Citations sur Le Cabinet des Antiques (25)
L'attachement du marquis pour son ancien domestique constituait une passion semblable à celle que le maître a pour son chien, et qui le porterait à se battre avec qui donnerait un coup de pied à sa bête : il la regarde comme une partie intégrante de son existence, comme une chose qui, sans être tout à fait lui, le représente dans ce qu'il a le plus cher, les sentiments.
Mademoiselle d'Esgrignon est une des figures les plus instructives de cette histoire. Elle vous apprendra ce que, faute d'intélligence, les vertus les plus pures peuvent avoir de nuisible.
Privilège semblable à celui de la noblesse, la beauté ne se peut acquérir, elle est partout reconnue, et vaut souvent plus que la fortune ou le talent, elle n'a besoin que d'être montrée pour triompher, on ne lui demande que d'exister.
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Le noble est fier d’Esgrignon se contenta donc, est dut se contenter du triomphe de la monarchie et de la religion, en attendant les résultats de cette victoire inespérée, disputée, qui fut simplement un armistice. Il continuait donc alors à trôner dans son salon, si bien nommé le Cabinet des Antiques. Sous la Restauration, ce surnom de douce moquerie s’envenima lorsque les vaincus de 1793 se trouvèrent les vainqueurs.
Vous êtes donc fous, ici ? reprit la duchesse. Vous voulez donc rester au quinzième siècle quand nous sommes au dix-neuvième ? Mes chers enfants, il n’y a plus de noblesse, il n’y a plus que de l’aristocratie. Le Code civil le Napoléon a tué les parchemins comme le canon avait déjà tué la féodalité. Vous serez bien plus nobles que vous ne l’êtes quand vous aurez de l’argent. Epousez qui vous voudrez, Victurnien, vous anoblirez votre femme, voilà le plus solide des priviléges qui restent à la noblesse française. Monsieur de Talleyrand n’a-t-il pas épousé madame Grandt sans se compromettre ? Souvenez-vous de Louis XIV marié à la veuve Scarron !
"Sa vie, depuis deux mois, ressemblait à l'immortel finale du Don Juan de Mozart ! Cette musique doit faire frissonner certains jeunes gens parvenus à la situation où se débattait Victurnien. Si quelque chose peut prouver l'immense pouvoir de la Musique, n'est-ce pas cette sublime traduction du désordre, des embarras qui naissent dans une vie exclusivement voluptueuse, cette peinture effrayante du parti pris de s'étourdir sur les dettes, sur les duels, sur les tromperies, sur les mauvaises chances ? Mozart est, dans ce morceau, le rival heureux de Molière. Ce terrible finale ardent, vigoureux, désespéré, joyeux, plein de fantômes horribles et de femmes lutines, marqué par une dernière tentative qu'allument les vins du souper et par une défense enragée ; tout cet infernal poème, Victurnien le jouait à lui seul ! Il se voyait seul, abandonné, sans amis, devant une pierre où était écrit, comme au bout d'un livre enchanteur, le mot FIN. Oui ! tout allait finir pour lui."
Il n’y a rien au monde que les Sauvages, les paysans et les
gens de province pour étudier à fond leurs affaires dans tous les sens ; aussi, quand ils arrivent de la Pensée au Fait, trouvez-vous les choses complètes.
Ici l’auteur voudrait rassembler des contradictions, entasser des anachronismes, pour enfouir la vérité sous un tas d’invraisemblances et de choses absurdes; mais, quoi qu’il fasse, elle poindra toujours, comme une vigne mal arrachée repousse en jets vigoureux, à travers un vignoble labouré.
Il est aussi facile de rêver un livre qu'il est difficile de le faire .
Quoiqu'il fût onze heures avant minuit, il était trop tard. Chesnel aperçut des gendarmes à sa porte, et quand il en atteignit le seuil, il vit dans sa cour le jeune comte arrêté. Certes, s'il en avait eu le pouvoir, il aurait tué tous les gens de justice et les soldats, mais il ne put que se jeter au cou de Victurnien.
– Si je ne réussis pas à étouffer l'affaire, il faudra vous tuer avant que l'acte d'accusation ne soit dressé, lui dit-il à l'oreille.
Victurnien était dans un tel état de stupeur, qu'il regarda le notaire sans le comprendre.
– Me tuer, répéta-t-il.
– Oui ? Si vous n'en aviez pas le courage, mon enfant, comptez sur moi, lui dit Chesnel en lui serrant la main.