Par ce livre - le premier- de Virginie Armando, cette dernière nous propose un récit court, doux et à la fois brutal dans lequel on retrouve la thématique de l'emprise. Et jusqu'où cette dernière peut aller, dans sa perfidie et dans son hypocrisie ?
Virginie Armano nous en propose un exemple poignant.
François, adolescent de 16 ans, se trouve pressé par ses parents à choisir une voie, au carrefour de sa jeune vie. Il rencontre alors Gabriel, un personnage dont l'aura charismatique place vite François sous sa coupe. Court, cette narration, traitant de sujets lourds et complexe, ne propose pourtant pas de nuances ou de flou artistique, dans ce condensé littéraire qui va droit au but, là où j'aurai apprécié un coup de frein ou un arrêt sur image.
Les personnages construits par l'autrice sont importants dans la construction et dans la compréhension de la situation de François. Leurs traits de personnalités sont bruts, facilement accessibles et sans contraste. Ici aussi, cette brutalité dessert en partie ce livre.
François le discret, déjà brisé un peu par sa famille dans laquelle il ne trouve pas sa place, a une vision de la figure paternelle ambiguë. Il n'est pas aussi viril que son père, dans lequel il ne se reconnaît pas. C'est dans cette faille de la représentation de l'homme que Gabriel se faufile et prend en otage François. Simone, sa grand-mère si moderne, souriante, est un pilier pour François, une bulle de réconfort. Peu à peu, il s'écartera de ce pilier. Perdant les bénéfices de cette relation, sa chute en sera plus rapide. Gabriel, qui est en réalité Karim comme on l'apprend dès les premières pages est un personnage moqueur, double face, comme la double identité dont il se pare.
Tout au long de l'histoire tissée par
Virginie Armano, on retrouve une symbolique joliment pensée et appréciable. Tout commence par la mort : à la morgue d'un établissement funéraire, un renversement de situation signe avec subtilité le début de la fin : suite à un événement terrible, au lieu de pleurer, François rit, par mimétisme vis-à-vis des rires de Gabriel.
Ce que l'autrice véhicule, c'est l'idée que certaines personnalités charismatiques peuvent devenir dangereuses par leur influence. Terreau de gourou, elles peuvent mener au pire. Les thèmes évoqués sont d'abord ceux de la déception vis à vis de sa famille que l'on peut avoir lorsque l'innocence de l'enfance disparaît, avec l'adolescence. Cette sensation d'emprise familiale contre laquelle chaque adolescent « rebelle » - ou non-souhaite se dresser. Mais aussi de l'emprise amicale, que des individus extérieurs aux logiques familiales et rencontrés au fil de la vie peuvent avoir, et comment il la construise.
Puis, dans un second temps, ce sont des thèmes intimement liés aux premiers, mais bien plus tragiques qui se développent ...
Comment se construit l'emprise ? Et pourquoi il est si difficile pour celui qui l'a subi de l'arrêter ? Tout cela est très bien décrit en filigrane de cette histoire qui nous emporte.
Le style littéraire est romanesque, jusque dans les dialogues. Ce qui en fait des dialogues difficilement transposables et irréels lorsqu'on les imagine dans notre réalité. Ce style disparaît quasi totalement en deuxième partie de ce récit que la structure ne mentionne pas. Faite de chapitres distincts, chronologiques, c'est pourtant un récit scindé en deux parties bien tranchées qui se ressentent à la lecture. le lecteur est alors transporté dans une tout autre dimension à mi-livre.
Mon sentiment direct après lecture est physique, tant la lecture est rendue difficile par les événements qui se dévoilent et le style d'écriture tranchant. Estomac noué, malaise à la lecture des mots et à la compréhension du sens des phrases, rendent quasi insupportables les derniers chapitres. Mais c'est à la hauteur du drame qui se trame. Passé ce cap, ce n'est plus du tout du même livre dont il s'agit, pour le meilleur et pour le pire. Précipitée et violente, cette tragédie aurait méritée d'être allongée pour permettre au lecteur de ne pas être submergé par cette vague, et qu'il n'ai pas comme réaction, de construire une digue empêchant la transmission et la compréhension. Juste pour se protéger.