Si vous me lisez régulièrement, vous avez déjà pu constater mon amour des beaux livres et vous avez probablement compris que je suis complètement sous le charme de cette belle édition collector proposée par les éditions Lumen : une couverture bleue avec des effets argentés, de magnifiques pages de garde, un jaspage à se damner qui représente à merveille l'univers…
Du très beau travail à la hauteur de l'intrigue développée sur 600 pages par
Alex Aster. L'autrice nous offre ainsi une lecture entraînante reprenant certains codes du YA sans néanmoins que cela soit gênant, même si j'aurais apprécié un peu plus de profondeur et de force dans l'écriture. Ce manque d'envergure, qui donne le sentiment que tout le potentiel du roman n'a pas été suffisamment exploité, ne nuit en rien au plaisir que l'on prend à faire défiler les pages, l'autrice compensant cette relative simplicité de plume par une histoire menée tambour battant.
Une histoire qui nous plonge sur une île maudite, Lightlark, qui apparaît tous les cent ans à l'occasion d'une compétition entre les six souverains des six royaumes, le Centennal. Une compétition dont l'enjeu est de taille : briser une terrible malédiction qui prend une forme différente pour chaque royaume, avant de décider quel peuple sacrifier pour sauver les cinq autres. Une compétition pour laquelle Isla a été préparée toute sa vie, cette dernière, privée de liberté, ayant été élevée dans l'optique de se sacrifier et de sauver son peuple. Malgré son secret qui la pénalise par rapport aux autres participants, la jeune souveraine fait montre d'un courage hors norme et d'un esprit de guerrière, à l'image de son peuple, du moins avant que ne le frappe la malédiction.
Isla a une mission, par forcément celle prévue par les deux gardiennes qui l'ont élevée, et elle est bien déterminée à l'accomplir ! Néanmoins, au gré des liens qu'elle crée et des événements, elle réalisera que ce qu'elle pensait désirer plus que tout n'est finalement plus ce dont elle a besoin et envie. Je n'en dirai pas plus si ce n'est que je me suis très vite attachée à cette héroïne, que j'ai néanmoins trouvée parfois assez naïve, ce qui s'explique par son éducation qui l'a privée de vraies relations sur lesquelles s'appuyer pour développer son intelligence sociale. Il y a ainsi des choses qui nous apparaissent évidentes et à côté desquelles elle passera sans se méfier, suscitant chez le lecteur une certaine frustration. Frustration que j'ai également ressentie devant l'émergence d'un triangle amoureux, mais je ne suis guère objective détestant purement et simplement ce schéma.
J'ai, en outre, été perplexe devant certains sentiments. Certains semblent sortir de nulle part, ce qui m'a donné l'impression que l'amitié était confondue avec le sentiment amoureux. À moins que cet amour ne soit le résultat de la rencontre entre deux solitudes plutôt qu'entre deux coeurs. Quant à une certaine relation, je l'ai trouvée bien trop rapide, au vu du manque d'interactions significatives, même si j'en ai rapidement compris la légitime raison. Mais je l'ai surtout trouvée déstabilisante par les émotions qu'elle a éveillées en moi : même si je l'ai trouvée difficile à croire, elle a réussi à faire battre mon coeur, avant de me le briser. Et je n'aime pas avoir le coeur brisé ! Je pense que si j'avais découvert la fin avant de lire ce premier tome, j'aurais attendu la parution du deuxième pour les enchaîner, en croisant fortement les doigts pour que les choses évoluent comme je le souhaite.
Mais je vous rassure, la romance n'est clairement pas au centre de ce premier tome riche et complexe qui joue sur les apparences, les (mes)alliances, les trahisons, les secrets, les mensonges par omission et ceux plus difficiles à pardonner, les dilemmes moraux poussant parfois à prendre des décisions difficiles pour le bien du plus grand nombre. Il est aussi question d'amour, d'amitié, de vengeance, de confiance en soi et en les autres, d'apprentissage de la liberté et de ses limites, de malédiction, d'un archipel et d'une île qui exerce une étrange attraction sur les lecteurs, captifs de ses recoins, de ses dangers et de son relief.
Alex Aster a développé, page après page, un cadre impitoyable et fascinant qui n'est malheureusement pas totalement exploité. On en a une photo générale, avec un focus sur certains endroits, mais j'aurais tellement aimé explorer les six royaumes en long et en large, et en découvrir tous les secrets. Mais cela en aurait peut-être réduit le charme et le côté obscur du roman, qui nous pousse à nous tenir constamment sur le qui-vive…
À défaut de cette immersion totale, l'autrice veille néanmoins, et plutôt finement, à permettre aux lecteurs de saisir les particularités de chaque peuple et de découvrir les pouvoirs des six souverains. Des pouvoirs impressionnants dont on a du mal à saisir les limites mais dont on comprend la puissance. J'ai, pour ma part, adoré cet étalage de pouvoirs, certains m'ayant fascinée, d'autres laissant entrevoir un terrifiant champ des possibles. Des pouvoirs qui seront déployés durant le Centennal, compétition dangereuse qui va rythmer le roman, et qui va pousser Isla dans ses retranchements, la conduisant sur le chemin d'une vérité qui dépassera tout ce qu'elle avait imaginé. J'ai aimé la voir lutter pour survivre d'autant que cela va lui permettre de mettre en oeuvre tout ce qu'elle a appris sa vie durant, et nous permettre de réaliser pleinement la force de sa détermination. Je regrette juste quelques incohérences, l'autrice se contredisant sur les capacités de stratège de son héroïne. Mais rien de bien méchant, puisque Isla nous prouvera que même dans les pires épreuves, elle possède une belle capacité de résilience, lui permettant d'avancer malgré les blessures physiques et mentales, les doutes, les trahisons et autres désillusions.
Quant aux autres personnages, ils sont intéressants par cet équilibre de la terreur qu'ils instaurent, mais ils collent un peu trop à mon goût à certains stéréotypes : le roi ténébreux et attirant, le roi cruel (mais pas vraiment) et froid (mais pas tant que ça), la peste qui se prend directement d'inimitié pour Isla, la servante alliée… Un personnage sort du lot, mais il n'est malheureusement pas assez développé pour compenser une galerie de personnages hétéroclite qui fonctionne très bien, mais pour laquelle l'autrice n'a pris aucun risque. Cela ne m'a pas gênée outre mesure, complètement immergée dans l'histoire et saisie par l'angoisse qui va crescendo à mesure que la fin du Centennal approche, et que ses enjeux se rappellent pleinement à nous. J'espère néanmoins que l'autrice prenne, par la suite, assez confiance en son écriture et en son imaginaire pour approfondir son univers et étoffer la psychologie de ses personnages.
En conclusion, Lighlark, après m'avoir enchantée par la beauté de son écrin, m'a conquise par le fond de son histoire. D'une plume simple et immersive,
Alex Aster développe dans ce roman de 600 pages, d'une agréable fluidité, un univers fort, complexe, riche, fascinant et mouvant, dont les recoins regorgent de dangers et de mystères à élucider. Tissant sa toile autour des lecteurs, elle nous propose ici plus qu'une malédiction à briser et une compétition à remporter, elle nous offre une histoire d'émancipation, celle d'une héroïne qui va grandir au fil d'une compétition acharnée et apprendre à choisir ses propres combats, quitte à se briser les ailes. Les amateurs de romans de fantasy YA menés tambour battant qui regorgent d'action, de mystère, de relations dont il est parfois difficile de mesurer la sincérité, de retournements de situation, et de moments volés au nez du danger, devraient se laisser emporter par cette lecture.
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