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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Parfois l'Histoire produit des héros malgré eux, souvent anonyme, comme ce manifestant de la Place Tian'anmen, debout, si petit face à un char d'assaut.

August Landmesser, ne le restera pas. Photographié seul, bras croisés pour une entrée singulière dans l'histoire. J'espère que les filles d'Irma et August auront pu lire ce roman.

Rarement un roman m'a autant bouleversée !

"Et si c'était à refaire, je referai ce chemin
La voix qui monte des fers, dit je le ferai demain..."

Ces vers de Louis Aragon me sont venus à la lecture de l'histoire d'August, telle que l'a reconstitué Adeline Badacchino.

L'auteure frappée par cette photo vue sur le net, qui montre August Landmesser en juin 1936 à Hambourg, refusant de saluer Hitler, au milieu d'une foule d'hommes bras levés formant le salut nazi.

L'auteure en fait le point de départ d'une quête personnelle pour comprendre une époque, raconter à son père l'amour fou d'August et Irma, cueillir en passant une part de son histoire familiale. Entre fiction et réalité devenue historique.

Est-ce cela l'héroïsme ? "Hâtes-toi de transmettre ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance." René Char.

Adeline Badacchino cite ce vers. Comme elle a raison : August Landmesser nous a transmis sa part de courage resté dans L Histoire, son visage lumineux d'amoureux rebelle face à l'innommable fureur d'un homme.

Ce roman est un phare pour que l'ignorance ne soit plus de mise. Demain, encore de simples citoyens se mueront en bourreaux ordinaires, si nous ne sommes pas vigilants. L'Amour ne résout pas tout.

Leur amour au-delà de toutes les règles édictées par un fou moustachu n'a pas empêché le pire... Irma, August, vous n'avez pas résisté en vain : deux vies sont nées de votre amour. Deux vies pour se souvenir de l'indicible courage qu'il vous a fallu, pour aimer par-dessus tout, malgré tout.

Jamais, je n'entendrai plus la phrase "c'est politique" sans réagir désormais. Grâce à cet homme surgit du passé, lumineux et seul au coeur d'une mêlée de bras levé, pour dire que NON ce n'est pas possible, pour toutes les Irma de la terre. Il faut s'élever, il faut se lever !

Ces hommes ordinaires devenus bourreaux ordinaires ont cru à une politique, ont assassinés par milliers des hommes, femmes, enfants au mépris de toute humanité, parce qu'une politique le leur avait commandé.

Les mots justes, factuels, poétiques de l'auteure n'enlèvent rien à la cruauté de leur destin, à la beauté de la petite histoire d'Irma et August, devenue part de la grande. Indissociable du chant des mésanges, de ce qui reste de beau, d'irremplaçable toujours : l'Amour absolu, absurde puisqu'il coûte des vies mais total, unique rempart face à la barbarie.

Voici le roman de la sélection des 68 qui restera dans ma mémoire, pour la dureté de la réalité qu'il met en lumière, pour la grandeur de l'Amour qu'il nous donne à voir.

MERCI pour ce moment de lecture incroyable, qui touche au coeur, Madame Adeline Baldacchino !
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J'ai été subjuguée par l'écriture. Dès les premières lignes, j'ai su que ce serait un bonheur de lecture.
Émerveillée par l'écriture, oui, mais ensuite, tellement bouleversée par le déroulement des faits.
Qu'il est beau , dans l'Allemagne nazie de 1936, cet amour de August l'aryen pour Irma, la si jolie juive !
Qu'il est beau l'amour de Irma pour August !
Qu'elle est odieuse leur interdiction de s'aimer !
Un amour interdit par des esprits pervers qui mettent leur intelligence au service du mal et de la soi-disant pureté de la race.
Et ces interrogations qui reviennent : "qu'avons-nous fait de notre amour "?
"Qu'avons-nous fait de notre vie" ,
Ces interrogations-refrain que je ne peux oublier, qui ajoutent à la puissance dramatique.
J'ai tout aimé de ce livre, à tel point que je n'ai pas envie de le disséquer; je veux garder mon émotion en moi, profondément.
Merci Adeline Baldacchino.
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"Cet homme capable de dire non à Hitler, si sereinement, comme si sa vie n'en dépendait pas, m'a instantanément fascinée. J'ai eu besoin de comprendre. Ce qu'il était mais encore pourquoi ce qu'il était m'importait tant. Besoin de le nommer. Besoin de le faire exister. Je l'ai très vite tutoyé."


L'homme qui fascine l'auteure c'est August Landmesser, un jeune ouvrier allemand qui, le 13 juin 1936 dans le port de Hambourg où Hitler vient baptiser un navire est le seul à ne pas faire le salut nazi, geste ou plutôt non geste immortalisé sur la photo prise par un journaliste. de ce point de départ naît d'abord une enquête, la compilation de dossiers, un empilement de faits... "Manque la chair". C'est là qu'intervient la romancière. C'est ce qu'elle nous offre au fil de ces pages haletantes, émouvantes, remuantes, poignantes. En redonnant vie à cet homme, à son histoire d'amour, aux enfants qui en furent le fruit. En retraçant, dans les méandres de l'absurdité des lois allemande de l'époque, le destin contrarié d'un couple et en tendant, quatre-vingts ans après, un miroir à ceux qui voudraient encore contrarier les vélléités de mixité. Elle ne se contente pas de raconter, elle insuffle la vie, fait vibrer le courage face aux sirènes de la bêtise et de la lâcheté. Elle donne surtout du sens à cet événement qui trouve encore un écho dans notre actualité, autant que dans son intimité à elle.


August Landmesser n'a rien d'un héros, jeune homme issu de la classe ouvrière, adhérent comme tout le monde au parti nazi parce qu'il fallait bien tenter d'avoir un peu d'espoir en quelque chose. Pas plus politique que ça. D'ailleurs ce n'est pas la politique qui fait basculer son destin, non, mais plutôt l'amour. Un coup de foudre. Elle s'appelle Irma. Irma Eckler. Et elle est juive. Ça, August s'en moque comme de sa première dent de lait. Sa peau, ses cheveux, ses yeux seuls l'intéressent et l'enflamment. Il n'a pas prévu, August que les lois de Nuremberg proclamées en 1935 les transformeraient en criminels aux yeux du régime ; qu'ils ne pourraient pas se marier et qu'il serait lui arrêté pour "souillure raciale", désormais incapable de veiller sur son Irma. Et devenu peut-être son pire ennemi. Il n'a pas prévu ce que leurs deux filles devront subir. Il n'a jamais imaginé, August en adhérant au parti nazi quelques années auparavant qu'il aurait dû devenir un assassin à l'image de ses nombreux camarades... Et que seul l'amour a fait bifurquer son histoire, pour le meilleur et pour le pire.


Il faut du souffle pour raconter l'irracontable et en faire un texte qui touche à l'universel. Un texte qui interroge sur le poids de l'amour face à la politique. Un texte qui interpelle ceux qui croient que l'on peut ignorer la politique, lui tourner le dos tout simplement. On ne sort pas indemne de ce roman court mais intense, de ce terrible chapitre 3 au coeur de la nuit de cristal, de ce voyage sans retour à Ravensbrück. L'auteur nous saisit aux tripes, nous tord le coeur, nous remplit aussi d'admiration pour cet homme qui disait non.


Une lecture d'une force incroyable. Puisse-t-elle inspirer ceux, nombreux je l'espère, qui s'y confronteront.


"Et j'avais vu Dachau, Bergen-Belsen et Buchenwald, vu Auschwitz et pleuré dans la lumière du crépuscule, quand j'essayais encore de comprendre comment il était encore permis d'écrire de la poésie, comment il fallait justement en écrire parce que prier, non, ce n'était plus possible - qui voulez-vous prier : celui qui ne répondit jamais quand on le suppliait dans les chambres à gaz ?"
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Waouh ! Quel roman ! Je ne sais si je saurai définir tout ce que j'y ai trouvé, tout ce qui m'a fait l'aimer immédiatement, comme une évidence, comme un coup de foudre amoureux. La première de couverture déjà est fascinante : une foule d'hommes faisant le salut nazi et, au milieu d'eux, comme isolé par un objectif photographique ou comme la lunette d'un fusil, un homme qui, seul, croise ses bras dans une attitude qui n'est même pas de défi mais simplement de refus tranquille, opiniâtre et sûr de lui. La scène se passe à Hambourg, le 13 juin 1936 et cet homme qui dit non se nomme August Landmesser. Quatre-vingt -un ans après, la narratrice reconstruit son histoire en prenant pour postulat de départ que c'est par amour qu'August a dit non ce jour-là. Car il est follement amoureux d'Irma, August, absolument, éperdument amoureux de sa femme et qu'importe que la loi pour la protection du sang aryen l'empêche d'aimer une Juive. Les idéologies, la politique, les convictions, il ne s'en préoccupe guère lorsqu'il câline sa petite Ingrid et lorsqu'il regarde le ventre à nouveau rond d'Irma. Aimer est peut-être la première insoumission, l'originelle, celle qui nourrit la force du choix. Aimer alors que les mâchoires de l'Histoire se referment insidieusement sur les existences ordinaires, sur les vies des petites gens. Et les broient. Mais finalement, finalement, n'est-ce pas l'amour insoumis qui reste vainqueur ? A la seule condition que la mémoire recouse le passé à l'avenir.
Il y avait probablement beaucoup de manières d'évoquer August Landmesser et autant de points de vue à adopter. Adeline Baldacchino choisit d'y pénétrer, en entraînant le lecteur à sa suite, pour nous en faire découvrir les enchaînements, les possibles, les attestés, les rêvés, les imaginés. le récit construit de superbes passerelles entre les temporalités, entre la fiction et le réel, entre la biographie et la poésie. Et cette écriture ! Magique ! Sa musicalité, son rythme lui donnent une puissance incantatoire qui offre consolation et espérance. L'enquête que mène la narratrice pour retrouver trace d'August en prend une dimension sacrée. Pour l'émotion, pour le plaisir de la beauté pure, j'ai relu plusieurs fois certains passages et me suis laissée submerger par l'harmonie du choix des mots et de leur agencement.
Ce premier roman d'Adeline Baldacchino est, pour moi, une merveille, un diamant que l'on garde précieusement et que de multiples relectures ne peuvent ternir. Il rejoint mes inoubliables précieux. Mes essentiels. Ceux qui témoignent. Ceux qui élèvent. Ceux qui dispensent l'inexprimable bonheur de lire et de savoir toujours s'en émerveiller.
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Ce qui m'a interpellé en premier lieu, c'est cette couverture et la photo qui y est représentée : un homme au milieu d'une foule, une foule faisant le salut nazi et cet homme lui, est là, les bras croisés. Qui était-il, pourquoi fait-il cela, qu'est-il advenu de lui ?

C'est à ces questions que l'auteure nous répond.

Il s'agit d'un roman tragique et plein d'amour.
Plein de cette histoire d'amour entre cet homme sur la photo, August Landmesser, et de celle qui ne sera sa femme qu'à titre posthume, Irma Eckler, car le destin a voulu que ces deux-là s'aiment en dépit de tout et surtout de la politique : Irma est juive et nous sommes en Allemagne en 1934 lorsqu'ils se rencontrent.
Une autre histoire d'amour est également présente : celle d'une fille, Adeline Baldacchino, pour son père décédé, l'auteure évoque avec beaucoup de pudeur cette douleur qui quelque part la pousse à raconter également l'histoire d'August et Irma comme pour conjurer l'absence paternelle.
C'est un roman qui ne s'oublie pas une fois la dernière page refermée, l'auteure réussit à donner corps à cette histoire d'amour en se basant sur des registres, des notes et rapports froidement administratifs.
Adeline Baldacchino nous entraîne dans son sillage d'écrivain, on suit ses doutes et ses moments d'hésitations lorsque pour elle le récit devient trop éprouvant. Pourtant elle continue et en évoquant ce couple et le destin tragique qui fut le leur, elle leur rend ainsi hommage avec respect et compassion mais également à tous ceux qui ont osé dire non, qui ont osé braver des lois inhumaines et qui malheureusement l'ont payé de leur vie.
C'est un nouveau roman sur la seconde guerre mondiale mais qui par sa singularité et son émotion justifie sa place dans ma bibliothèque.

Lien : https://allylit.wordpress.co..
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Parce que l'histoire d'August et Irma va vous hanter longtemps et qu'un geste anodin va entraîner des destins brisés dans un temps où ce non-salut aurait salutaire s'il avait été plus courant ! Il faut avoir le coeur accroché lors de certains passages, si vous n'êtes pas habitués à ce thème précis.
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"Devient on courageux par amour ou bien amoureux parce qu'on en a le courage ? ".
Notre héros se pose la question et, tout au long de cet ouvrage, essaye d'y répondre. Cet Homme, par son "non geste", est à lui seul le visage de l'Humanité et de la Dignité de l'Allemagne, celle des : Scholl, Goethe, Kafka, Brahms, Gutenberg.
"L'Histoire aime bien les rituels et les cérémonies, les baptêmes et les parades" tout comme toutes les histoires d'Amour depuis que le monde est monde. Alors de quel droit et pourquoi un "moustachu" empêcherait deux êtres de s'aimer pour un prétexte fallacieux, une idéologie qui devait durer Mille Ans ? Mais peut on donner une durée à l'Amour ? August a de nombreuses reprises demandé à Irma "Qu'avons nous fait de nos vies, qu'avons nous fait de notre amour ?"
Je n'ai pas la prétention de vous fournir la réponse d'Irma mais je considère que leurs vies n'ont pas été vaines puisque, malgré leurs interdictions, l'emprisonnement et toutes les embûches mises en place par ce régime dépourvu d'Humanité et d'Amour, ce Couple a continué à s'aimer. "Sait on jamais pourquoi l'on aime ? ". Si on aime c'est pour diverses raisons et l'une d'entre elles est pour se différencier des animaux. Pour ce "moustachu", les "sous-hommes et les sous-femmes " valaient moins que le moindre animal. En s'aimant, August et Irma, en brandissant leur Amour comme un flambeau au delà des murs de la prison d'Hambourg et des baraquements de Ravensbrück. Et je ne vous apprendrai pas que l'on peut mourir d'aimer. Toute la littérature est composée d'histoire de couples victimes de l'Amour, mais aucun à mon humble avis a eu autant de courage et d'abnégation car pour eux, la seule chose vitale à leurs yeux est l'Amour qu'ils se portent car, après leur mort charnelle, ils se retrouveront dans une "terre d'allégresse où ils pourront sans cesse aimer".
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Cette photo de l'homme aux bras croisés est célèbre. On la trouve dans de nombreux manuels d'histoire. Mais qui est-ce ? L'auteure enquête sur cet homme qui a refusé d'effectuer le salut nazi lors de la venue d'Hitler à l'inauguration d'un bateau, Elle retrouve sa trace, et nous emmène sur les pas d'une incroyable et douloureuse histoire d'amour entre un homme qui a appartenu aux jeunesses hitlérienne, mais qui un jour ne peut plus suivre le mouvement, et une jeune femme d'origine juive pour qui les persécutions commencent en ces années 1936 37. Un récit poignant et très bien écrit. Une très belle découverte.
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Celui qui disait oui à l'amour et à la vie !

Dès les premières pages, ce livre vous emporte. Difficile de s'en défaire ! Et même difficile de ne pas y revenir quand on a « fini » de le lire car a-t-on jamais terminé de lire un tel livre ? Il vous reprend par le coeur et par l'intelligence à peine refermé.
Il commence comme un dialogue : « Avant d'arriver sur ce port, il t'était arrivé quelques bricoles August. Et d'abord la bricole de ta vie, la seule qui vaille la peine de naître : la bricole du grand amour ». Comme dans La modification (Butor) où il était pris au piège du « vous » le lecteur se sent interpellé par ce « tu » qui le prend par la main. Mais il n'est pas August et il va donc faire connaissance avec le personnage devenu comme un intime de l'auteure, et donc un peu de lui-même, semblable et frère de celle-ci.

Ah August ! August Landmesser qui, pourtant alors encore membre, passif, du parti nazi, ne lève pas le bras pour saluer Hitler le 13 juin 1936 dans le port de Hambourg. Et il est seul à oser cela ostensiblement au milieu d'une foule de bras levés quand, lui, il les croise. Il ose cela comme il a osé l'amour interdit avec une juive et c'est au nom de cet amour qu'il dit non ce jour-là car il dit oui à la vie. C'est au nom de la belle Irma qu'il se rebelle. Cela le lendemain même de son anniversaire comme pour lui offrir un nouveau présent : celui de sa vraie présence au monde. Et ce « non » apparaît, dans son insolence énorme, dans cette détermination sans faille, avec la photo prise le jour-même et qui sert de couverture au livre. Et ce « non » historique rejoint en symbole le « non » mythique de la petite Antigone revisitée par Anouilh.

Oui, il était arrivé à August quelques bricoles, « rien de très important aux yeux de la grande Histoire, mais c'est dans la petite que se nichent les vraies raisons de vivre et de mourir, de résister ou de céder, de saluer Hitler/ ou de ne pas ».

Et la petite et sublime histoire d'August rencontre aussi l'histoire de l'auteure. L'histoire d'un père tant aimé, décédé quelques temps avant l'écriture du livre. Adeline écrit aussi ce livre pour son père, pour cet autre « tu » : « Je crois que j'écris aussi pour te crier que je t'aime et n'ai jamais su te le dire assez ». L'histoire d'amour d'August et d'Irma semble même rencontrer d'une certaine façon l'histoire d'amour de Michel et Elahé (un goy et une juive là aussi), les parents d'Adeline à qui elle dédie le livre. C'est cet entrelacement de l'histoire de l'auteure « qui écoute aux portes du temps », de la grande Histoire et enfin de l'histoire d'August et d'Irma qui fait peut-être aussi la force du livre et sa puissance d'émotion et de lucidité.

August et Irma c'est d'abord comme une évidence dès leur rencontre sous un saule pleureur au jardin botanique de Hambourg à l'automne 34. Elle est juive et brune, elle vient lire régulièrement sous ce saule ami. le blond August est encore inscrit au parti nazi et il vient simplement faire sa sieste. Oui, c'est comme une évidence éluardienne : « tu es venue/ c'est à partir de toi que j'ai dit oui au monde » (Paul Eluard). Mais une évidence qui n'a rien d'une évidence en ce temps-là et qui va très vite défier la grande Histoire et sa terrible violence jusqu'à la mort des deux amants, jusqu'à la souffrance de ces deux fillettes, Ingrid et Irene, qu'ils ont conçues, jusqu'au martyre même de la seconde, qui, véritable miraculée, consignera elle-même l'histoire de ses parents à partir de documents.

Car oui, il faut bien insister, presque naïvement : l'histoire est vraie, authentique et tout le génie de la romancière est de lui donner chair et vie en comblant les vides de l'espèce de document élaboré par Irene, pour retrouver l'intimité des deux principaux personnages et approfondir encore la vérité. Il y a des faits qui sont consignés dans des articles, dans des jugements, dans des rapports médicaux cités souvent en début de chapitre (et pour tout cela Adeline a enquêté aussi et elle est allée sur les lieux) et il y a les interstices comme la rencontre, les étreintes amoureuses et les remords du candide August qui sont comblés par la tendre mais juste imagination d'Adeline Baldacchino : « La vérité de la fiction supporte les petits arrangements nés de la grande tendresse. ». « C'est ainsi que je connais leur rencontre. L'arbre me l'a racontée quand je l'ai serré dans mes bras, par un jour de printemps au jardin Planten und blomen. ». Si l'histoire est vraie, le roman nous semble encore plus vrai dans cette sublime tendresse portée par l'auteure ainsi que dans cette mise en perspective de leur amour par rapport aux événements de cette époque.

En vertu (si l'on peut dire) des lois sur la « souillure de la race » qui interdit l'union entre un(e) juif(ve) et un(e) aryen(nne) et du fait de l'excès de zèle d'un fonctionnaire nazi, les deux amants n'auront pas même le droit de se marier avant la mort. Ils ne seront déclarés mari et femme que le 16 juillet 1951, bien des années après leur mort.

Cette histoire d'amour impossible a aussi le mérite de nous faire pénétrer au plus profond de la morbide mécanique nazie, de la folie nazie (quand d'autres folies adviennent dans la même rhétorique du rejet de l'autre), en mettant dans la pleine lumière des personnages des lois et événements marquants (ainsi Irene est martyrisée pendant la nuit de cristal). Tout à la fois un roman d'amour et un roman historique basé encore une fois sur des faits réels, ce livre me semble être encore plus efficace dans la dénonciation de l'ignoble. Il nous montre aussi et surtout (Adeline y revient plusieurs fois…) comment quand on veut l'ignorer on se fait rattraper par le politique et c'est peut-être là le grand problème d'August en dépit de son « non ».

Enfin j'oserai dire qu'Il y a là quelque chose qui rappelle les grands amants et jusqu'aux amants de Vérone qu'ils rejoignent non dans la légende mais dans l'Histoire. On évoquera longtemps ainsi Irma et August qui osèrent l'amour face à l'ignoble. L'amour, profondément rebelle, comme un exemple incomparable! L'ignoble comme ce qui met à mort l'amour même.

C'est un livre de résistance. C'est un livre de saine vigilance. Un livre qui ouvre les yeux, le coeur et l'intelligence.
Un vrai livre, tendu tout à la fois par une écriture exigeante et une sensibilité rare, qui fait pâlir définitivement l'encre de nombre de romans inutiles.

Celui qui disait non, Adeline Baldacchino, éditions Fayard, 18 €



Guy Allix
Lien : http://guyallixpoesie.canalb..
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