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Frayssinet claude De (Traducteur)
EAN : 9782916749631
560 pages
Fondeurs Brique (21/10/2022)
4/5   1 notes
Résumé :
Luis Buñuel, roman est la dernière grande œuvre laissée inédite par Max Aub . Compilée, sélectionnée et éditée par Carmen Peire, elle constitue à la fois une biographie impressionnante et unique qui révèle le véritable visage du cinéaste hispano-mexicain. Bien au delà, ce texte constitue également l’analyse détaillée d’une génération d’intellectuels qui a traversé le XXe siècle. C’est un livre qui n'a pu voir le jour qu’en 2013 et qui paraît aujourd'hui en français,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Quand un grand des Lettres rencontre un grand du Cinéma, cela donne cette oeuvre hybride qu'est Luis Buñuel, roman, oeuvre inachevée de Aub, dont on avait pu avoir un aperçu via les Entretiens avec Max Aub. Constitué d'une biographie avec prologue avant chaque conversation entre les deux hommes pour éclairer le lecteur, et d'une seconde partie consacrée à « L'Art aujourd'hui », qui présente les avant-gardes et la manière dont elles ont influencé le cinéaste, Luis Buñuel, roman, n'est ni une étude exhaustive, ni un panégyrique.

« Si dans le titre de ce livre, il y a le mot roman, c'est parce que je veux être au plus près de la vérité. (…) Connaîtrez-vous mieux Buñuel, si je décide de dévoiler son extrait de naissance au lieu de rapporter certaines espiègleries de jeunesse, certes pas aussi réelles qu'une photocopie tirée d'un livre paroissial où sont reproduits date de naissance et nom des parrains? L'histoire peut aspirer au meilleur en se métamorphosant en une oeuvre littéraire de qualité. »


Les deux hommes se connaissent bien. Aub, né à Paris de père allemand et de mère française a dû quitter la France lors de la première guerre mondiale pour se réfugier en Espagne, pays dont la langue deviendra sienne. Rallié au Républicains lors du soulèvement nationaliste, il commande un tableau à Picasso (Guernica) pour le Pavillon espagnol de l'Exposition universelle de 1937, participe à l'écriture et à la réalisation du film d'André Malraux Espoir, sierra de Teruel , comme il collaborera durant toute sa vie à l'écriture d'une trentaine de films (notamment avec Adolfo Fernández Bustamante, et une assistance non créditée sur les dialogues de Los olvidados). Lors de la Retirada, il se réfugie en France, où il est d'abord interné au camp de Roland Garros, puis dans le terrible camp du Vernet en Ariège et enfin au non moins terrible camp de Djelfa en Algérie. En 1942 , il parvient à embarquer pour le Mexique, où s'installera plus tard son ami Buñuel, qui a quitté son Aragon natal pour Madrid, Paris, Hollywood, puis Mexico.

L'intérêt des échanges entre les deux hommes tient au fait qu'ils sont de la même génération, ont fréquenté les mêmes cercles, en Espagne, comme au Mexique, sont amis, et leurs échanges sont marqués par une grande complicité. Jamais le lecteur ne se sent exclu, il se délecte plutôt de ces conversations toujours passionnantes sur la vie, la littérature, l'amitié , le cinéma, la politique…Dommage cependant que cette édition conséquente (631 pages) ne reproduise pas les entretiens que réalisa Max Aub avec les collaborateurs et amis de Buñuel qui auraient pu encore enrichir le portrait du cinéaste. Les lignes que consacre Aub à la situation politique et culturelle de l'Espagne sont pertinentes et indispensables si l'on veut mieux cerner la personnalité de Buñuel dont cet extrait dit toute la complexité :

« Finalement, tous les films de Buñuel (les moins commerciaux) ne sont que l'expression de sa pensée, la réalisation de ses désirs, la cristallisation de son subconscient et curieusement tout cela a beaucoup à voir avec les faits quotidiens. Buñuel a toujours vécu deux vies, la sienne, normale, paisible, bourgeoise, sans soucis économiques ou sentimentaux- la vie d'un fils de famille dans le monde occidental-; l'autre, tout aussi réelle que la première, celle de cet homme convaincu de l'iniquité de notre société, de la présence du mal chez l'homme, de la non existence de Dieu. Sade a eu et continue d'exercer sur lui une influence fondamentale. C'est une vérité incontournable.
Cela étant dit, c'est l'union de ces deux mondes, de ces deux façons de construire sa vie, qui fait que son existence soit d'un intérêt majeur et qui fait de lui, un personnage. »

J'arrête ici ce billet sur cet ouvrage dont il y aurait encore tant à dire, il mériterait une thèse. Il y a le François Truffaut sur Hitchcock, il y a le Aub sur Buñuel. Indispensable pour comprendre le cheminement personnel et intellectuel du cinéaste, il est aussi indispensable si l'on veut comprendre la première moitié du siècle, l'histoire de l'Espagne, La Génération de 98, le bouillonnement des Années Folles à Paris, et l'exil républicain.
Aub n'érige pas une statue au Commandeur, il montre l'homme tel qu'il est, avec beaucoup de tendresse. L'ouvrage, inachevé, remonté sans cesse par Aub, puis par les éditeurs, finit par ressembler à un documentaire toujours en préparation dans la salle de montage, ce qui donne du sel à l'ensemble.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
MAX AUB : J'ai toujours pensé qu'il y avait chez toi une dichotomie entre ta façon de penser et tes faits et gestes.
LUIS BUNUEL : Oui, c'est très curieux, mais c'est comme ça. D'un côté mes idées, de l'autre la réalité. Ce qui est sûr, c'est que pendant la guerre civile, tout ce que nous avions imaginé, du moins tout ce que moi j'avais dans la tête, l'incendie des couvents, la guerre, les assassinats : moi j'étais mort de peur; et pas seulement ça, en fait j'étais contre toutes ces choses-là. Je suis révolutionnaire, mais la révolution me fait peur. Je suis anarchiste, mais je suis totalement contre les anarchistes.
M.A. : Tu es communiste, mais totalement bourgeois.
L.B. : Oui, et je suis sadien, et somme toute un être parfaitement normal. Tout se passe dans ma tête, mais dès que l'occasion de réaliser mes désirs se présente, je prends la fuite et ne veux plus rien savoir.

P. 286
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Buñuel est un homme intelligent, atrabilaire, fidèle à ses sentiments, ses instincts et ses idées, intéressé, partial comme tous les gens intelligents. Nous avons vécu à la même époque, nous nous ressemblons par certains côtés, nous différons sur beaucoup d'autres. C'est dommage qu'il n'écrive pas un livre sur moi, nous laisserions ainsi un témoignage, sectaire, sur le XXème siècle vu par deux Espagnols qui n'ont vécu en Espagne qu'une partie, fondamentale, de leur vie.
Lui est un Espagnol marié à une Française, qui est devenue mexicaine; moi, Français, je suis marié à une Espagnole qui est devenue mexicaine. (...)
Selon toute probabilité, nous devrions mourir au Mexique, ce serait justice. En ce qui concerne notre œuvre, nous sommes espagnols, car c'est dans la péninsule que nous avons passé notre baccalauréat et que nous sommes devenus des hommes. Du point de vue culturel, nous sommes dépendants des deux cultures, espagnole et française. La culture anglo-saxonne ne nous a guère affectés dans le fond; passablement dans la forme. J'ai toujours été un homme de livres, contrairement à Buñuel , qui a les pieds sur terre et les poings en l'air. (...) Nous avions en commun nombre de connaissances et d'amis de jeunesse. Les écoles de l'avant-garde m'ont heurté plus tôt que lui; je les ai vite abandonnées. Nonobstant, nous avons tous deux été attirés par l'univers de Pérez Galdós,. La grande différence se trouve dans la religion: bien que tous deux athées, ses racines sont catholiques, les miennes plongent dans la libre-pensée. Cela est plus important que des échanges dans les milieux madrilène, parisien ou mexicain.
L'éducation religieuse de Buñuel était tributaire du catholicisme intransigeant de sa mère, qui l'a adoré. La mienne était totalement agnostique et, dans ma formation, mes parents n'ont eu aucune influence, jusqu'où cela est possible dans une famille bourgeoise.
Nous différons fondement sur le plan politique. Il attache plus d'importance à la justice qu'à la vérité. Ce n'est pas mon cas.
(Prologue personnel)
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(Préface de Carmen Peire)

Lorsque Max Aub meurt d’un arrêt cardiaque, le 22 juillet 1972, un samedi dans la soirée, avant de commencer une partie de cartes avec quelques amis, chez lui, dans sa maison de la rue Euclides, à Mexico, il était en train d'écrire une biographie de Luis Buñuel suite à une commande de la maison d’édition Aguilar. Le livre avait pour titre Luis Buñuel, novela, parce qu’il avait fait du cinéaste un personnage et parce que, comme il le dit lui-même, « tout homme qui vit écrit, de fait, un roman. », bien que cet ouvrage soit en réalité partiellement une biographie, et partiellement un essai, moitié roman moitié analyse et impressions d’une génération qui a vécu des moments cruciaux, ainsi qu’une étude très minutieuse des avant-gardes artistiques et littéraires des premières décennies du XXè siècle. (…)
Ce que nous présentons ici, c’est Luis Buñuel, Roman, en suivant le schéma établi par Max Aub (lequel se trouvait parmi les tapuscrits) et récupérant le contenu, comme l’a corroboré postérieurement le chercheur de l’université autonome de Barcelone et spécialiste du cinéma, Roman Gubern, qui m’a montré une lettre de Max Aub dans laquelle il disait son intention de, non seulement recueillir certains aspects de la vie et de l’oeuvre de Buñuel, mais aussi de faire une analyse des avant-gardes qui ont parcouru le premier tiers du vingtième siècle et au-delà. Il a fallu attendre près de quarante ans pour que le public ait accès à cette oeuvre inédite de notre auteur, dont les propos concernant cet ouvrage étaient prophétiques: « Avant que les lecteurs s’assurent de la vérité de tout ce que je dis, moi étant l’auteur de l’ouvrage, mettez celui-ci en quarantaine. «  (…)
Max Aub est un de nos meilleurs écrivains, d’une ample culture (sans qu’il avoir foulé l’université) et d’une portée hors du commun, ce qui apparait reflété dans ces pages.
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Quand on analyse le problème de l’anarchisme espagnol et qu’on se demande pourquoi Sorel et Bakounine ont eu un tel succès en Espagne, succès inconnu ailleurs dans le monde, la réponse est simple et vaut aussi bien pour l’anticléricalisme: ce sont des particularités propres à cette génération.
Le socialisme et la tolérance religieuse peuvent fructifier dans une ambiance où les parties opposées, avec toutes les difficultés que l’on voudra, parviennent à s’entendre, même de façon passagère. Pour cela il est besoin d’une certaine souplesse, absolument inconnue parmi les propriétaires andalous -protégés par la garde civile-, ou parmi les patrons catalans. Ces derniers ont accepté l’épreuve de force et ont oeuvré pour faire croire aux masses qu’il n’existait d’autre solution qu’une relation directe avec les capitalistes - pour un bien ou pour un mal- , en excluant l’intervention de l’Etat qui, aussi bien en Catalogne qu’en Andalousie, se montrait résolument du côté du patronat.
Ce problème n’existait pas en Castille -avec ses campagnes pauvres, son artisanat et sa maigre industrie-, ni au Pays basque, où les usines étaient plus vastes mais moins nombreuses, où l’influence anglaise était notable, ce qui les obligeait à certains compromis. Le développement de l’anarchisme ibérique est à mettre sur le compte de la barbare intransigeance patronale, et cette violence va se répercuter sur toute la vie de la nation.
(…)
Les théories de Sorel et de Bakounine se répandaient un peu partout, mais confrontées à la réalité, elles étaient considérées comme irréalisables. Ce ne fut pas le cas en Espagne, où la misère et l’intransigeance des oligarchies les ont maintenues vivantes, avec cette idée qu’il serait plus facile au prolétariat de triompher à travers l’action directe plutôt qu’en pactisant avec l’Etat.
La situation instable, tant politique que sociale, qui a favorisé et installé l’anarchosyndisalisme de façon quasiment permanente depuis 1892, donne un caractère tout à fait particulier à la vie espagnole.
Les arrestations policières, les assassinats, les déportations, ne suffisaient pas à maitriser cette façon d’entendre la lutte sociale que l’intransigeance des capitalistes catalans et andalous avaient déclenchée.
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A quoi bon le décrire? Il a été maintes fois photographié. Il n'a jamais quitté son enfance et sa jeunesse. Fidèle à lui-même, il l' a été vis-à-vis des autres dans la mesure où ces derniers ont agi comme il a estimé qu'ils devaient agir. Il se met facilement en colère, aussi facilement qu'il oublie et passe à autre chose. Il sourit beaucoup parce qu'il est sourd d'oreille.
"- Les grands sourds sont aragonais.
- Quoi?
- Les grands sourds aragonais.
- Ah, oui!
- Goya...
- C'est vrai. Les trois grands sourds aragonais.
- Qui ça?
- Goya, Beethoven, et moi.
- Ah bon. Je ne savais pas que Beethoven était aragonais.
- Non?
- Non.
- Eh bien, tu le sais maintenant."
Il adore voir les visages stupéfaits, ou furibonds.
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