Un petit moment de bonheur, la lecture de ce roman de
Jean-Pierre Ancèle «
Rose museau ». A moins que vous soyez allergique à la bébête, n'hésitez pas à vous le procurer.
Cocasse, truculent, un peu déjanté, tous les ingrédients sont présents pour passer un agréable et amusant moment avec des dialogues mitonnés aux petits oignons.
Aux temps où la banlieue (parisienne) était à la campagne, sur les marchés, on rencontrait des attractions pittoresques.
Urbain ne déroge pas à la règle, il est dompteur. Ah oui, dompteur d'ours, me direz-vous ? Que nenni, dompteur de rats. Il côtoie le père Mistol avec sa chorale d'oiseaux et Bourfre le vendeur de chats, quelle ménagerie ! qui ne fait pas forcément bon ménage.
Ce jour-là, l'attraction d'Urbain a attiré une dizaine de badauds, deux rats progressent sur une planche longue de trois mètres et arrivent sur la petite plateforme que forme l'un des deux escabeaux aux extrémités, rejoints bientôt par trois autres. le dresseur émet quelques sons gutturaux et de brefs sifflements et tire de sa poche une guimbarde, oreilles et moustaches frémissent : « les cinq rats entamèrent sur la plateforme une curieuse chorégraphie qui s'ouvrit sur une ronde, puis le premier tourna sur lui-même avant de sauter par-dessus les quatre autres arc-boutés côte à côte, en appui sur le museau et les pattes arrière. La figure achevée, les rats firent le tour de la plateforme pour finir assis comme des enfants jouant à la chandelle ».
Pendant ce temps, seul dans sa cage un gros rat semble dormir, museau dans le ventre. Urbain raconte à Modard , un spectateur avec qui il a entamé une discussion, qu'il n'ose plus sortir ce dernier. Un mois plus tôt, ce rat facétieux s'est échappé pendant l'exhibition de ses congénères et a infligé les pires outrages aux chats enchainés du père Bourfre parti soulagé sa prostate et mangé des saucisses. Pourtant, c'est la star, le clou du spectacle « triple pirouette renversée amorcée par un pivot espagnol et terminé par une double roue vrillée », et cela le désole d'autant plus.
Une idée germe dans la tête de Modard, cet ancien trapéziste de cirque qu'un malheur a désoeuvré. Il veut en entretenir Urbain et se trouve à le raccompagner chez lui. Les deux hommes s'attablent autour de bouteilles de Sauvignon pour parler du projet. L'alcool aidant les langues se délient et les deux protagonistes se racontent leur vie peu commune. Modard fait la connaissance de Paulette surnommée Belette, la jeune fille d'Urbain, gentillette mais qui a un problème avec la grammaire et la syntaxe et d'un inquiétant voisin Mompro…, affublé de lunettes en yeux-de-guêpe, qui
transforme, dans le hangar de la propriété, des carcasses récupérées en une étrange mixture.
Modard réussit, enfin, à expliquer à Urbain son projet, il envisage de faire un numéro de voltige avec notre rat vedette.
Rassurez-vous, les méchants seront châtiés !
De cet univers loufoque, certains resteront, peut-être, à la porte mais pour moi c'est un grand oui. Classé roman noir mais sortant des sentiers battus, avec ces trois personnages principaux attachants, sa lecture fut pour moi un moment de légèreté, un comble pour ce type de littérature.
Merci à l'agence Trames et aux Editions Fugue, pour cette évasion.