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Citations sur Luis Buñuel (13)

“La morale est l'épine dorsale des imbéciles.” Francis Picabia
Tombeaux et Bordels
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A quoi bon le décrire? Il a été maintes fois photographié. Il n'a jamais quitté son enfance et sa jeunesse. Fidèle à lui-même, il l' a été vis-à-vis des autres dans la mesure où ces derniers ont agi comme il a estimé qu'ils devaient agir. Il se met facilement en colère, aussi facilement qu'il oublie et passe à autre chose. Il sourit beaucoup parce qu'il est sourd d'oreille.
"- Les grands sourds sont aragonais.
- Quoi?
- Les grands sourds aragonais.
- Ah, oui!
- Goya...
- C'est vrai. Les trois grands sourds aragonais.
- Qui ça?
- Goya, Beethoven, et moi.
- Ah bon. Je ne savais pas que Beethoven était aragonais.
- Non?
- Non.
- Eh bien, tu le sais maintenant."
Il adore voir les visages stupéfaits, ou furibonds.
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Buñuel est un homme intelligent, atrabilaire, fidèle à ses sentiments, ses instincts et ses idées, intéressé, partial comme tous les gens intelligents. Nous avons vécu à la même époque, nous nous ressemblons par certains côtés, nous différons sur beaucoup d'autres. C'est dommage qu'il n'écrive pas un livre sur moi, nous laisserions ainsi un témoignage, sectaire, sur le XXème siècle vu par deux Espagnols qui n'ont vécu en Espagne qu'une partie, fondamentale, de leur vie.
Lui est un Espagnol marié à une Française, qui est devenue mexicaine; moi, Français, je suis marié à une Espagnole qui est devenue mexicaine. (...)
Selon toute probabilité, nous devrions mourir au Mexique, ce serait justice. En ce qui concerne notre œuvre, nous sommes espagnols, car c'est dans la péninsule que nous avons passé notre baccalauréat et que nous sommes devenus des hommes. Du point de vue culturel, nous sommes dépendants des deux cultures, espagnole et française. La culture anglo-saxonne ne nous a guère affectés dans le fond; passablement dans la forme. J'ai toujours été un homme de livres, contrairement à Buñuel , qui a les pieds sur terre et les poings en l'air. (...) Nous avions en commun nombre de connaissances et d'amis de jeunesse. Les écoles de l'avant-garde m'ont heurté plus tôt que lui; je les ai vite abandonnées. Nonobstant, nous avons tous deux été attirés par l'univers de Pérez Galdós,. La grande différence se trouve dans la religion: bien que tous deux athées, ses racines sont catholiques, les miennes plongent dans la libre-pensée. Cela est plus important que des échanges dans les milieux madrilène, parisien ou mexicain.
L'éducation religieuse de Buñuel était tributaire du catholicisme intransigeant de sa mère, qui l'a adoré. La mienne était totalement agnostique et, dans ma formation, mes parents n'ont eu aucune influence, jusqu'où cela est possible dans une famille bourgeoise.
Nous différons fondement sur le plan politique. Il attache plus d'importance à la justice qu'à la vérité. Ce n'est pas mon cas.
(Prologue personnel)
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Un regard fixe, une grosse voix, des rides profondes -dues à l'âge-, de grandes oreilles, futiles, un front puissant, une certaine démarche (penché en tant et des bras ballants, il semble traîner ses pieds en dedans); un nez de boxeur encore à moitié cassé, des cernes sous les yeux qui ont besoin, c'est bien logique, de lunettes de vue; toujours grand amateur de bons plats, espagnols et français- ses choix lui appartiennent: tel est Luis Buñuel.
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Il a tourné Un chien andalou avec l'argent de sa famille, L'Age d'or grâce à celui d'un couple d'aristocrates et mécènes au goût certain, les vicomtes de Noailles, Terre sans pain, avec les bénéfices inespérés d'une loterie gagnée par un anarchiste; mais il lui a fallu attendre dix-huit années avant qu'un producteur intelligent et un peu joueur lui offre la possibilité de réaliser Los Olvidados, après le joli succès de l'une de ses réalisations commerciales, Le Grand noceur. Le commerce ne signifie pas toujours que l'on soit obligé de se vendre. Buñuel a réalisé quelques films sans trahir son code personnel: pas d'éloges à la famille, à la patrie, ni aux lieux communs de la bourgeoisie.
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(Préface de Carmen Peire)

Lorsque Max Aub meurt d’un arrêt cardiaque, le 22 juillet 1972, un samedi dans la soirée, avant de commencer une partie de cartes avec quelques amis, chez lui, dans sa maison de la rue Euclides, à Mexico, il était en train d'écrire une biographie de Luis Buñuel suite à une commande de la maison d’édition Aguilar. Le livre avait pour titre Luis Buñuel, novela, parce qu’il avait fait du cinéaste un personnage et parce que, comme il le dit lui-même, « tout homme qui vit écrit, de fait, un roman. », bien que cet ouvrage soit en réalité partiellement une biographie, et partiellement un essai, moitié roman moitié analyse et impressions d’une génération qui a vécu des moments cruciaux, ainsi qu’une étude très minutieuse des avant-gardes artistiques et littéraires des premières décennies du XXè siècle. (…)
Ce que nous présentons ici, c’est Luis Buñuel, Roman, en suivant le schéma établi par Max Aub (lequel se trouvait parmi les tapuscrits) et récupérant le contenu, comme l’a corroboré postérieurement le chercheur de l’université autonome de Barcelone et spécialiste du cinéma, Roman Gubern, qui m’a montré une lettre de Max Aub dans laquelle il disait son intention de, non seulement recueillir certains aspects de la vie et de l’oeuvre de Buñuel, mais aussi de faire une analyse des avant-gardes qui ont parcouru le premier tiers du vingtième siècle et au-delà. Il a fallu attendre près de quarante ans pour que le public ait accès à cette oeuvre inédite de notre auteur, dont les propos concernant cet ouvrage étaient prophétiques: « Avant que les lecteurs s’assurent de la vérité de tout ce que je dis, moi étant l’auteur de l’ouvrage, mettez celui-ci en quarantaine. «  (…)
Max Aub est un de nos meilleurs écrivains, d’une ample culture (sans qu’il avoir foulé l’université) et d’une portée hors du commun, ce qui apparait reflété dans ces pages.
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Federico García Lorca
Lorsque Federico dit à Buñuel: "Tu es un Aragonais tête de mule", cela sent l'amour, l'amitié. Lorsque Luis Buñuel déclare que personne n'a eu autant d'influence sur lui que García Lorca, bien qu'il émette de grandes réserves sur son oeuvre, c'est la vérité. Autre chose sur laquelle ils se retrouvent, leur passion pour les insectes. (…)
Aujourd’hui, personne n’aurait l’idée de réunir les noms de García Lorca et de Buñuel, et pourtant nul n’ignore l’énorme influence que le poète de Grenade a exercé sur le cinéaste aragonais. Personne ne l’a autant marqué. C’est Luis Buñuel lui-même qui l’affirme, Federico lui a fait découvrir un autre monde. Sans le poète du Romancero Gitano, Un chien andalou n’aurait pas existé. Dalí, grandit lui aussi partiellement dans le giron de Federico. Ce dernier n’était pas lié au surréalisme, mais il fut le père de deux surréalistes espagnols (et d’une fraction d’un troisième: Pablo Picasso). Je sais que l’on raconte ici ou là qu’il subsiste des poètes et des peintres surréalistes. (…) Mais les surréalistes de qualité -car ils ont existé, surgis des entrailles de la Terre entre 1924 et 1932- sont ceux qui ont élu domicile à Paris. Quelques jeunes gens ont partagé leurs idées à Madrid ou à New-York -n’oublions pas qu’ils voyageaient-, mais « du fond de leur coeur » ils n’étaient pas surréalistes. Sans oublier quelques fantômes argentins et des spectres comme Marinetti et Gómez Carrillo.
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Quand on analyse le problème de l’anarchisme espagnol et qu’on se demande pourquoi Sorel et Bakounine ont eu un tel succès en Espagne, succès inconnu ailleurs dans le monde, la réponse est simple et vaut aussi bien pour l’anticléricalisme: ce sont des particularités propres à cette génération.
Le socialisme et la tolérance religieuse peuvent fructifier dans une ambiance où les parties opposées, avec toutes les difficultés que l’on voudra, parviennent à s’entendre, même de façon passagère. Pour cela il est besoin d’une certaine souplesse, absolument inconnue parmi les propriétaires andalous -protégés par la garde civile-, ou parmi les patrons catalans. Ces derniers ont accepté l’épreuve de force et ont oeuvré pour faire croire aux masses qu’il n’existait d’autre solution qu’une relation directe avec les capitalistes - pour un bien ou pour un mal- , en excluant l’intervention de l’Etat qui, aussi bien en Catalogne qu’en Andalousie, se montrait résolument du côté du patronat.
Ce problème n’existait pas en Castille -avec ses campagnes pauvres, son artisanat et sa maigre industrie-, ni au Pays basque, où les usines étaient plus vastes mais moins nombreuses, où l’influence anglaise était notable, ce qui les obligeait à certains compromis. Le développement de l’anarchisme ibérique est à mettre sur le compte de la barbare intransigeance patronale, et cette violence va se répercuter sur toute la vie de la nation.
(…)
Les théories de Sorel et de Bakounine se répandaient un peu partout, mais confrontées à la réalité, elles étaient considérées comme irréalisables. Ce ne fut pas le cas en Espagne, où la misère et l’intransigeance des oligarchies les ont maintenues vivantes, avec cette idée qu’il serait plus facile au prolétariat de triompher à travers l’action directe plutôt qu’en pactisant avec l’Etat.
La situation instable, tant politique que sociale, qui a favorisé et installé l’anarchosyndisalisme de façon quasiment permanente depuis 1892, donne un caractère tout à fait particulier à la vie espagnole.
Les arrestations policières, les assassinats, les déportations, ne suffisaient pas à maitriser cette façon d’entendre la lutte sociale que l’intransigeance des capitalistes catalans et andalous avaient déclenchée.
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MAX AUB : J'ai toujours pensé qu'il y avait chez toi une dichotomie entre ta façon de penser et tes faits et gestes.
LUIS BUNUEL : Oui, c'est très curieux, mais c'est comme ça. D'un côté mes idées, de l'autre la réalité. Ce qui est sûr, c'est que pendant la guerre civile, tout ce que nous avions imaginé, du moins tout ce que moi j'avais dans la tête, l'incendie des couvents, la guerre, les assassinats : moi j'étais mort de peur; et pas seulement ça, en fait j'étais contre toutes ces choses-là. Je suis révolutionnaire, mais la révolution me fait peur. Je suis anarchiste, mais je suis totalement contre les anarchistes.
M.A. : Tu es communiste, mais totalement bourgeois.
L.B. : Oui, et je suis sadien, et somme toute un être parfaitement normal. Tout se passe dans ma tête, mais dès que l'occasion de réaliser mes désirs se présente, je prends la fuite et ne veux plus rien savoir.

P. 286
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Nous avons été; nous n'appartenons plus à l'histoire. L'histoire est faite de cendres. Nous ne sommes pas vieux ni mis au rebus; les gens oublient, tout simplement. Nous disparaissons et c'est par pure charité que persistent élégies et lamentations. La peinture – si elle est bien conservée et qu'elle est de bonne facture – laisse une trace, le bronze tout autant. L'histoire est une semi invention et avec le temps elle devient une vérité variable, qui dépend de notre présent. L'ignorance prévaut. Les érudits sont chiffonniers ou quincaillers, qui exhibent leurs trouvailles en vitrine. L'histoire est revêtue de haillons. La musique est de tous les temps, elle résonne au gré de la mode, c'est l'histoire vraie de la plupart des hommes. Peut-on appeler progrès un bien-être qui risque de s'achever demain du seul fait d'exister? Je n'y vois aucun inconvénient, mais ce n'est pas la panacée. Les hommes s'entretuent pour des choses sans importance. Ne sachant pas ce qu'ils veulent, ils y remédient au moyen du rêve et de l'oubli. Les hommes passent. Cela a été pointé par quelques talentueux poètes.

P.22
Traduit par Claude de Frayssinet
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