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Citations sur La Cliente (59)

Il ne faut jamais rencontrer les gens qu'on aimerait haïr. Jamais. J'étais venu me mesurer à un monstre froid, je me trouvais confronté à une dame.
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On a tellement parlé de ce temps où les Français ne s'aimaient pas qu'on en a déduit une idée fausse devenue un lieu commun. À savoir qu'ils se seraient livrés à une surenchère dans l'avilissement, se dénonçant les uns les autres. Mais qu'en sait-on ? Pas d'enquête exhaustive, pas de chiffres, pas de livres, rien. En tout cas pas d'étude à l'échelle du pays. Tel département a fait l'objet d'une analyse pointure mais il n'a pas de valeur nationale tant les différences étaient grandes suivant que l'on se trouvait au nord ou au sud de la ligne de démarcation. Inconsultables par la loi, les archives sont demeurées inconsultées. Aussi l'opinion publique s'était-elle persuadée que l'Occupation avait été l'âge d'or de la délation.
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Plus que jamais la guerre était en moi. Je respirais l'air du temps de l'Occupation. Personne ne pouvait accéder à ce désarroi, rien n'était en mesure de l'atténuer. J'assistais impuissant au lent grignotage de mon esprit par un corps étranger.
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Les années quarante m'étaient devenues une seconde patrie. Mon pays d'adoption en quelque sorte. Mais je ne l'habitais pas, c'est lui qui m'habitait. L'Occupation m'avait pénétré. Je n'étais plus un homme, j'étais une guerre civile.
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Jamais un historien ne pourra donner la vraie mesure du phénomène. Seul un romancier y parviendrait. Ou un psychiatre. Nul besoin de se sentir une vocation de proctologue pour fouiller le cul du monde.
Si cela n'avait été que haineux, ce serait simple. Mais lorsque le mal s'exprimait dans toute sa banalité, lorsqu'il apparaissait profondément ordinaire, la raison déposait les armes. Car, avec l'Occupation, on n'est plus dans la politique. Pendant quatre ans, ce fut à chaque heure l'heure de vérité qui révéla la part d'humain ou d'inhumain en nous.
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Le dossier était encore plus crasseux à l'intérieur qu'à l'extérieur. Il était rempli de lettres de dénonciation non classées.
Manifestement, elles n'avaient jamais été manipulées. Je les avais trouvées dans leur jus. On aurait pu y pratiquer des relevés d'empreintes digitales pour identifier les épistoliers. De la haine en vrac. Du concentré de méchanceté pure. Ça vomissait de partout, ça débordait.
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Cette littérature n'avait rien d'exemplaire. Mais, contre toute attente, tout n'y était pas laid. Elle était à l'image de la France. Le pire y côtoyait le meilleur, et des injustes des justes. Le pire, c'était ce copropriétaire qui dénonçait à la police sa concierge assermentée parce qu'elle avait refusé de dénoncer les clandestins cachés dans les combles de l'immeuble. Le meilleur, c'était cette vieille dame qui morigénait le Commissaire, lui reprochant l'indignité de sa fonction et l'iniquité de ses méthodes, pour ne rien dire de l'esprit même de son action, qu'elle jugeait scandaleusement antichrétien et antifrançais. Suivaient son nom et son adresse.
Entre ces deux extrêmes, entre l'abjection de conscience et le supplément d'âme, on trouvait le registre complet des accommodements, compromis et reniements dont la Révolution nationale entendait faire des vertus bien françaises. Toute la gamme des délateurs s'y exprimait en majesté ou en catimini. Celui qui est fier de servir son pays et celui qui balance avec l'air de ne pas y toucher. Celui qui n'ose pas et le fait quand même et celui qui trouve le gouvernement encore trop timoré sur la question. Celui qui se sent naître une vocation d'auxiliaire de police et celui qui est encore disponible si on a besoin de lui. Celui qui est prêt à consigner son acte sur un livre d'or et celui qui préférerait qu'on l'oublie, sait-on jamais.
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Après ton appel, j'étais fou de rage. Je suis entré dans son magasin. Elle était seule. Je l'aurais volontiers étranglée. Je suppose que ça se voyait. Au lieu de quoi, je l'ai fixée en silence droit dans les yeux pendant des minutes qui ont dû lui paraître des siècles. Au début, elle a fait l'étonnée. Mais au fur et à mesure de l'épreuve, elle s'est défaite. J'ai lu sa vie dans son regard. J'y ai vu son crime. Puis elle a baissé les yeux. (…) Maintenant, elle sait que je sais. En ne se délivrant pas de sa faute, cette femme s'est obligée à vivre avec jusqu'à sa mort. La faute ou l'offense, appelle ça comme tu veux. Son esprit sera toujours moins en repos que le mien. Elle porte son châtiment en elle. Pour moi, c'est fini.
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Plus je poursuivais mon voyage, plus je m'enfonçais dans les ténèbres. J'entendais des cris d'agonie monter de la forêt. Les eaux charriaient gisants, cadavres et squelettes qu'elles déposaient parfois sur la rive. J'affrontais l'histoire qui pue.
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Après cela, on ne doute plus qu'une image puisse remplacer dix mille mots. En fixant leurs yeux exorbités, j'ai eu une idée de ce que pouvait être la détresse la plus nue. De ce sentiment d'effroi naît une conscience aiguë de la solitude absolue. Ce genre de rencontre abolit tout commentaire. Il le rend superflu. Et plus encore, indécent. Il ne reste qu'à méditer pour soi. Quand on en vient à se reprocher de ne pouvoir exprimer l'ineffable, c'est signe qu'il est temps de se taire.
Une heure plus tard, j'étais une loque. Honteux et coupable, non d'avoir survécu au crime mais de ne pas user de la même violence pour le faire avouer. Je m'en voulais de réprimer à ce point ce qu'il y avait en moi de bestialité. Cet endroit était hanté. Ceux qui cherchaient une seule bonne raison d'être juif en auraient trouvé là six millions.
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