Sanditon

À ses yeux, les femmes ne sont que des instruments. Il sait assez bien en jouer, mais je crains que la musique qu'il n'en tire ne soit toujours un peu fausse.

Je ne tiens pas à excuser la vanité de mon héroïne. S’il existe en ce monde de jeunes demoiselles de son âge moins imaginatives et moins désireuses de plaire, je ne les connais pas et souhaite ne jamais les connaître.

Leur invitation s'adressa donc à Miss Charlotte, fort aimable demoiselle de vingt-deux ans, l'aînée des filles de la maison qui, sur les directives de sa mère, s'était montrée particulièrement utile et obligeante, qui s'était le plus occupée des visiteurs et les connaissaient le mieux.

Je ne lis pas le tout-venant des romans. J'ai le plus souverain mépris pour la marchandise ordinaire des bibliothèques. Vous ne m'entendrez jamais prendre la défense de ces productions puériles qui ne détaillent rien que des principes discordants incapables d'amalgame, ou de ces vains tissus de banalités dont on ne peut tirer aucune déduction utile. Il ne sert à rien de les jeter dans l'alambic littéraire ;

[...] elles furent bientôt satisfaites "du cercle dans lequel elles évoluaient à Sanditon", pour utiliser l'expression à la mode, puisque chacun, de nos jours, se doit «d'évoluer dans un cercle ». C'est sans doute à ces évolutions circulaires qu'il faut attribuer l'étourdissement et les faux pas d'un si grand nombre de gens.

Comment se faisait-il que l'air purifiant de Sanditon ne l'ait pas purgé de ses mauvais penchants ? Il l'avait pourtant respiré en abondance - sa manière de parler sans discontinuer, son goût des phrases creuses et son amour immodéré des préfixes l'avaient certainement aidé en ce sens, car en bavard impénitent il avait la bouche ouverte beaucoup plus souvent que la plupart des gens.

Son imagination s'était enflammée très tôt à la lecture des pages les plus passionnées et condamnables de Richardson. Il avait depuis consacré l'essentiel de ses instants littéraires à des auteurs qui marchaient sur les traces de ce même Richardson (en ce qu'ils décrivaient des hommes déterminés à poursuivre les femmes qu'ils désiraient au mépris des inclinations de celles-ci, de leur opposition et des convenances) et c'était ainsi que s'était formée sa personnalité. Avec une perversité de jugement qu'il faut sans doute attribuer au fait qu'il avait par nature la tête un peu faible, les grâces, l'énergie, la sagacité et la persévérance du méchant de I'histoire I'emportaient toujours à ses yeux sur les absurdités et les atrocités qu'il commettait. Devant une telle conduite, il ne voyait que génie, feu et passion. Il était enfiévré, fasciné. Il se montrait plus anxieux de la réussite du méchant, plus attendri et desolé de ses déconfitures, que n'aurait pu l'être l'auteur lui-même.

La plupart des gens ne considèrent pas le papotage comme une distraction digne de ce nom; c'est cependant l'une des plus délectables.

Les malades, voyez-vous, ne sont jamais si satisfaits que lorsqu'on leur prescrit une médication au goût infect, puante, et totalement inopérante. Il ne faut pas négliger ce genre de remèdes psychologiques. Ceux qui sont gravement atteints n'en ont aucun usage, mais ceux qui se croient toujours à l'article de la mort voient dans ces ordonnances la confirmation de la gravité de leurs troubles.

J'ai enfin lu ce livre dont les onze premiers chapitres ont été écrits par Jane AUSTEN, et la suite par "une autre dame", comme dit la quatrième de couverture.
Le style et les péripéties sont bien calqués sur les autres romans de Jane Austen, au point qu'il est difficile de découvrir par soi-même où commence à intervenir "l'autre dame".
Recommandé, donc, aux fidèles lectrices de Jane Austen.