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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Jean Anouilh est un auteur dramatique que je connaissais de nom mais n'avait jamais lu. Peut-être n'est-ce que de l'ignorance personnelle mais j'ai l'impression qu'il est peu mis en avant par rapport à d'autres auteurs contemporains (Giraudoux, Pagnol).
J'ai vraiment apprécié son talent pour aborder un sujet philosophique avec beaucoup d'humour tout en gardant la profondeur de la réflexion. le contrepoint des domestiques utilisé dans deux tableaux qui leur sont dédiés est également savoureux, par son humour mais aussi le décalage avec le reste des personnages. Sans aucun mépris pour les gens de maison, Anouilh utilise leur position de spectateurs, comme nous le sommes nous même au théâtre.
La réflexion philosophique sur le poids du passé, sur ce qui fait une vie et une personnalité et sur le droit ou la possibilité de repartir à zéro est vraiment très finement menée, sans lourdeur tout en parvenant à explorer le sujet en profondeur. Une vraie réussite.
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Il y avait bien longtemps que je n'avais relu le Voyageur sans bagage mai, à l'occasion du 11 novembre, j'ai pensé au sort de ceux qui sont longtemps restés amnésiques à la fin de la première guerre et qui ont ensuite été revendiqués par plusieurs familles en tant que "fils disparu".
Je ne sais ce que donne cette pièce sur scène mais le thème, traité ici de façon moqueuse, est grave. Gaston, qui a passé des années a ne souvenir de rien, est courtisé par plusieurs familles qui le reconnaissent absolument comme l'un des leurs, finit par en choisir une qui ne le dérange pas trop après en avoir rejeté une autre où on lui expliquait qu'il avait été un fils, frère et amant terrible.
Un sujet troublant.
La pièce prend parfois le parti pris du vaudeville. Elle m'a plu mais m'a semblé un peu vieillie.
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L'avantage avec l'amnésie, c'est qu'on a le droit de renoncer à son passé. le personnage de la pièce, Gaston ou Jacques, ne se souvient de rien. D'autres se souviennent à sa place, une dame patronnesse, une famille supposée. On le plante avec ses anciens parents, qui le décrivent comme un salopard, un tueur d'animaux, un bagarreur, un fils indigne, l'amant de la femme de son frère. Ce passé ne passe pas. Que faire? La question le taraude. Assumer cet héritage dont il ne veut pas? Fuir? Il faudra un coup de théâtre pour que cela se décide, très vite.
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Il me semble que Jean Anouilh, en tant qu'auteur du milieu du 20ème siècle, a toujours donné une place prépondérante à la guerre et ses conséquences diverses dans ses oeuvres.

Pour moi, le Voyageur sans bagage n'y échappe pas et cette fois-ci, plutôt que la guerre en elle-même, c'est l'après, et les effets physiques et psychologiques sur les survivants qu'elle entraîne, qu'Anouilh a voulu traiter ici.

Pour résumer rapidement, l'intrigue tourne autour de "Gaston", un vétéran de la première Guerre Mondiale qui, après être resté dix ans en asile, complètement amnésique, est poussé par la duchesse Dupont-Dufort à retrouver sa vraie famille. Ils rencontrent alors la famille des Renaud, des bourgeois persuadés de voir en Gaston le fils perdu de la famille, Jacques.

D'après moi, cette pièce de théâtre écrite en 1937, aborde une variété de sujets bien plus grande qu'un simple drame familial. Elle parle de la mémoire des combattants mais aussi de leur identité et de la reconnaissance parfois malsaine que leur octroie la société.

Rien que dans le titre, le double sens est évident : Gaston, c'est le voyageur qui n'a pas de valise, pas d'affaires, mais qui est également libre du bagage de la mémoire, complètement amnésique et inconscient de qui il était dans une vie passée. Confronté à son passé, va-t-il l'accepter ou va-t-il au contraire décider de s'en détacher ? Comme le dit la pièce, c'est là peut-être le privilège des amnésiques : ce sont les seuls à pouvoir se permettre de faire table rase du passé, et recommencer à zéro, ailleurs ou autrement.

Le parallèle avec les soldats traumatisés du combat revenant du front me semble approprié. En effet, Gaston était "quelqu'un" au moment de partir à la guerre, et il revient complètement transformé, littéralement un autre homme. Mais l'amnésie mise à part, ce constat n'était-il pas valable pour tout homme parti et revenu d'une guerre si terrible qu'elle en aurait laissé des profondes séquelles à quiconque aura vécu dans les tranchées ? N'y avait-il pas, au retour, comme une sorte d'inévitable incompréhension entre eux et la famille, la "population civile", restée à l'arrière, tandis que, la vie continuant son cours, on demandait aux guerriers de reprendre une existence normale, bon gré, mal gré ?

Bien sûr, le rejet de Gaston de la famille Renaud, et le refus d'être assimilé à un passé qu'il ne reconnaît pas et auquel il ne souhaite pas être associé, est le moteur principal de l'intrigue de la pièce. Comment s'identifier à quelqu'un que tout le monde décrit comme brutal, violent, impulsif, méchant, violeur, trompeur, un voyou à qui on a pourtant passé tous les excès, uniquement grâce à ses liens familiaux ?

Peut-être cette sorte d'indifférence à la méchanceté voire à l'acte de mort (Jacques possédait une collection d'animaux empaillés qu'il piégeait avant de les achever au couteau de chasse) est-elle à mettre en parallèle avec celle dont les familles et la nation ont faites preuve au retour des soldats de la Grande Guerre.

Car à l'époque d'Anouilh, l'armée n'est pas encore professionnelle, et la Grande Guerre fut menée principalement composée de conscrits, autrement dit des gens normaux envoyés s'entre-tuer sur un front bourbeux pour le compte d'intérêts qui les dépassent. Est-il alors normal de recevoir en héros des vétérans revenus des combats certes traumatisés, mais ayant au final fait le jeu de puissances politiques et financières, en tant que meurtriers assassinant des gens qui auraient pu, de l'autre côté de la frontière, être des amis, des cousins, des frères, bref des gens comme eux ? Anouilh, en ce sens, critique les valeurs de la société bourgeoise, sa bêtise et son manque de remise en question devant la pulsion de mort qui est considérée comme un simple "fait acquis" (les choses sont ainsi, on ne peut rien y changer, il faut les accepter telles quelles).

Il appuie son propos par une critique de l'ignorance totale de cette philosophie d'une quelconque notion de bien-être animal, par quelques tirades en défense des "petits animaux des bois" qu'on qualifierait aujourd'hui d'animalistes. Peut-être que de nos jours, Anouilh aurait été militant chez L214 ?

Au fond, je pense qu'on peut voir nombre de sujets dans cette pièce, une critique de la morale bourgeoise et de la guerre comme souvent chez Anouilh, mais avec peut-être un style et des références qui semblent datées aujourd'hui.

Le lire et le mettre en scène n'est pas évident de nos jours (et d'ailleurs on ne voit pas souvent du Anouilh au théâtre), car pour l'apprécier il faut bien comprendre le contexte dans lequel ses oeuvres ont été produites, ce qui pourrait en rebuter plus d'un.
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Cette pièce a été une lecture courte mais plaisante, et, plus important que cela, elle fait réfléchir. Il est difficile de lui attacher une étiquette : ce n'est ni une comédie, comme l'atteste la gravité du sujet et des souvenirs évoqués, ni une tragédie, en raison de la présence de personnages et de ressorts comiques.
La morale très rousseauiste de l'oeuvre semble affirmer que notre personnalité n'est que le fruit de nos interactions ; libéré de ce lien de causalité, quel regard porterions-nous sur un Moi devenu étranger ?
Le dénouement, s'il permet la résolution fortuite du dilemme posé à Gaston, n'est en revanche pas satisfaisant dans le questionnement plus large que suscite la situation. le mensonge, la fuite et le refus du réel sont-ils donc les regrettables antidotes de nos vices admis ? Quelle triste perspective ...
En dépit du motif extrêmement intéressant de l'amnésique à la recherche contrainte de son identité première, de la beauté de certaines scènes parfois chargées de symboles, ainsi que d'une écriture à la fois riche et accessible, bien que parfois peu crédible, on referme le livre avec un peu de reproche envers cet auteur qui se refuse à trancher, tel un maçon qui, après avoir érigé de très beaux murs, s'enfuit par une lucarne pour ne pas avoir à monter un toit de toute façon insoutenable pour eux.
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J'avais découvert Anouilh au lycée et j'étais tombée sous le charme d'Antigone, que j'avais d'ailleurs préférée à celle de Sophocle. : ) Depuis, je n'avais jamais osé relire un de ses textes, par crainte d'être déçue ! Ce ne fût pas le cas. En effet, en lisant "Le voyageur sans bagage" puis "Le bal des voleurs", j'ai découvert deux autres facettes de l'écriture de Jean Anouilh. Un drame avec cet homme amnésique qui découvre peu à peu qu'il était sans doute un être odieux avant de ne plus savoir qui il est. Amoureuse du théâtre et des questions existentielles ;), j'ai donc été comblée. En effet, aussitôt des questions sont apparues : qui serais-je si j'ignorais mon passé ? Si je m'imaginais autre ? Pouvons-nous, avons-nous le droit à une seconde chance ? Cependant, pas d'épanchement excessif, mais la liberté d'imaginer nous-mêmes et simplement les doutes qui grandissent tableau après tableau...
Dans le bal des voleurs, la légèreté est au rendez-vous et dès la première scène on rit de la bêtise de ces trois voleurs incapables de communiquer entre eux et brisant ainsi la couverture de l'autre (ah tiens, encore une question intéressante à se poser... :D). Mais l'un d'entre eux ne serait-il pas finalement plus honnête que les honnêtes gens.... La comédie pourrait être cousue de fil blanc tant les personnages semblent peu dupes les uns des autres. Or, finalement, ce n'est pas vrai et deviennent dupes ceux qui pensaient tromper... Nous, spectateurs ou lecteurs, devenons alors complices des personnages et nous rions des maladresses ou des mensonges inutiles. Nous nous émouvons également avec Gustave et Juliette.
Lecture rapide et très agréable donc.
Lien : http://apprendreavecbonheur...
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