Quand l'impossible devient norme, tout est possible
Chiant, le vieux prof. Chiant et gentil, deux caractéristiques se rencontrant souvent chez la même personne, la qualité alimentant le travers (et vice versa).
Ce n'était pas l'ampoule. Il n'y avait pas-il n'y avait plus d'électricité. Avec l'évidence tranquille des catastrophes rampantes mais inéluctables, l'idée s'imposa à Pierre que cette coupure de courant avait un rapport direct avec la brume
La bête, dont les traces des coups de feu se perdaient dans l’efflorescence de ses plumes, devait bien peser dans les cent cinquante kilos.
Sans autre mot superflu, les trois hommes se mirent en marche vers la scintillante frontière de brume. Derrière eux, Roger Vincenzini avait empoigné l'extrémité de la corde nouée au piton. L'appréhension au ventre, il se mit à compter mentalement. Un, deux, trois… Nicolas Falcoz, qui avait pris la tête de la cordée, fut le premier, au onzième pas exactement, à disparaître dans le pan de mercure. Un soupir collectif souligna l'exploit. Le gardien, respiration retenue, vit Nazik et Antoine suivre le même chemin. Ces disparitions successives présentaient un aspect surréaliste, magique, comme des effets spéciaux de cinéma. Les silhouettes humaines se détachaient en ombre chinoise sur les volutes figées, à l'incandescence de métal au plus haut degré de fusion. Et puis, en l'espace d'une seconde, le temps que les explorateurs de l'inconnu fassent un pas en avant, elles disparurent,effacées purement et simplement, sans même laisser la trace d'une ombre qui aurait pu surnager un instant. Antoine avalé, Vincenzini se crispa, en attente d'un triple hurlement. Qui ne vint pas. Il put enfin ingurgiter une intense gorgée d'un air qui lui brûla la trachée. Ils étaient passés !
Sa main tenant la montre inerte retomba lentement vers son flanc, il jeta l’objet sur le lit d’un geste presque rageur. Et, dans son cerveau en ébullition, la réponse, ou une réponse possible se condensa. Il n’existe que deux phénomènes au monde capables d’interrompre les échanges électriques. Deux phénomènes induisant un champ électromagnétique gigantesque. Un orage d’une intensité phénoménale ou… – allez, dis-le ! – ou une explosion nucléaire.
Il n'est qu'une vérité, à reconsidérer chaque jour, à prendre comme elle vient, comme elle est.