Emprunté à ma bibliothèque - 21 mai 2023
"L'une des choses les plus insoutenables de ma vie en prison était de devoir me passer de livres.
(...) Enfin , un matin, alors que j'avais presque perdu espoir, j'ai entendu un bruit de clapet du côté de la porte, et un livre est tombé dans la cellule.(...)
La vie semblait soudain s'être libérée de ses chaînes, comme un morceau de terre mal arrimé s'arrache au continent dans un bruit de cassure énorme.
Je n'étais pas fini, je n'étais pas abandonné, je n'étais pas perdu.
J'avais un livre.
"
Les Cosaques" de Tolstoï.
Léon Tolstoï, ce Zeus de la littérature, entrait dans ma cellule avec ses mille paradoxes.
Le génial écrivain était là, devant moi, surgi d'un lieu inespéré, avec son art de raconter (...)"
J'ai débuté par cet extrait plus marquant d'un des chapitres intitulé "Les fées de la forêt"
( représentant les livres , les histoires, les fictions...) donnant le ton de cet écrivain arbitrairement emprisonné, avec au départ l'annonce d'un " enfermement à vie" !!...
Une vitalité ,une résistance de vie, une force de création hors du commun...
Je reviens au choix d'emprunter cet ouvrage, après ma lecture plus qu'enthousiaste de "
Madame Hayat", n'en revenant toujours pas que roman fut écrit en prison...ma curiosité fut "piquée" pour prendre connaissance de ces "Ecrits de prison "...
Ce qui fut une excellente idée offrant une leçon de courage exemplaire et difficilement oubliable!
Quelle force mentale pour garder la force, l'envie de "Faire", d'"Ecrire" encore et encore.... Dans un même temps, l'écriture, l'imaginaire, la Littérature sont des formidables "boucliers", stimulants à l'Arbitraire, au Mal...
De courts chapitres thématiques oscillant inévitablement du très sombre à la lumière, au moindre rayon se présentant !
Parmi les nombreux sujets évoqués, (car Altan a une pudeur extraordinaire : pas question de "larmoyer" , de discourir sur "le courage"...ou de se poser en victime ) : La peur, les rêves, les mauvais traitements (dont le récit "tourneboulant" de la confiscation de tout "miroir", contribuant cruellement à la négation de chaque prisonnier), la vie quotidienne en cellule, la cohabitation avec les autres détenus, les auditions, les parodies d'interrogatoire, la présence essentielle des livres, les visites trop rares des proches, un chapitre autour d'un texte offert dans le passé par son père, qui lui sert d'appui et d'objet de réflexion : "Voyage autour de ma chambre" de Xavier de Maistre... devenu "Voyage autour de ma cellule"... car en dépit du drame de l'univers carcéral terrible qu'il subit quotidiennement, Altan ne se départit pas d'un certain recul et d'une ironie réjouissante !
Les sujets les plus repris sont évidemment ceux de L'Ecriture, des divers processus de la venue de l'inspiration, ce qui provoque en lui l'envie de débuter un texte ou un roman... Et le plus inimaginable, c'est que pendant ces années de prison, il ne pouvait, par sécurité, ne rien mettre par écrit, seulement tenter de "mémoriser" tout ce matériau dans sa tête. Cela laisse perplexe et surtout totalement admiratif des capacités humaine morales et intellectuelles dans des circonstances de barbarie absolue... On ne peut s'empêcher de songer à tous les poètes, écrivains russes dissidents, parvenant à mémoriser leurs textes et poèmes, au Goulag... !!?
Une admiration sans bornes pour ce grand Monsieur...un Juste et un écrivain captivant... Je vais achever par la phrase incontournable de ces "écrits de prison" !!
"Je suis écrivain. Je ne suis ni là où je suis, ni là où je ne suis pas. Vous pouvez me jeter en prison, vous ne m'enfermerez jamais. Car comme tous les écrivains, j'ai un pouvoir magique : je passe sans encombre les murailles."