Je referme ce premier roman avec une sensation tenace de gâchis. le terme est fort, sûrement injuste, assurément subjectif, mais à la hauteur de la frustration ressentie tant il y a des choses que j'ai adorées comme d'autres qui m'ont chagrinée.
Cela démarre par un prologue vraiment excellent, percutant par le drame qu'il introduit et restera en suspens durant toute la lecture, et intrigant par le mystère qu'il laisse planer sur l'identité des personnages concernées et leurs motivations. Les chapitres suivant sont à la hauteur des promesses initiales, portées par une écriture de grande qualité, énergique, vivante, pleine d'humour.
La façon qu'a
Virginie Armano de parler de l'adolescente est remarquable. Son narrateur, François, 16 ans, on y croit d'emblée, on le voit, on le comprend ce grand dadais qui n'a d'intérêt pour rien, ni vocation, ni ambition, et qui flotte à la lisière de l'enfance et de l'âge adulte avec nonchalance, en attendant de trouver sa voie. On lève les yeux lorsque le père apparaît, « bloc de principes et de raideur agglomérés » qui n'a que paroles brutales pour son fils. On plaint la mère, aimante mais perdue.
« Longtemps, comme tous les enfants, j'ai cru que ma mère pouvait lire dans mes pensées. C'était sûrement un peu vrai. Elles regardent, les mères. Elles savent. Elles lisent les misères et les états d'âme. Seulement, un jour, elles deviennent moins justes, atteintes d'une myopie émotionnelle qui nous navre autant qu'elle nous sauve de leur déception. Elles restent fières de nous mais pour ce que nous ne sommes plus. »
« Je la tiens loin de moi en lui servant une soupe inconsistante qu'elle fait mine d'avaler. Je retire une immense fierté, bien que furieusement volatile, de cette capacité à la berner. Contentement fugace, toujours immédiatement suivi d'un sentiment de culpabilité et de colère mêlées. Je lui en veux à crever de ne pas me bercer à jour. Je lui en veux de me perdre de vue et de ne pas me chercher plus fort. »
Et puis, il y a Simone. J'ai rarement lu une aussi belle relation entre un petit-fils et sa grand-mère, la confidente qui le regarde comme un roi la seule à croire en lui et à l'encourager de rêver grand pour ne pas vivre petit..
« Comme tous les enfants, j'ai toujours connu ma grand-mère vieilleet, jusqu'ici, je ne l'avais pas vue vieillir davantage. Je grandissais et elle me semblait rester aussi immuable que le bleu du ciel ou le vert de l'herbe. Mais à cet instant, dans cette cuisine inchangée depuis le jour de mes premiers souvenirs, je mesure violemment le temps qui passe. Sur moi, qui la dépasse maintenant de deux têtes, et sur elle, petite chose ratatinée comme un pruneau séché, si minuscule dans sa robe de chambre dont l'ourlet ballotte contre ses mollets décharnés. »
En fait, j'aurais aimé que le roman se concentre sur les relations interfamiliales. Mais c'est un roman initiatique et pour faire passer à l'âge adulte son François, l'autrice a imaginé une rencontre, avec le charismatique Gabriel, puis une épreuve qui fait basculer le roman dans un tout autre registre autour de thématique sur l'emprise et la domination psychologique.
Et là, j'ai complètement décroché tant les péripéties m'ont semblé d'autant peu crédibles qu'elles s'enchaînent sur un rythme confus beaucoup et trop rapide, ce qui ne permet pas de les comprendre réellement, et ne fait qu'effleurer des thématiques graves qui ne méritaient pas d'être ainsi survolées. le récit s'alourdit et devient laborieux, jusqu'à cet épilogue inutile qui projette dans l'avenir et ôte au lecteur toute possibilité de s'imaginer une suite plus ambiguë.