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D'abord , si j'ai choisi de me " lancer " dans cette lecture , c'est , qu'une fois de plus , j'ai été attiré par la superbe couverture du roman qui vient de faire son apparition en poche , une photo dans laquelle , toutes proportions gardées, je me retrouve un peu , comme sans doute tous ceux et celles nés dans les années 50 .
Ninetto a 9 ans , vit misérablement avec son père et sa mère dans un village de Sicile . Les coups pleuvent , on ne discute pas dans la famille ...Heureusement , il y a le copain Peppino et la véritable figure tutélaire, le modèle, l'espoir , le maître d'école, passeur de la culture libératrice. Hélas, le mère est atteinte d'apoplexie et , confié à un " pays " pas forcément très scrupuleux , Ninetto part pour Milan .......
Vie de " petits boulots " , amitiés, exploitation , mariage , un " immense trou noir de 32 ans dans une usine ", un second " trou noir avec 10 ans de prison " . C'est là que nous le rencontrons , enfermé dans la solitude avec comme " seule distraction", la résurgence des souvenirs marquants du passé.......
Et puis , la sortie . Un monde qui a changé. Une famille qui a changé et , surtout , un Ninetto qui a changé, lui aussi .Dix ans sont passés, la roue de la vie est passée , broyant tout sur son passage , pensez- donc , il faut remplir un " CV européen " pour livrer des pizzas.....Ninetto va devoir faire face à la dure , très dure épreuve du retour à la vie active dans un monde sans pitié....
Les trois parties de ce roman , la prison , l'avant et l'après sont écrites, on s'en doutera , de façon bien différentes , l'auteur adoptant bien son style à la situation décrite , la fin du roman se voyant empreinte de plus de désespérance que la première partie , douloureuse certes , mais pleine de facéties et d'espoir .
Le personnage central ,Ninetto , ne laisse pas , ne peut pas laisser indifférent. Chacun appréciera sa personnalité à sa convenance , les avis étant très partagés ( et ça, c'est vraiment bien ) .On pourrait vraiment faire de sa personne , une très bonne analyse , en classe , j'imagine d'ici les discussions acharnées...Pardon , mes vieux démons me jouent encore des tours pendables. En conclusion , j'ai beaucoup aimé ce roman , vraiment . Il m'a fait rire ( un peu , parfois ) , il m'a ému, il m'a interpellé.....A 9 ans , en Italie , a quelques centaines de kilomètres de nous , on pouvait " être livré à la rue " , dans les années 60....Terrible .
J'avais beaucoup aimé " je reste ici " , du même auteur .J'espère le retrouver très bientôt.



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Ninetto est couché, les mains derrière la nuque, les yeux clos pour ne pas voir les autres, serrés comme des harengs dans la même cellule. Il se raconte une histoire.

Son histoire.

Parce que dix ans, c'est long. Même s'il doit sortir bientôt.

Ninetto vient de Sicile, il vient de la misère et de la faim, il vient du pays où les baffes volent bas quand on est un "picciridù".

Ces mioches-là ont juste le droit de se taire - " tu pourras parler quand tu verras la poule pisser", lui dit sa mamma quand elle l'emmène à " casa d'altri"- ils ont aussi celui de retrousser leurs manches et de bêcher la terre aride pour un " paesino" presque aussi pauvre qu'eux. Et enfin, celui de s'arracher, à neuf ans, à ce "pays de merde" pour tenter leur chance dans les grandes villes du Nord où le boulot ne manque pas.

Cette triste histoire- là, Ninetto se la raconte dans sa langue à lui, chaleureuse, haute en couleurs, cocasse, émaillée d'expressions locales...et c'est comme un rayon de soleil dans l'eau froide!

Ses tribulations de "galoppino"-littéralement, coursier- tricotant des gambettes sur son biclou dans les rues crasseuses d'une banlieue ouvrière de Milan, deviennent une geste héroïque et facétieuse qui masque pudiquement une vie déracinée et douloureuse.

Quelques rencontres chaleureuses-les maçons des Abruzzes, Antonio le musicien sans guitare, Maddalena la femme de sa vie et sa femme pour le meilleur et le pire- viennent trouer de leur lumière le récit sans cesse interrompu que Nino se fait à lui-même, dans la promiscuité de sa cellule.

Mais il sort, et le récit butte sur l'irracontable.

Quels mots, pour raconter le noir tunnel du quotidien, et celui, plus noir encore, de la faute qui l'a mené en prison ?

Quels mots pour raconter l'impossible réinsertion pour ce travailleur de la première heure qui retrouve, à cinquante ans passés, un monde sans usine, sans travail, sans âme ?

Ninetto aurait voulu être poète, et peut-être aussi un peu communiste, s'il n'avait juré à Maddalè qu'il ne se ferait ni rouge, ni noir, ni blanc. Sa courte expérience de l'école lui a laissé le goût des rimes et une grande admiration pour "Russò", qui eut le cran de faire le procès du premier qui osa dire : "Ceci est à moi!"

Maintenant, c'est un autre livre qu'il lit, relit, et peu à peu, reconnaît. le héros de ce livre s'appelle Meursault. Un frère. Un Étranger.

Un Étranger comme Ninetto, petit "napuli" de Milan -les italiens du Nord mettent tout le mezzogiorno dans le même sac-.

Un Étranger comme Nino devenu vieux, maintenant, dans ce nouveau monde où il faut un c.v. modèle européen téléchargé sur le net pour pousser des chariots ou vider des palettes.

Un Étranger dans ce monde où de nouveaux pauvres de toutes les couleurs, venus de plus en plus loin, ont remplacé siciliens, abruzziens et calabrais, pour faire un travail d'esclave.

Un Étranger à lui-même, puisqu'il n'arrive plus à mettre ses mots colorés sur cette vie toute noire, toute opaque, menacée par le silence, la solitude, la folie..

Magnifique livre, une fois encore, de Marco Balzano, qui a été , nous dit-il en postface, précédé d'un long travail d'interviews de ces anciens petits migrants des années cinquante, arrachés en pleine enfance à leur terre natale, à leur famille et qu'il a patiemment interrogés et écoutés.

Mais loin de nous livrer le fruit d'un reportage, Balzano a complètement intériorisé son sujet. Il a donné une stature-décharnée, - on l'appelle "pelleossa", sac d'os- à son narrateur, et surtout une voix, étouffée, douloureuse, marquée, mais, quand elle revient à l'enfance, toute chargée de soleil et d'humour. Et c'est ce clivage des tons qui fait, mieux que tout, sentir la brisure de l'être.

Un beau personnage que cet Etranger sicilien, qui m'a paru d'autant plus vrai et proche que j'ai lu - ou plutôt dévoré- le livre dans sa version originale.
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Je ne connaissais pas Marco Balzano. Je ressors très émue de cette rencontre. Son écriture a cette particularité qui me touche beaucoup, d'être à la fois simple mais capable de donner vie, profondeur,et singularité aux personnages.
Le dernier arrivé, c'est l'histoire de Ninetto ou " sac d'os" qui,petiot,a vécu dans un village sicilien,dans la pauvreté. Il a cependant eu la chance de côtoyer,trop peu longtemps, Vincenzo un instituteur qui saura voir en lui un enfant sensible et intelligent et valorisera son rêve de devenir poète. Ninetto a 9 ans lorsqu'il doit quitter son village pour Milan avec son "pays" un oncle,afin de fuir la misère. Il la retrouve pourtant sous une autre forme,en tant que migrant, "sale Napolo". Il trouve des petits boulots, évidemment peu gratifiants et sous payés,puis découvre l'amour,l'usine,mais aussi 10 ans de prison.
Ninetto raconte ses souvenirs et son récit alterne les moments qui reconstituent son parcours,et ceux qu'il passe dans sa cellule jusqu'au moment de sa libération où il retrouve sa femme et va,d'une certaine façon ,continuer à purger sa peine...ce n'est qu'à partir de là qu'on découvre la raison de son incarcération et celle qui le tient éloigné de sa fille et petite fille.
Le discours de Ninetto n'est ni plaintif,ni révolté. Son regard est juste lucide sur une vie volée, gâchée. Bien que la plume de M.Bolzano évite totalement le larmoiement, l'émotion a grandi en moi au cours des pages dans un mélange d'admiration,de tendresse et de compassion pour ce " sac d'os" malmené par la vie.
Avec ce beau personnage, l'auteur dévoile l'Italie des années 60, la migration de nombreux enfants du Sud vers le nord de l'Italie pour tenter une vie meilleure mais qui, souvent ont perdu leurs racines et leur âme sans trouver le bonheur. Il nous rappelle,si besoin était, l'abrutissement de l'usine,qui bien souvent à broyé les êtres psychiquement encore plus que physiquement...
Je recommande vivement la lecture de ce roman d'une grande justesse dans sa capacité à décrire l'itinéraire d'un homme comme beaucoup d'autres,qui a dû oublier ses rêves,et même parfois oublier qu'on peut rêver...
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En un paragraphe Ninetto, le narrateur, explique son parcours depuis son départ tout gamin de son petit village de Sicile : « La vraie vie pour moi a été ma misère de petiot, mon émigration à Milan et ma survie au cours de ces années difficiles. Quand l'usine est arrivée, je me suis certes casé, mais je suis entré dans un tunnel sombre. Ça a été un chapelet, madame. Oui vous avez bien compris, un chapelet, la prière la plus stupide qui soit, car à force de répéter machinalement une seule rengaine, la parole de Dieu elle-même tourne à vide, comme la voix dans une marmite en cuivre. Et la prison, chère madame, vous savez ce que la prison a été pour moi ? Un deuxième chapelet et un deuxième tunnel ».
Tout une histoire résumée en quelques lignes et détaillée dans un livre laissant une impression mitigée.
Ce roman démarre mal. Ninetto reprend ses souvenirs de jeunesse, en les contant d'une façon hachée. Balzano y ajoute un style délibérément simple. J'ai failli abandonner ma lecture.
A partir de la rencontre avec Maddalena, sa future femme, le livre s'améliore. Le duo fuit à Milan pour trouver à se marier malgré leur très jeune âge. S'en suit une vie simple et sans grand accrocs dans la banlieue ouvrière de Milan. Trop routinière sans doute pour Ninetto, qui enchaîne les boulots pour améliorer la condition de sa famille, son trésor, lui qui est parti de rien. Son côté protecteur et possessif lui vaudra pourtant une cruelle désillusion.
Le Ninetto sorti de prison retrouvant la vie « normale » est touchant. Toujours aussi maladroit ; voulant bien faire, mais n'y mettant pas les formes attendues.
D'ailleurs, la partie finale est certainement ce qui est le plus réussi dans cette histoire. Dommage d'avoir du supporter de longs passages insipides et lourds avant d'en arriver là.
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Coup de coeur.
A cinquante sept ans, Ninetto se remémore sa vie et son parcours. Un gosse qui grandit dans la Sicile pauvre de la fin des années cinquante, surnommé "sac d'os" parce que son repas quotidien de pain et d'anchois n'est pas suffisant et qu'il reste maigre, essuyant les coups de son père, privé de sa mère éloignée après une attaque cérébrale, le jeune garçon trouve du réconfort auprès de son ami Peppino et surtout en la personne de Mr Vincenzo, le maître d'école. Mais à neuf ans à peine, son père le confie à Guiva un ami de la famille qui monte chercher du travail comme maçon à Milan où, encore enfant, Ninetto va devoir travailler.
Le dernier arrivé est le récit de la vie d'un gamin comme tant d'autres nés dans des famille pauvres du sud de l'Italie, envoyés au Nord, dans la famille ou chez des amis, afin d'y trouver un travail sûr et mieux rémunéré et l'espoir de faire carrière...
Un roman a deux vitesses, alternant passé et présent, pour comprendre l'enfance et la vie d'adolescent qui se cherche tombe amoureux, se marie et va tourner mal pour finir en prison.
Marco Balzano offre un roman d'apprentissage et de rédemption d'un homme avec, toujours en filigranes, les racines siciliennes, l'attachement à la famille et l'influence de la poésie transmise dès l'école comme un lueur au bout du tunnel. Mais il y évoque également la face cachée, peu connue de ses gamins exploités.
Un très beau roman qui met en lumière de nombreux enfants éloignés trop jeunes, loin de leur famille.
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Parution : 2014
Sur fond d'histoire sociale.
Dans les années 50 il n'y avait pas seulement des hommes et des femmes qui quittaient la misère sicilienne ou calabraise, en quête de travail dans le Nord industriel, mais aussi des enfants de moins de dix ans qui ne s'étaient jamais éloignés de leur village, et que leurs parents ne pouvaient plus nourrir.
Ce roman est l'histoire de l'un d'eux : Ninetto, dit Sac d'os, qui ne recevait qu'un anchois et une tranche de pain pour toute le journée.
Il avait neuf ans fin 1959. Suite à une attaque, sa mère est mise à l'hospice et son père lui fait quitter l'école.
L'école qu'il aimait, où il apprenait avec application, son instituteur qu'il aimait et lui faisait découvrir la poésie de Carduci, de Leopardi. Des poèmes qu'il retenait facilement et qu'il n'oubliera pas.
Ce personnage est inventé mais la misère, les mésaventures, l'exploitation des enfants ne le sont pas , confirmés par des témoignages.
Après le long voyage en train avec un homme de son village, son "pays", la désillusion est grande à Milan. Il découvre une ville grise, blême au brouillard fréquent.
Il découvre les immeubles de la périphérie, sales, "la ruche" où s'entassent les migrants de l'intérieur.
Il lui faudra attendre d'avoir quinze ans pour être embauché à l'usine automobile où le travail répétitif abrutit et abêtit.

L'homme d'aujourd'hui, inoccupé, se remémore son enfance dans une alternance de chapitres.

Ce roman aborde les questions importantes :
_l'abandon du pays natal,
_L'immigration des mineurs et le travail des enfants,
_la forte méfiance et le mépris des milanais envers ces "culs-terreux".
Les migrants d'hier ont fait place aux migrants d'aujourd'hui, venus de plus loin, de pays étrangers.
Tout cela dans un crescendo d'émotions et la puissance du final.
J'aime que l'histoire individuelle soit incluse dans l'Histoire d'un pays.
Ce livre est sélectionné pour le prix Cezam.
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Une poignée de jours encore, et il franchira la porte. Libre. Dix ans qu'il est là, Ninetto. Encagé entre quatre murs froids. Mais allongé sur son matelas putride, voilà belle lurette qu'il a décampé. Son corps est en prison mais son esprit déserte. Dans sa tête ça défile : le « petiot » de San Cono qui voulait devenir poète a ressurgi, puis le garçon de courses arpentant par tous les temps les rues de Milan à bicyclette, vint ensuite le jeune amoureux de la belle Maddalena, le mariage, la naissance d'Elisabetta, et le voici ouvrier chez Alfa Romeo pendant trente-deux ans… Une existence qui ronronne, un quotidien qui lasse… et le dérapage.

Neuf ans, c'est l'âge de Ninetto lorsqu'on l'extirpe de San Cono, son village sicilien. Il n'y mangeait pas à sa faim, un anchois par jour sur une tranche de pain; son père était un être rustre à l'allonge facile ; sa mère faisait ce qu'elle pouvait mais une crise d'apoplexie la terrassa et eut raison de son esprit et changea l'existence de Ninetto.

Il l'aimait pourtant son village, les ruelles tortueuses, les champs tout autour, son copain Peppino et surtout Monsieur Vincenzo l'instituteur. Car le garçonnet adorait apprendre et obtenait toujours un « remarquable » en poésie. L'attaque cérébrale de sa mère entraîna son retrait immédiat de l'école pour aider son paternel au travail de la terre.

Puis ce fut l'émigration vers le nord de l'Italie avec son « pays », Giuva. Nous sommes en 1959. le sud n'est que misère et désolation. Il faut rejoindre le triangle industriel Turin-Milan-Gênes si on veut trouver un travail, fonder une famille, avoir une vie décente. Durant trois années, les enfants débarquent en nombre dans les cités.

À Milan, Ninetto vivra à la « ruche », chez des cousins de Giuva. L'endroit est insalubre mais il a un toit au-dessus de sa tête. Il gagnera quelques sous en travaillant durement. Une enfance hardie menée tambour battant, une adolescence happée par les obligations, une vie d'homme qu'il n'a pas eu le temps de voir venir. Il a grandi si vite, Ninetto…

Libéré à cinquante-sept ans, il ne reconnaît plus rien. La ville a changée, les usines ont disparues, sa femme a vieilli sans lui, sa fille ne veut plus le voir, il ne rencontrera peut-être jamais sa petite fille… Seul leur deux-pièces n'a pas bougé. Contraint à se livrer à une psychologue, il demeure silencieux.

Récit de vie d'un homme qui s'est toujours senti étranger ; arraché à sa terre, détaché de ses parents, incompris, empêché, emprisonné. L'auteur dépeint la mouvance et l'instabilité de la société, l'égarement de l'homme et ses désillusions, le déracinement, l'intégration et la réinsertion. Un roman émouvant et pénétrant.
Lien : https://lesmotsdelafin.wordp..
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Ninetto, 57 ans, est incarcéré à Milan depuis 10 longues années.
Là, dans la cellule dont il va bientôt sortir, il repense à son enfance passée en Sicile, au temps où il était surnommé "sac d'os" par ses camarades de classe, tant il était maigre.
Heureux à l'école malgré les moqueries de ses camarades, féru de poésie, le jeune Ninetto, âgé de 9 ans est pourtant obligé d'aller travailler aux champs avec son père lorsque sa mère tombe subitement malade. Ils sont pauvres, les médicaments coûtent chers et ne servent à rien, et même l'instituteur, leur voisin, ne peut rien faire pour lui. Il a faim, il est maltraité et tout le monde autour de lui trouve ça normal.
C'est alors qu'il fait la connaissance d'un ami de son père, Giuvà qui économise pour partir à Milan et propose de l'emmener avec lui. Poussé par son père à quitter la Sicile, il va très vite, alors qu'il n'a que 10 ans, trouver un boulot de coursier pour une blanchisseuse. Mais la vie à Milan est misérable. Rien n'est simple et tout se gâte quand Ninetto découvre que Giuvà s'est approprié l'argent que le père lui avait remis pour prendre soin de lui et qu'il ne manque de rien...
Il décide alors de se débrouiller seul...jusqu'à l'âge requis pour entrer à l'usine, où il trouvera un emploi chez Alfa romeo et où il travaillera à la chaîne plus de 30 ans.
En parallèle de son récit de vie, Ninetto nous parle de sa vie en cellule où ils vivent entassés à sept personnes dans un manque absolu d'intimité.
Mais quand l'heure de la sortie tant attendue a sonné, malgré son désir de retrouver rapidement du travail, et la tendresse dont l'entoure Magdalena, sa femme, Ninetto voit bien que tout a terriblement changé... et qu'il lui faut réapprendre à vivre dans ce monde qu'il ne reconnaît plus.

C'est petit à petit que le lecteur comprend pourquoi Ninetto est en prison, ce qu'il a fait est impardonnable, bien sûr, mais se comprend au regard de ce qu'il a vécu dans le passé. Tout le drame de sa vie nous apparaît. Son grand besoin d'amour et son désir de protéger les siens à tout prix expliquent son geste.
Les pages où il parle de son enfance, de la misère de sa famille puis des années de lutte en ville pour subvenir à ses moyens sont bouleversantes de réalisme. Je reconnais que je ne savais pas, ce qui est rappelé en fin d'ouvrage, qu'à la fin des années 50 et au début des années 60, l'émigration enfantine en Italie était aussi importante, tandis qu'en France, à cette époque-là, les conditions de vie étaient différentes.
Malgré le contexte difficile, ce livre n'est pas pour autant triste du début à la fin. S'il est teinté de nostalgie et parle beaucoup de pauvreté, de solitude, d'exil, et d'immigration et nous ramène aux problèmes d'aujourd'hui, il est aussi empli d'humour et de malice.
Au delà de l'histoire développée dans le roman et des explications sur la vie quotidienne de cette famille exilée, ce livre est un témoignage émouvant et réaliste des difficultés vécues par ces enfants pauvres, obligés de quitter leur famille et leur région natale pour tenter de survivre en ville. Il est normal que de nombreuses blessures et traumatismes aient perturbé leur vie durant, ces garçons calabrais ou siciliens qui ont connu la solitude, la faim et, la plupart du temps, l'exploitation par des adultes sans scrupule, voire la maltraitance.
Il faut souligner que peu de livres retracent le parcours de ces êtres meurtries, de ces milliers d'ouvriers venus grossir les effectifs des usines du pays à bas coûts et dans des conditions dignes de l'époque de Zola.
Ce roman est remarquablement construit et ne peut nous laisser indifférent. C'est à la fois une chronique sociale de l'Italie d'après-guerre mais aussi un roman sur l'exil, sur la réadaptation après une incarcération dans un monde devenu méconnaissable, et sur le besoin vital de se retrouver auprès des siens et de transmettre quelque chose à sa descendance, pour laisser une trace de son passage sur terre et se dire qu'on n'a pas vécu tout ça pour rien...

Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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La Feuille Volante n° 1239
Le dernier arrivé – Marco Balzano - Philippe Rey Éditeur.
Traduit de l'italien par Nathalie Bauer.

Ninetto a 57 ans et va bientôt être libéré de sa prison milanaise. C'est pour lui l'occasion de revenir sur le parcours cahoteux d'un migrant sicilien qui est venu chercher du travail dans le nord industriel. La vie n'a pas très tendre pour lui puisque la pauvreté et la faim ont été ses deux compagnes d'enfance. On l'appelait d'ailleurs « Sac d'os » et c'est de bonne heure, à contre-coeur, avec la bénédiction paternelle et en compagnie d'un ami de son père, Guivà, qu'il dût quitter son village sicilien et son école qu'il aimait tant. Pour lui Milan c'est l'étranger à cause du climat, de la grisaille, de la langue qu'il ne comprend pas bien, de l'ostracisme aussi que lui témoignent les Milanais qui n'aiment point les gens du sud, mais, débrouillard, il y trouve quand même rapidement un petit boulot de livreur dan une blanchisserie. Il n'a alors que 10 ans et doit renoncer au destin de poète dont il rêvait mais il fallait attendre d'avoir 15 ans pour espérer être engagé à l'usine. Il a fini par l'être, chez Alfa-Romeo, et cela a duré 32 ans de galère.

Le lecteur a droit à son parcours personnel raté comme l'est son mariage et sa vie de couple, rien d'autre que celui de quelqu'un né sous une mauvaise étoile, comme nombre d'entre nous sans doute. Ce n'est qu'à la fin qu'on comprends ce qui lui a valu la prison et la raison pour laquelle il ne peut rencontrer ni sa fille ni sa petite-fille.

Ce livre a de nombreuses fois failli me tomber des mains. J'en ai cependant poursuivi ma lecture à cause d'un engagement pris de participer à un jury littéraire où ce roman était en lice, mais je n'y ai pas pris un grand intérêt.

Le style de Marco Balzano est alerte, souvent empreint d'humour mais, au-delà de l'histoire il y a une réalité ; celle des migrants de l'intérieur, même des enfants, qui ont dû pendant des décennies quitter le soleil du sud pour les brumes du nord industriel. Nous étions dans les années 50 mais l'immigration ne s'arrêtait pas là, Depuis longtemps les Italiens partaient pour la France et pour les États-Unis.


© Hervé GAUTIER – Avril 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Je ne suis jamais entrée dans ce roman. Certes je l'ai lu, le style est facile et le propos intéressant. Mais je ne suis jamais entrée en empathie avec ce personnage, peut-être est ce dû à la façon dont il se présente lui même : car le moins que l'on puisse dire c'est qu'il ne s'aime pas beaucoup et il ne s'épargne pas.
Et donc, je me suis un peu poussée à finir cette lecture, car rien ne m'incitait à y revenir : elle n'éveillait aucune curiosité pour connaitre la suite du récit.
Mais j'ai découvert, un sujet qui m'était totalement inconnu : la migration des enfants dans l'Italie des années 50. C'était il y a peu de temps, et géographiquement proche de nous. C'est assez troublant. Aujourd'hui ils ne migrent plus, mais j'ai entendu parlé de leur travail, clandestin - évidemment. Des générations sacrifiées encore.
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