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Quel plaisir de se plonger dans un Balzac !
Bien sûr, il y a pas mal de pages qui ne servent pas beaucoup l'histoire, mais dont Balzac avait besoin pour garantir sa rémunération…
Mais il y a des pages délicieuses, décrivant la personnalité des uns et des autres, leurs vices, leur jalousie, leurs espérances… leur condition humaine.
Je ne suis pas sûre que les Issoldunois ( habitants d'Issoudun) aient apprécié la peinture que Balzac fit d'eux...Mais qu'est-ce que c'est drôle ! Comme cela est bien écrit, avec finesse et perfidie...
J'ai trouvé l'histoire digne d'une farce !
Bref un bon moment .
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" La Rabouilleuse "est un roman De Balzac .Ce livre fait partie des Scènes de la
vie de province de la Comédie humaine .Balzac est le narrateur de cette histoire
qui s 'étale sur plusieurs années et dont le thème principal est l 'argent .Balzac
est un violent pourfendeur de la bourgeoisie et, son corollaire, l 'argent .Pour ne
pas dévoiler l 'intrigue, je débuterai à partir de l 'histoire d 'Agathe .Elle est la fille
aînée du docteur Rouget .Ce dernier, malin et tyrannique, a profité de l 'avéne-
-ment de la Révolution française pour faire des affaires et s 'enrichir .En mourant
le docteur a laissé une grande fortune qu 'il lègue à son fils, Jean-Jacques, et
déshérite sa fille Agathe .Cette dernière, immigrée à Paris a épousé Bridau . Ce
dernier est un fonctionnaire honnête et intègre .A la mort de son mari, Agathe se
seule, avec peu de ressources pour élever deux fils Philippe et Joseph .
Philippe est un militaire dans l 'âme( un baroudeur ), il est aimé par sa mère
alors que Joseph la désole .Philippe fait un voyage aux Etats-Unis .Il devient
violent, buveur, menteur, et voleur .
Agathe et ses enfants ont des problèmes d 'argent .Ils apprennent que leur
oncle maternel, Jean-Jacques, est sous l 'emprise d 'une jeune et jolie
paysanne recueillie par leur père, Flore Brazier, surnommée " La Rabouilleuse ", c 'est-à-dire une personne qui agite l 'eau pour rabattre les
écrevisses vers les pièges .Quelques déboires arriveront à la famille .Philippe finira par épouser Flore,après avoir tuer son mari dans un duel .
A Paris, il l 'abandonne à la prostitution, à la déchéance et à la mort .IL part
en Algérie où il est tué .La mère meurt, elle aussi .Toute la fortune revient à
Joseph alors artiste peintre reconnu .
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Les profs de français nous rebattent les oreilles des fameuses "descriptions" De Balzac, quand ils ne nous obligent pas à lire "La peau de chagrin" ou "Le lys dans la vallée", certainement pas les meilleurs Balzac.
Alors que "La rabouilleuse" est un roman vivant, rapide, imagé, excitant... tout en étant aussi instructif et fouillé que certains pensums du grand Honoré.
Et puis, ce Philippe Brideau, infâme dans la vie de tous les jours, qui se révèle un intriguant de génie et un redresseur de torts d'une brutalité inouïe !
Bref, un grand Balzac, dans la lignée du "Père Goriot" et de ses suites...
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Quel bonheur toujours renouvelé, de plonger dans l'univers des grands auteurs du 19ème siècle. J'avoue avoir un peu plus de mal à lire Balzac que les autres. Et lire Balzac me fait toujours penser à Colette, qui a lu Balzac très jeune : "C'est mon berceau, ma forêt, mon voyage" à-t'elle dit. Voilà, je pense que je n'ai pas lu Balzac assez jeune !
La Rabouilleuse est un des romans les moins connus De Balzac. Pourtant le fil de l'intrigue est assez simple : deux canailles issues de bonnes familles, Philippe et Max, anciens Dragon et Grenadier de la Garde impériale napoléonienne, se disputent une succession : celle du Docteur Rouget, bourgeois licencieux, qui a recueilli quelques années auparavant une petite beauté miséreuse, Flore, devenue entre-temps sa servante-maîtresse. Celle-ci est amoureuse de Max et tout finira mal pour eux.
Autour d'eux, gravitent des personnages au coeur pur, qui incarnent les plus belles qualités morales. Exceptionnelle galerie de portraits et description désenchantée que celle de ces grandes âmes qui, par leur aveuglement, favorisent les appétits les plus cyniques. L'enfer est pavé de bonnes intentions, c'est bien connu.
Alors pourquoi "La Rabouilleuse" est-elle peu aimée ? Serait-ce en raison du lieu de l'intrigue, cette province berrichonne ensevelie sous les "disettes", les racontars ? Où les soldats devenus inutiles et inemployés, sont réduits à une quasi misère et subsistent uniquement grâce à leur demi ou quart de solde. Pour tromper l'ennui, ils s'organisent en bande farceuse, "les Chevaliers de la Désoeuvrance", et sèment la frayeur dans la petite ville d'Issoudun, qui connut son heure de gloire au temps de l'empire romain, mais se trouve maintenant assoupie comme une Belle au bois dormant.
Et certes, Balzac fait figure d'oiseau de mauvais augure, lorsqu'il dénonce dans sa préface les dangers de « cette société basée uniquement sur l'argent ». Il semblerait pourtant que cela n'ait guère changé au 21ème siècle.


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Nous sommes ici devant une énigme : comment expliquer que ce roman, un des meilleurs de la Comédie humaine, soit aussi peu connu chez nous et mieux perçu à l'étranger ? Comment expliquer pourquoi ce roman, un des plus âpres, un des plus beaux, un des plus évocateurs sur le pouvoir de l'argent, comprenant certains portraits d'hommes et de femmes parmi les plus réussis, abordant les plus grands thèmes balzaciens (l'argent, la famille, l'amour, la gloire et la déchéance, etc.), comment expliquer que ce roman soit relégué au deuxième voire au troisième rang des grands succès De Balzac ? Il y a là un mystère, que Sherlock Holmes lui-même ne saurait résoudre.
Mais peut-être m'emballé-je, peut-être m'abuse-je, peut-être me trompe-je… Il est vrai que j'ai adoré ce roman (bien plus que d'autres mieux côtés comme « le Lys dans la vallée » par exemple) et vous me direz que tout est subjectif, vous aurez raison et j'opinerai sans restriction. Cela dit, je le maintiens, « La Rabouilleuse » est un grand Balzac.
Une « rabouilleuse » dans le parler de la région d'Issoudun (Berry) qualifie une personne, jeune fille généralement qui se sert d'une branche pour ramener les poissons ou les écrevisses vers les viviers. Flore Brazier est une rabouilleuse. Recueillie toute jeune par le docteur Rouget elle est au centre de toutes les intrigues qui tournent autour de la famille du docteur. A sa mort, celui-ci il laisse un fils, Jean-Jacques, et une fille, Agathe. Jean-Jacques prend Flore pour maîtresse qui de son côté prend Maxence pour amant. (Bon, ça, c'est fait !). de son côté, Agathe s'est mariée à Paris avec Bridau, un brave homme qui lui a donné deux fils : Philippe, un ex-soldat de l'Empire devenu demi-solde, débauché et malveillant (un cousin Pons qui serait passé du côté obscur) et Joseph, un peintre au naturel honnête et bon. Les rumeurs venant d'Issoudun n'étant pas favorables (l'héritage étant tout passé à Jean-Jacques et Agathe se trouvant déshéritée), la famille vient voir ce qui se passe dans l'Indre. C'est un fiasco, Jean-Jacques, Flore et Maxence se liguant contre ces empêcheurs d'hériter en rond. Philippe tente sa chance tout seul avec un peu plus de réussite : il tue Maxence en duel, oblige Jean-Jacques à épouser Flore, puis à la mort (opportune) de celui-ci, il épouse à son tour la rabouilleuse qu'il rejette aussitôt sur le pavé de Paris, où la pauvre tombe dans la prostitution, la pauvreté et la mort. Devenu riche et comte, il néglige sa mère malade, et ne peut éviter la conscription : il doit partir pour l'Algérie où il meurt sur un champ de bataille. du coup, toute sa fortune revient à son frère Joseph.
L'argent est bien sûr le thème majeur : l'argent de la succession, qui passe sous le nez d'Agathe, celui qui permet à l'ex-demi-solde de paraître dans le monde, celui qui lui permet de magouiller avec le baron Nucingen. Inversement, c'est celui qui manque cruellement aux autres personnages. Les relations entre membres de la famille forment aussi un bon sujet de discussion : Agathe ne jure que par Philippe et dédaigne Joseph, l'amour maternel étant semble-t-il encore plus aveugle que l'amour tout court. Au milieu de tout cela, nous avons Flore, magnifique portrait d'une femme qui saisit toutes les occasions pour se sortir de sa condition (ne l'oublions pas, elle sort du ruisseau… au sens propre). Femme belle, désirable et désirée, elle joue de ses charmes et volontaire, arrive à ses fins, jusqu'au moment où elle tombe sur plus fin qu'elle, et surtout plus mauvais : l'infâme Philippe !
Balzac ici est au sommet de son art. Il faut vraiment remettre ce roman en lumière. Il contient en filigrane tous les grands thèmes exposés dans la Comédie humaine, et de plus démontre, si besoin en était, à quel point Balzac était un analyste pointilleux de la société de son temps, mais aussi de la nature humaine.
Et que du seul point de vue de l'écriture, il était une sorte de génie.
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« Quelle fosse pleine d'infamies ! » s'exclame, à un moment donné de l'histoire, Joseph, peintre talentueux et fils vertueux – dont sa mère découvrira finalement les mérites, telle une illumination –, opposé au cynique et sans scrupule personnage de Philippe, son frère aîné. Leur mère, la pauvre Agathe, se leurre en effet et s'illusionne de l'aura de son fils Philippe, ancien dragon de la Garde impériale. Une phrase résume la situation : « Joseph adorait sa mère, tandis que Philippe se laissait adorer par elle. »
La Rabouilleuse – qui fait partie des Scènes de la vie de province et doit son nom à une petite paysanne qui, avantagée par un physique superbe, saura creuser son trou mais, trop sûre d'elle, ne se méfiera pas assez de Philippe – oscille entre Paris et Issoudun, c'est-à-dire entre la capitale bouillonnante et la province engoncée dans ses manies, étouffante et périlleuse à qui n'en connaît pas les codes mesquins.
Cette exceptionnelle étude de moeurs, comme seul Balzac sait en concevoir, nous plonge donc dans les affres de l'envie, l'un des sept péchés capitaux. Envie qui rime évidemment avec argent, ce graal maudit que Philippe traque comme un fauve affamé, quitte à provoquer des drames dont il se moque éperdument. Mais Philippe n'est pas qu'un personnage abject : il fait aussi figure d'instrument vengeur du destin à l'encontre de créatures peu recommandables. En cela il est bel et bien un personnage balzacien des pieds à la tête, fait d'une extrême complexité ; laquelle complexité ne trouve, hélas, aucune échappatoire en ce qui le concerne : il révulse. Et contrairement à un Vautrin, auquel on finit par s'attacher, Philippe n'a rien qui le sauve… Mais, comme pour lui interdire de poursuivre plus avant ses méfaits, le destin se chargera de lui d'une manière particulièrement terrible et dégradante.
« le seul service que puisse me rendre la bonne femme est de crever le plus tôt possible », lâche ce fils ingrat à propos de sa mère mourante qui, par son dénuement – dont il est grandement responsable –, dérange ses plans dans le grand monde. Certains critiques ont avancé, non sans arguments, que Philippe était ainsi parce que la désillusion – celle de la chute de l'Empire – et les coups du sort l'avaient façonné dans ce sens. Je leur répondrai que le Colonel Chabert est là pour contredire cette opinion…
Là où Balzac a tendance à s'épancher dans des généralités – que j'apprécie pour ma part –, ici il est d'une concision extraordinaire, laissant aller le fil du récit pour tisser cette toile dramatique qu'est La Rabouilleuse, un chef-d'oeuvre littéraire au passage.
Après la lecture d'un tel roman, parmi les plus réussis De Balzac – c'est dire le niveau ! –, voici ce que Victor Hugo en disait : « Que pourrais-je ajouter à une pensée comme la vôtre ? À ce propos je vous dirai que votre famille Bridau est un tableau de maître, vous le saviez bien, mais je suis heureux de vous le dire. »
Un tableau de maître, en effet, où le vice et la vertu se livrent un combat à armes inégales, où la petitesse des calculateurs, si elle donne l'illusion de la victoire, s'effondre au regard des quelques grandeurs morales qui émaillent le récit. Enfin, il y a la question de la rédemption, qui prend ici plusieurs formes, mais toutes édifiantes…
Un roman incontournable, pour les happy few qui aiment lire… !

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Encore un livre peu connu d'Honoré de Balzac : La Rabouilleuse… Quand le romancier poursuit sa grande histoire de moeurs tout en l'abordant par le biais de l'Histoire.

La Rabouilleuse est un roman foisonnant car il dénonce une société fondée sur le seul pouvoir de l'argent, un monde où la puissance n'est plus aux militaires mais aux financiers, tout en réunissant toutes les thématiques chères à Balzac : la famille, l'amour intéressé et désintéressé, l'ambition dévastatrice, l'égoïsme bourgeois… L'auteur l'écrit alors qu'il prépare la publication de l'ensemble de son oeuvre sous le titre La Comédie humaine. La coïncidence n'est pas anodine.
Ce livre est la réunion de deux récits, Les deux frères, publié dans la presse en mars 1841 et Un ménage de garçons en province, datant d'octobre-novembre 1842, et démontre l'architecture mouvante de la Comédie humaine.
Malgré une double localisation en opposition, Paris et Issoudun, La Rabouilleuse a finalement été placé des les Scènes de la vie de Province.
Le titre vient du surnom donné à l'une des protagonistes, une fillette innocente qui « rabouille », c'est-à-dire qui trouble l'eau d'un ruisseau avec une branche d'arbre pour effrayer les écrevisses et faciliter leur prise… Cette figure métaphorique sera filée dans tout le récit, comme un brouillage par ondes successives, de plus en plus larges.

Une partie de l'intrigue renvoie d'abord à une histoire de séduction et de manipulation…
Balzac nous raconte les malheurs d'un vieux garçon pas très malin, Jean-Jacques Rouget, amoureux de Flore Brazier, une jolie paysanne sans scrupules, surnommée « la Rabouilleuse ». La rumeur raconte qu'il a succédé à son père dans le lit et à la table de la servante de la maison et qu'il va aussi la coucher sur son testament…
Dans ce roman, il n'y a pas d'amour heureux ; ceux qui aiment sincèrement s'attachent aux mauvaises personnes.

C'est une histoire de famille complexe… Lors de ma première lecture, en 2013, j'avais dessiné un arbre généalogique pour m'y retrouver dans la quinzaine de personnages, entre la descendance des Descoings et celle des Hochon, sachant que les principaux protagonistes sont issus des deuxièmes et troisièmes générations.
Agathe Rouget, épouse Bridau, est une fille mal aimée, puis une veuve désargentée, mère courage de deux frères éternellement rivaux, qu'elle élève avec l'aide de sa tante Mme Descoings.
Philippe Bridau embrasse la carrière militaire ; chef d'escadron et officier de la Légion d'honneur, il refuse de se rallier aux Bourbons, devient un « bonapartiste de café », détourne des fonds en volant dans la caisse d'un journal libéral ou il a un petit emploi, joue, vole son frère et Mme Descoings, ruine sa pauvre mère. Joseph, quant à lui, est un bon fils et un artiste méconnu qui ne parvient pas à imposer une peinture trop novatrice pour être appréciée par ses contemporains.
Balzac parle de mariage et de ménage, opposant deux notions de la vie de couple, mettant même en scène un ménage à trois entre Flore Brazier, Jean-Jacques Rouget et Max Gillet. Flore Brazier est celle que l'on remarque, que l'on désire, mais que l'on n'épouse pas. Tout au long du roman, elle conserve un statut inférieur et n'entre jamais vraiment dans le marché matrimonial : tour à tour servante-maitresse de Jean-Jacques, maitresse de Max, tante de Joseph, épouse de Jean-Jacques puis de Philippe, qui en fait une éphémère comtesse de Brambourg, elle retourne finalement au ruisseau.

Les liens de paternité et de maternité sont au coeur du roman avec un affaiblissement du rôle des pères et une certaine idée valorisante de la maternité. Autour d'Agathe, la veuve Descoings et Mme Hochon jouent le rôle de mères bis.
La paternité est remise en question, présentée comme douteuse ; ainsi, au début, le docteur Rouget à des soupçons sur la légitimité de sa fille Agathe et, plus tard dans le récit, une dispute éclatera au sujet de la paternité de Gilet, ce qui rendra un peu singulier le futur ménage à trois. En outre, le seul père exemplaire, Bridau père, disparaît vite du récit et le seul personnage de la troisième génération dont la légitimité n'est pas mise en doute, Jean-Jacques Rouget, est infantilisé…
Flore Brazier est une fille sans père…
Balzac explore l'hérédité, les ressemblances… Ainsi Philippe est tout le portrait de son grand-père comme si le mal avait sauté une génération.

Les deux intrigues se rencontrent quand Agathe Bridau, ruinée, après avoir renié son fils indigne, cherche à se rapprocher de son frère Jean-Jacques Rouget, se déplace avec Joseph à Issoudun et apprend ainsi qu'il s'apprêterait à la déshériter au profit de sa maîtresse et de l'amant de coeur de celle-ci, MaxGilet, lui aussi ex-soldat de l'Empereur et champion local de l'Opposition. de son côté, Philippe Bridau entend bien rattraper la succession à son bénéfice exclusif.
En effet, la question de l'argent est cruciale dans ce roman… le docteur Rouget a éloigné sa fille Agathe pour des manigances successorales, Flore Brazier et Max Gillet lorgne vers l'héritage de Jean-Jacques Rouget, Agathe et Joseph veulent faire valoir leurs droits héréditaire et Philippe veut duper tout le monde.
Les anciens bonapartistes vivent chichement, en demi-solde.

Enfin, c'est un roman historique, politique et social où les personnages référentiels et fictionnels ont la même réalité. Balzac, profondément royaliste, donne à son narrateur une posture critique et ironique sur la Révolution, vue comme propice aux délations, à la lâcheté, à l'arbitraire, à l'aveuglement.
Balzac s'interroge aussi, au travers des personnages de Bridau père, de son fils Philippe et de Max Gillet, sur le devenir des bonapartistes pendant l'exil de Napoléon à Sainte-Hélène. Après des ascensions fulgurantes, que deviennent-ils sous la Restauration ? Intransigeants, incapables de s'adapter, Philippe Bridau et Max Gillet sont marginalisés. Ils sont comme des orphelins de père et Napoléon est métaphoriquement représenté comme une figure paternelle de substitution. Balzac insiste sur leurs « moeurs soldatesques ».
Sur le plan historique, on ne reçoit pas La Rabouilleuse aujourd'hui, avec le recul, comme au temps de son écriture par Balzac, en 1842. L'auteur et ses lecteurs n'avaient alors pas beaucoup de possibilité de prise de distance pour interpréter les faits ; en effet, le temps de la fiction est compris entre 1815 et 1835 ou disons, dans une coupe plus large entre 1792 pour l'incipit et 1839 pour l'épilogue…

J'ai relu ce livre et repris d'anciennes notes de lecture et d'études avec un immense plaisir d'autant plus que j'avais délaissé mon projet de lecture de l'ensemble de l'oeuvre balzacienne depuis plus de six mois.
Je recommande ce roman complexe, cruel, tragique…

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La Rabouilleuse fait partie de cet immense ensemble de romans fleuve que nous a légué Honoré de Balzac.
L'idée lui était venue de comparer l'humanité à son animalité.
Le but est atteint, la démonstration sans équivoque, La Rabouilleuse est parfaite.
Balzac est à la fois le narrateur d'une histoire d'argent qui s'étire sur plusieurs années, l'incomparable auteur de descriptions de caractères bons et faibles à la fois ( ceux-ci ne font pas de vieux os, en général ) mauvais et rusés (ceux-là font leurs chemins aux détriments des premiers).
Et pourtant pas de manichéisme, le mauvais fils aura des bontés pour la mère, l'honnête homme se verra accomplir quelques vilenies, légères mais certaines, qui le rabaisseront: c'est cela du Balzac.
Et on se retrouve avec étonnement, entraîné dans une lecture parfois un peu difficile, souvent anachronique pour nous lecteurs du XXI ème siècle. Finalement nous lisons un témoignage de la condition de l'homme, telle que la série Dallas nous l'a racontée dans les années 1980 (Balzac aurait fait un excellent réalisateur d'oeuvres cinématographiques).
Ah ! Pour la signification de la Rabouilleuse ?
Ce terme n' apparaît qu à une bonne moitié du roman et cela veut dire...
Et puis non tient, vous n'avez qu'à le lire ;)
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Ce roman fait le portrait de deux frères, Joseph, peintre de génie non reconnu que sa mère dédaigne pour son monstrueux aîné, Philippe, ancien soldat sans coeur. Au début du roman, cet officier de Napoléon démobilisé s'ennuie, passant son désoeuvrement dans le jeu, l'alcool et les femmes. Trop fainéant pour vraiment réussir ou s'investir, il préfère dépouiller son frère, sa mère, une grand-mère... On ne peut donc pas s'attacher à lui, contrairement à Joseph, artiste passionné et génial, fils respectueux, plus fait pour contempler la beauté du monde que ses complots et ses bassesses.
Philippe se révèle lors d'un duel contre un autre lui-même, mais qui lui est inférieur, n'ayant pu réaliser ses ambitions avec la chute de Napoléon, mais qui se contente de régner sur la jeunesse d'une petite ville de province. Plus Philippe s'élève, plus il devient odieux, laissant notamment mourir sa femme d'alcoolisme, lui ayant enseigné la débauche.
Face à ce personnage assez fascinant, il est presque dommage que Joseph ne soit pas plus visible pour faire un contrepoint.
Un beau portrait aussi d'une ville provinciale ennuyée, échappant aux tourmentes de l'histoire politique du début du XIXème siècle.
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Un très bon cru! Dans les meilleurs que j'ai lus De Balzac

D'abord un titre intrigant : que veut donc dire "La Rabouilleuse" ? 

"Rabouiller est un mot berrichon qui peint admirablement ce qu'il veut exprimer : l'action de troubler l'eau d'un ruisseau en la faisant bouillonner à l'aide d'une grosse branche d'arbre dont les rameaux sont disposés en forme de raquette. Les écrevisses effrayées par cette opération, dont le sens leur échappe, remontent précipitamment le cours d'eau, et dans leur trouble se jettent au milieu des engins que le pêcheur a placés à une distance convenable. Flore Brazier tenait à la main son rabouilloir avec la grâce"

La Rabouilleuse est donc une très jeune fille de douze ans, une orpheline que le docteur Rouget va prendre à son service pour cent écus de gages et cent écus à son tuteur. Habillée, instruite, elle "réchauffait la vieillesse" du vieux docteur de 72 ans...A la mort du vieillard, elle passe au service de Jean-Jacques, le fils du docteur dont tout Issoudun murmurait "c'est un imbécile" et va exercer son ascendant sur ce benêt. 

La Rabouilleuse n'est pas le personnage central du roman (gros roman). Elle n'apparait que tardivement dans l'histoire : le roman familial de la famille du Docteur Rouget, père d'un fils Jean-Jacques qu'il a favorisé au détriment d'Agathe délaissée. Cette dernière, mariée à un fonctionnaire d'Empire exemplaire, se retrouve veuve avec deux fils. Philippe, soldat de Napoléon, officier de la Garde, est son préféré

"Pour Philippe, l'univers commençait à sa tête et finissait à ses pieds, le soleil ne brillait que pour lui."




il causera la ruine de sa famille. Tandis que Joseph, l'artiste, se consacre à son art et à sa mère. Dans la misère, Agathe tente de regagner sa part d'héritage que son frère risque de céder à la Rabouilleuse, sa maîtresse.

Chez Balzac, les affaires d'argent sont souvent le moteur de la société.

Agathe et Joseph partent donc à Issoudun pour éviter la captation de son héritage. le moyen de gagner cette affaire est d'opposer la Religion à l'influence de Flore Brazier.




"Votre avoué ne connaît pas la province, dit le vieil Hochon à madame Bridau. Ce que vous venez y faire ne se fait ni en quinze jours ni en quinze mois ; il faudrait ne pas quitter votre frère, et pouvoir lui inspirer des idées religieuses. Vous ne contreminerez les fortifications de Flore et de Maxence que par la sape du prêtre. Voilà mon avis, et il est temps de s'y prendre. — Vous avez, dit madame Hochon à son mari, de singulières idées sur le clergé."

[...]
"Votre fortune sera le résultat d'un combat entre l'Église et la Rabouilleuse."

Encore une fois Philippe va faire capoter ce plan....

C'est un roman touffu (381 pages), très riche où de nombreux thèmes seront abordés : l'éducation par les femmes

"Les femmes sont des enfants méchants, c'est des bêtes inférieures à l'homme, et il faut s'en faire craindre, car la pire condition pour nous est d'être gouvernés par ces brutes-là !"

Sans autorité paternelle, Agathe serait responsable de la dépravation de Philippe.

"Quelque tendre et bonne que soit la Mère, elle ne remplace pas plus cette royauté patriarcale que la Femme ne remplace un roi sur le trône ; et si cette exception arrive, il en résulte un être monstrueux."

Bien sûr, le contexte historique n'est pas négligé par Balzac. On devine comment, pendant la Révolution, le Docteur Rouget va accumuler une collection de tableaux de maîtres, dont il ignore totalement la valeur. On assistera à la gloire puis à la déchéance des soldats de l'Empereur : Philippe et aussi Maxence, ont gagné leur gloire pendant les combats ; démobilisés ils connaissent toutes les dérives. A la Restauration, les bonapartistes deviennent des parias mais nombreux sauront s'adapter et faire fortune...

Vie quotidienne à Paris et à Issoudun, dépeinte avec précision et vivacité. Balzac  nous fait vivre plusieurs décennies : voyage dans le temps.

Un excellent Balzac, vous dis-je!









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