le style de l'ancienne émission TV "Striptease" pour vous donner une idée.
Pas de morale en voix off, pas d'analyse scientifique, politique ou philosophique des causes et effets.
Juste des témoignages.
A vous d'analyser, d'en tirer des enseignements ou des conclusions.

Une lecture qui ne vous laissera pas indemne et vous fera grandir.

Livresquement votre

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Ce livre m'a un peu fait penser à celui d'Haruki Murakami, « Underground ». Un travail de mémoire sur une catastrophe chimique, atomique.

Par contre, J'ai beaucoup plus apprécié celui de Svetlana Alexievitch. J'ai trouvé les profils des personnes interrogées différents, un peu plus ouverts, plus spontanés et qui vont à l'essentiel. C'est peut-être aussi dû à la culture des auteurs et acteurs de ce devoir de mémoire. Certains passages sont assez difficiles à lire.

Sinon, j'ai trouvé aussi certains passages assez révoltants. Je trouve que c'est un bon complément à la série « Chernobyl » parue en 2020.

Si vous avez des lectures à me proposer sur ce sujet, je prends volontiers.
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La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse ou comment se confronter à la -réalité noire-, à la (sur)vie, à la mort de (sur)hommes devenus bien malgré eux, avec le temps, des sous-hommes, des êtres difformes pour certains, des monstres, qu'on se montre du doigt " Regardez, des Tchernobyliens !" , qu'on se garde bien d'approcher de peur d'être contaminés. Et pourtant ... On se laisse bien volontiers contaminer par cette lecture, qui ne nous laisse pas indemnes loin de là. On se sent véritablement atteints après cette lecture, d'un mal incurable, de cette réalité noire, glauque ... En même temps, on se sent irradiés par tant d'abnégation, par tant d'amour aussi ... Les témoignages des femmes qui entament et qui terminent le livre sont monstrueusement beaux. Je retiendrai aussi la naïveté des vieux (une âme simple, c'est beau) et la sagesse des enfants ... Avec une dernière pensée pour tous les animaux qu'on croise dans ces témoignages : les animaux que les gens n'ont pas eu le droit d'emmener avec eux, ceux qu'on a fusillés sur ordre d'en haut, avec ces scènes poignantes d'enfants qui courent après un soldat qui lui, court après un chat ... Et le témoignage du chasseur qui après tant de massacres ne se remet pas du petit caniche qu'il n'a pas pu achever ... Et cet enfant qui a un petit mot pour son hamster qu'il a laissé dans sa cage avec de la nourriture pour deux jours alors qu'ils sont partis pour toujours ...
On ressent tellement dans ces chroniques l'ampleur du traumatisme collectif avec en prime tous ces traumatismes individuels ...

PS : A retenir aussi les liquidateurs qui depuis leur intervention sur le site de Tchernobyl, depuis qu'ils ont enterré les maisons, les arbres, la terre dans la terre, depuis qu'ils ont enterré la vie, prennent conscience, justement, de l'existence du vivant : ils remarquent alors, étrangement, pour la première fois, les fourmis.
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Après une lecture, certes en diagonale mais tout de même fortement décevante, de "A crier dans les ruines", je suis tombée sur "La supplication". Et le fossé est tel que c'est impossible à comparer. La conclusion serait peut être qu'un tel évènement n'a pas besoin d'être mièvreusement romancé pour frapper l'esprit. Les témoignages bruts de ceux qui l'ont vécu suffisent et sont infiniment plus puissants. Ce dont atteste le récit d'ouverture du livre, sans doute le plus poignant, et dont l'on ressort absolument renversé.
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Ce livre, au départ, je l'ai emprunté à une collègue à qui, honte à moi, je ne l'ai jamais rendu. Je l'ai lu, relu et re-relu, j'ai parcouru des cartes de Biélorussie et d'Ukraine à la recherche de tous les lieux cités. Il faut dire que Tchernobyl est un sujet qui me tient à coeur, quelques années avant j'avais visité une petite ville à une soixantaine de kilomètres de là, en fait actuellement très près de la Zone interdite. Et la nuit de la catastrophe, à l'heure de l'explosion, j'aurais du me trouver dans le train Paris-Moscou (en fait, je ne l'ai su qu'au mois d'août suivant, le temps que l'invitation nécessaire à l'obtention d'un visa me parvienne ... avec la date fatidique comme début de l'invitation). C'est bien l'unique fois où je me suis réjouie de la bureaucratie soviétique !
Ce livre, toujours interdit en Biélorussie (un quart des sols de la Biélorussie est gravement contaminé), est un livre nécessaire, salutaire, indispensable. On y découvre la méthode très particulière de Svetlana Alexievitch : journaliste, elle enquête, interviewe, puis elle rassemble les discours en effaçant totalement ses questions, laissant totalement la parole aux témoins, même si, bien sûr, elle a mis ces récits en forme. Tout son talent est dans cette mise en forme qui rend la parole aux simples gens, je trouve que c'est assez cinématographique comme procédé.
Ce livre ne raconte absolument pas ce qui s'est passé, ce n'est pas du tout son propos, ce qui l'intéresse c'est ce qui est arrivé aux gens qui vivaient là, les habitants de Pripiat, ceux des villages aux alentours, … et que ce soit dit avec leurs mots, avec leur perception des choses, leur pudeur, leurs silences. C'est très respectueux et c'est un véritable travail de recueil de la mémoire.
Le témoignage le plus fort est celui du début, celui d'une jeune femme, enceinte, dont le mari a été un des premiers pompiers intervenu sur la centrale … mais les autres sont tous poignants, à leur manière : ceux des évacués manu militari quoique un peu tard, ceux qui n'ont pas voulu partir (essentiellement dans les villages), ceux de liquidateurs, et surtout, tous ces témoignages montrent la difficulté à comprendre la radioactivité, qui ne se voit pas, ne se sent pas … En filigrane on comprend qu'avant il y avait d'un côté les habitants de la ville qui croyait en l'atome "pacifique" et en la science, et ceux de la campagne, d'une campagne qui ressemblait un peu dans la vie quotidienne aux campagnes françaises d'avant-guerre (un peu seulement, parce que nous on n'a jamais eu de kolkhozes! ). Ils ne peuvent évidemment rien comprendre à cette menace invisible, insidieuse. Certains témoignages sont terriblement touchants, je pense à ceux-ci en particulier (mais tous sont poignants) : la terre que l'on enterre, au sens propre - quelqu'un qui pense aux vers de terre qui ne sont pas au courant et que personne n'a songé à sauver (cela m'a fait penser à la scène des vers de terre dans Sept ans au Tibet qui résume la philosophie des moines tibétains) – une petite fille qui songe à son album de timbre oublié – des petits vieux obligés de laver leurs bûches avant de les brûler – les cimetières dans lesquels on ne peut venir se recueillir qu'une fois par an, au mieux – des forêts interdites alors que la cueillette des champignons, des airelles, des framboises était une part non négligeable de l'alimentation. Et bien sûr tous les mensonges, l'héroïsme des liquidateurs, l'abnégation au service des autres, parce qu'ils croyaient à l'Union Soviétique qui allait disparaître en les oubliant pour oublier avec ce qui n'est pas dicible, et surtout pas audible…
A lire et relire, pour ne jamais oublier.
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On ne ressort pas indemne de cette lecture.

Recueillis dix ans après la catastrophe, ces témoignages sont plus poignants les uns que les autres. Par petites touches, ils nous disent l'indicible, nous font concevoir l'inconcevable…

Comment peut-on continuer à vivre ? La réponse réside sans doute dans le fatalisme et la longue tradition d'endurance à la souffrance qui caractérise si bien le peuple russe.

Altruisme et abnégation de l'homo sovieticus. le collectif qui prime sur l'individuel. Que se serait-il passé si cela s'était produit de l'autre côté du rideau de fer ?

Un livre indispensable qui préfigure « La Fin de l'homme rouge »
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Une lecture tellement éprouvante, difficile, dure, mais nécessaire. Un essai coup de point sur la tragédie survenue à Tchernobyl. Ce fameux soir du 26 avril 1986, tout était contrôlé, préparé, étudié. Les scientifiques étaient confiants.... mais il a fallu que de quelques petites secondes, et l'explosion. Fumée bleue, propagation, radiation. On dit même que le nuage est venu jusqu'aux États-Unis et au Canada... Incroyable. Nobélisé, cet essai laisse la parole à différents témoins. Des paroles empreintes de souffrance, de douleurs, de pertes, de rage... C'est difficile à lire. Bouleversant.
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