J'ai apprécié de retrouver
Kate Atkinson dont, à une assez lointaine époque, j'ai lu d'affilée les six premiers romans… j'y suis parfois revenue par la suite mais de manière sporadique, sans doute à tort. Parce que j'aime beaucoup cet humour grinçant qu'elle glisse, comme par une inadvertance qui le rend d'autant plus retentissant, dans les mailles de ses intrigues à rebondissements. J'aime sa tendresse pour les originaux, les décalés, les bizarres. Et j'aime sa manière, même lorsqu'elle évoque des tragédies, d'enrober tout cela d'une sorte de flegme (britannique ?) par lequel elle se donne le droit de tout pouvoir dédramatiser.
Je mentirais toutefois si je disais avoir été aussi emballée par ces nouvelles que par ses romans, car j'ai trouvé le recueil un peu inégal, même si le ton et l'inventivité de certains textes, et la faculté de l'auteure à s'approprier, pour les détourner, des genres divers, m'ont tout de même procuré quelques bons moments de plaisir.
C'est un recueil assurément féminin, plaçant au coeur de ses intrigues des héroïnes désespérées ou fantasques, autoritaires ou touchantes, machiavéliques ou paumées. Elles sont filles, mères, jeunes ou quinquagénaires, ambassadrices Avon et/ou membres de clubs de lecture. Elles font généralement partie d'une petite bourgeoisie où elles ne se sentent pas toujours à leur place. Elles s'attardent auprès d'un mari qu'elles prévoient de quitter quand leurs enfants seront grands, redécouvrent les joies de la maternité, se libèrent ou se soumettent… car elles subissent, aussi. La domination d'un époux et père dont une société résolument patriarcale légitime la tyrannie. le dégoût gêné d'un compagnon qui après avoir rêvé d'une femme ressemblant à sa mère face à l'énergie militante de l'étudiante féministe qu'il a épousée 20 ans auparavant, préfère soudain la chair fraîche au corps amolli d'une compagne qui s'épuise dans de pathétiques et vains efforts, à le reconquérir. La dictature qu'impose une charia devenue la Loi au Royaume-Uni, dont les citoyens masculins s'accommodent avec une inquiétante bonne volonté.
Dieu lui-même, comme le révèle la nouvelle intitulée Genèse, est désespéré et en même temps frappé d'incompréhension face à l'échec de ses différentes tentatives pour créer le monde, systématiquement gâchées par ce qu'en fait l'Homme, création à la fois fascinante, déconcertante et dévastatrice … Un peu dans la même veine, le texte ayant donné son titre à la nouvelle livre quant à lui une jolie fable sur la manière dont la nature, pour se rappeler à un être humain qui a oublié ce qu'il lui doit, reprend ses droits.
Toutes ces thématiques sont déclinées sous des formes variées. le premier texte (un de mes préférés), débute comme une comédie romantique quelque peu sirupeuse qui dégénère en un récit horrifiant aux accents gothiques, et est suivi pêle-mêle de récit d'anticipation, de contes fantastiques -mais souvent cruels- ou d'épisodes de vies banales dont
Kate Atkinson extrait la dimension singulière. Et parfois tout cela s'entrelace dans une même nouvelle.
Entre tendresse moqueuse et ironie grinçante,
Kate Atkinson nous livre un recueil à la fois sombre et ludique bien que de qualité hétérogène comme évoqué plus haut.
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