Deux personnages sont suivis tout au long du récit :
Annabel,
la femme du banquier Matthew Werner, jeune et brillant élément de la banque Swiss United. C'est elle qui donne son titre au roman.
Marina, journaliste américaine, fiancée à Grant Ellis. Grant, issu d'une grande famille américaine, est le fils de James Ellis, lequel se prépare à être candidat à l'élection présidentielle américaine.
Dès les premières pages, deux drames surviennent, chacun d'eux touchant une des deux femmes : Matthew, le mari d'Annabel, disparaît dans le crash d'un avion privé. Duncan Sander, patron et mentor de Marina, est assassiné, juste après avoir lancé Marina sur une enquête, au cours de laquelle elle reçoit d'un inconnu une clé USB au contenu explosif.
Ces deux drames se rejoignent car ils ont une même cause : les deux personnes disparues s'apprêtaient à faire des révélations concernant les activités illégales de la Swiss United : blanchiment d'argent pour le compte de dictatures, évasion fiscale, corruption de fonctionnaires…
Annabel, ignorant tout des activités de son mari, et profitant jusque-là d'une vie confortable et luxueuse, est alertée par des précisions fournies par la police suisse sur la disparition de Matthew et qui se révèlent falsifiées. Elle se met à enquêter en solitaire sur l'activité réelle de son mari, et se retrouve bientôt en possession de l'ordinateur personnel de celui-ci. Grâce à l'aide d'un ami informaticien, elle prend connaissance des révélations que son mari s'apprêtait à faire, mais se rend compte aussi que sa situation devient extrêmement dangereuse, car les anciens collègues de Matthew la suspectent d'avoir tout découvert.
De son côté, Marina se rapproche d'amis journalistes qui l'aident à dépouiller les données de la clé USB pour les publier dans la presse dans le style « Panama papers », et c'est une course contre la montre car tant que tout n'est pas rendu public, son mystérieux informateur est en danger de mort.
Bien sûr, il n'est pas question de raconter comment tout cela se termine, mais la tension demeure jusqu'au bout du roman.
Dans le parcours d'Annabel, j'ai retrouvé beaucoup d'éléments d'un autre roman, «
La Firme » de
John Grisham : un jeune et brillant diplômé, embauché avec un salaire de rêve, se donne tout entier à son travail et se dévoue totalement à son entreprise. Puis, lorsque apparaît le vrai visage de cette entreprise, il est lui-même tellement engagé qu'il ne peut plus retourner en arrière. Matthew, puis Annabel, à mesure qu'ils progressent dans leurs découvertes, sentent en même temps le danger s'accentuer et les menaces se préciser. On vit tout le drame des lanceurs d'alerte : révéler ce qu'ils savent peu mettre en péril leur carrière, voire leur vie, mais ne pas le révéler fait d'eux des complices qui seront condamnés quand la vérité éclatera.
Pour le cas de Marina, j'ai un autre roman de comparaison : «
L'argent des autres », de
Justin Cartwright, ou une jeune journaliste, renseignée par un informateur anonyme, s'attaque à une puissante banque d'affaires de la City, coupable d'énormes malversations. Mais chez
Cristina Alger, il y a moins d'humour et plus de tension dramatique. Marina côtoie des gens très puissants, proches de son futur beau-père, et les menaces se précisent rapidement, allant jusqu'au recours à un tueur à gages.
J'ai trouvé dans ce livre une bonne description de l'état d'esprit d'Annabel, Marina et leurs amis, dans une situation qui est maintenant assez connue, suite par exemple à l'affaire de
Julian Assange et des « Wikileaks ». L'auteur nous fait partager l'angoisse qui étreint Annabel, mais aussi une de ses amies, prise dans le jeu du chat et de la souris, ses ennemis sachant qu'elle a découvert certaine choses sans savoir précisément lesquelles….
Cristina Alger, que je découvre avec ce livre, possède un réel talent de récit psychologique. Elle dépeint également d'une manière ironique et assez cruelle la haute société de Genève ou de New York, où il importe avant tout de présenter une image souriante et sereine, et d'éviter tout scandale.
En ce qui concerne l'intrigue elle-même, on pourrait même dire le scénario, je suis plus réservé : le suivi en parallèle de deux enquêtes convergentes menées par des personnages distincts est parfois assez compliqué, et j'avoue que j'ai dû relire une deuxième fois le livre pour vérifier que tout était bien cohérent.
Il me reste un doute : qui a cambriolé l'appartement d'Annabel ? Quelquefois au moment où une enquêteuse se trouve bloquée, des faits nouveaux se révèlent de façon quasi miraculeuse, et assez artificielle. Une partie de la solution est basée sur le fait qu'on a pensé que dans telle situation, tel personnage ferait telle chose… ce qui est un pari pour le moins risqué …. Et pour tout dire, la clé de l'intrigue et son dénouement me paraissent très invraisemblables, ce qui a fait baisser d'une étoile la note que j'envisageais pour cet ouvrage.
Merci à Babelio et aux éditions Albin Michel de m'avoir permis de découvrir la plume de
Cristina Alger, que je relirai sans doute à l'occasion.