Je compte faire court car il y a déjà ici de belles critiques concernant ce roman. Un roman que j'ai beaucoup aimé, qui se lit rapidement et qui propose une image réaliste et lucide de la Roumanie sur une période allant de 1986 à 1996, tant et si bien que l'on attend une suite avec impatience.
Je dois avouer sans détour que je ne trouve pas la couverture très à propos et peut-être que le titre non plus. Il y a la traversée du Danube à la nage qui permet aux protagonistes de fuir la Roumanie, il a donc le passage (rêvé) à l'Ouest qui n'est pas une partie de plaisir, mais l'association des deux ne me semble pas si heureuse.
C'est un roman d'amour où il y a même des scènes clairement érotiques, tout en finesse, mais dont le but, et il me semble bien atteint, semble de réaliser une fresque de la Roumanie sur deux décennies et d'aborder incidemment la question de l'exil.
Autre petit bémol, le nom des chapitres est repris parfois à l'identique. Il est fort utile pour le lecteur de lui donner des repères temporels, mais la reprise déconcerte quelque peu.
Sinon, au risque de me répéter, j'ai vraiment beaucoup aimé, au point de le recommander à ceux qui s'intéressent à ce pays.
Je pense que cette phrase résume bien le propos de la talentueuse autrice d'origine roumaine qui écrit dans un français enviable : « Elle savait qu'elle parviendrait à s'enfuir, puis à construire son avenir en Occident, mais imaginait à tort que cela lui permettrait d'atteindre un échelon de bonheur supérieur. » (p. 220)
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En septembre 1986, à Bucarest, en Roumanie, Andrei, un jeune violoniste talentueux rencontre une jeune étudiante passionnée, Silvia. Ils échangent sur la politique de leur pays dirigée par Ceausescu, le régime communiste et toutes les mesures mises en place comme l'interdiction de l'avortement, la censure… Silvia tombe enceinte de Marius, un jeune homme de bonne famille mais veut se faire avorter. le père de Marius, médecin, accepte de l'aider avant de se rétracter, elle va voir alors une faiseuse d'ange mais elle est dénoncée et doit fuir à l'étranger. Avec son ami Andrei, ils quittent clandestinement le pays et sont arrêtés et séparés en Serbie. Chacun vivra alors sa vie de son côté, Andrei toujours en tant que musicien virtuose et Sylvia en épousant le médecin français qui l'a soignée en Serbie. le couple retourne alors vivre en Roumanie. Quelques années plus tard, Andrei donne un concert dans son pays natal. Arrivera-t-il à revoir son ancienne amie ?
Tout d'abord, je remercie la maison d'éditions Mazarine qui m'a permis de gagner ce roman aux alentours de Noël grâce à un jeu concours.
A la lecture de sa quatrième de couverture, ce livre m'a beaucoup plu et j'avais hâte de le lire. Je me rappelle en effet avoir vu à la télévision des images glaçantes des orphelinats misérables du temps de Ceausescu et du jugement du couple maudit mais j'étais jeune, cela était compliqué pour moi et loin de mes préoccupations de l'époque. Aujourd'hui, je serai beaucoup plus intéressée par le sujet et j'ai déjà fait quelques recherches pour retrouver des documentaires de l'époque.
En ce qui concerne ce roman, j'ai préféré justement la partie qui se déroule en 1986 en Roumanie. J'aurai même aimé trouver plus de détails sur ce régime autoritaire qui brimait ses habitants. Néanmoins, j'ai trouvé parfois cette lecture difficile, en raison de mon manque de connaissances sur le sujet, un éclairage sur la situation politique du pays n'aurait pas été de trop pour les lecteurs "néophytes".
Les deux personnages principaux sont attachants par leur jeunesse et leur soif de changement, on se retrouve un peu en eux.
Le style de l'auteur est agréable à lire et clair, j'ai trouvé cependant quelques coquilles dans le livre (petites fautes oubliées ou même répétition involontaire d'une partie de phrase).
Ce roman m'a donné envie de chercher d'autres livres ou reportages sur cette époque là dans ce pays et, si je le trouve, de lire L'enfant et le dictateur qui aborde ce sujet là, et plus particulièrement les orphelinats roumains du temps de Ceausescu.
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Ce roman a pour toile de fond la Roumanie de Ceausescu, sa chute, les hésitations et déconvenues de lendemains qui oscillent entre la nostalgie, les errements et les incertitudes dans un contexte de références subitement disparues. Ce fond donne une épaisseur à ce roman, qui l'aborde par les conséquences sur les vies des personnages, plus puissante à mon sens qu'une liste détaillée et chiffrée des faits, qu'il s'agisse des corruptions, avortements clandestins, persécutions etc.
Mais j'en retiens surtout comme trame l'histoire de la relation entre Andrei et Sylvia, qui se trouvent rapidement, mais se convainquent que progressivement qu'il ne s'agit "que" d'une amitié finalement passagère, se perdent de vue, s'investissent dans d'autres relations ou activités, s'inventent une vie sans l'autre dans un pays pensé comme plus attrayant, et constatent qu'elles sont en deçà de leurs attentes. Ce résumé lapidaire ne rend pas hommage au roman: touche par touche, il amène à questionner les frontières amour et amitié, le poids de l'attachement à une culture, une langue, qui ont bercé enfance et adolescence, ainsi que rôle dans l'attachement, qu'il soit amical ou amoureux
Ajoutez à cela une écriture d'une lecture agréable et vous ne serez guère surpris que je recommande ce roman!
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Elle reconnut volontiers sa chance et les risques démesurés qu'elle prenait parfois pour découvrir la beauté de la planète. « Tout n'en vaut pas la peine, dit-elle, il nous arrive de courir derrière des mirages. On imagine un paysage biblique, on tombe sur une route éventrée. »
(p. 179)
À écouter son père, le jeune Andrei en avait conclu que le monde était divisé en deux types d'individus : les surhommes, qui préféraient croupir dans des prisons infectes plutôt que de trahir leurs convictions, et les gens ordinaires, cédant aisément à la dureté des privations quotidiennes, condamnés pour cela à la médiocrité.
(p. 229)
Il n'y aura pas de révolution, ici, Andrei. Pas de « vraie » révolution. Si les gens se soulèvent, ça fera quelques émules, des centaines de morts tout au plus, on recyclera cinq ou dix apparatchiks et ça sera reparti comme avant. Ça ira peut-être mieux dans trente ans, mais pas pour nous.
[…]
On est en Roumanie, par la Pologne.
[…]
Pas de [Leszek] Kolokowski pour rappeler que le marxisme est autre chose que cette chienlit. Il n'y a que de la paranoïa et un bon tas d'opportunistes. Ils ont fait sauter l'idée de méritocratie pour créer des strates qu'on ne traverse qu'à force de compromissions.
[…]
Ce n'est pas la répression qui est en train de tuer la Roumanie, c'est la conviction qu'en fin de compte, ce régime, on peut s'y faire.
(p. 115-117)
Ca s'est installé en elle incidemment.
Il a suffi d'un abandon de soi, le matin. Le soleil affluait dans la pièce. Les corps imbriqués, ils étaient bien. Même des années plus tard, Silvia peinerait à faire le lien entre le ballet d'amour et ce qui s'était glissé dans son bas-ventre. Elle reverrait pourtant la scène, retrouverait l'odeur du sexe, les draps jetés par terre.
Ils n'avaient pas prévu de s'étreindre. La veille, une dispute avait éclaté au sujet de l'obsession de Marius pour le jeu. D'ordinaire, elle laissait faire, minimisait la question - au moins, ainsi qu'il le soulignait souvent pour se racheter, il ne fréquentait pas d'autres femmes. Seulement cette fois, sont attitude l'avait lassée. Le travail universitaire la submergeait; chez Marius, elle croyait trouver une oasis. Au lieu de cela, il était nerveux - il venait de perdre une somme importante, il lui faudrait demander de l'argent à son père. Silvia éclata en reproches. Ils se déchirèrent toute la nuit. Blottie sur son lit, elle attendait le lever du jour pour rentrer en tramway lorsque Marius lui demanda pardon. C'est elle qui voulut faire l'amour, pour reprendre le contrôle. Plus tard, alors que Marius caressait ses seins nus, elle constata qu'elle s'était trompée dans son calendrier.
– Moi, je crois qu'il y aura bientôt une révolution, dit Andrei. La pression du régime s'est durcie ces dernières années, on arrive à un point d'usure. Les gens en ont marre de mettre de côté des savons Lux et des cartouches de Kent pour les échanger contre un sac de bananes. Les démocraties populaires vont droit dans le mur. Ça va ouvrir des perspectives, ici, pour nous, les jeunes.
(p. 46)