Ce récit nous précipite dans la grande Histoire, celle tragique d'une population Cachemirie, opprimée par les autorités indiennes, et dans l'histoire intime déchirante d'une mère qui perd tout lorsque son fils est enlevé par ces mêmes autorités, sous ses yeux, dans sa propre maison.
Ce roman de
Shahnaz Bashir, journaliste cachemiri, est un plaidoyer à charge et sans concession, qui vient éclairer une situation abominable et révoltante, devant laquelle la communauté internationale reste honteusement passive, celle du Cachemire qui, depuis 1989, est écrasé par une répression indienne qui n'hésite pas à broyer les militants de la cause nationaliste et au passage, les civils, à coups de rafle et arrestations arbitraires, de détention, de torture...
Derrière un conflit politique et territorial, s'inscrit un conflit religieux qui ne dit pas son nom.
La force de ce récit réside dans le fait de nous le conter à travers les yeux d'une maman, Haleema, femme modeste, respectueuse, qui assistera impuissante, autant au meurtre de sang froid de son père, qu'à l'enlèvement de son fils Imran, pleurant et suppliant qu'il n'est pas l'Imran militant recherché.
C'est un champs de désolation que l'on parcourt avec elle, avec ses compagnons ponctuels d'infortune, tous ces parents et proches de personnes arrêtées, sans aucune forme de procès, sans preuve, dans le déni le plus total d'une quelconque règle de droit. Nous errons avec elle dans un pays où il ne fait pas bon être dans le "mauvais camps". Elle nous emmène avec elle dans sa quête désespérée pour retrouver son fils, car elle ne renonce pas et aussi modeste soit-elle, elle se bat. Mais c'est une lutte qui se résume au "pot de fer contre le pot de terre".
L'histoire d'Haleema vous colle la rage au ventre, l'écoeurement d'une injustice épouvantable qui précipite des êtres humains et des familles entières dans le malheur, le désespoir de ne pas même savoir si l'être aimé est encore vivant, l'attente, le désarroi, la lutte mais muselée et méprisée. Les récits des traitements réservés aux prisonniers jettent le lecteur dans l'horreur, que même le soutien d'un journaliste de la BBC, Izhar, (faisant écho à l'auteur
Shahnaz Bashir), ne parvient pas à apaiser.
Je sors de cette lecture assommée et ne peux que conseiller la lecture de ce roman qui éclaire la situation totalement taboue de la répression au Cachemire que je n'aurai pas l'audace honteuse de qualifier d"indien", quand toute la souffrance recueillie au long de ces pages est Cachemirie...
Et si le titre "
La mère orpheline" est très parlant, il faut quand même souligner que si l'on devait traduire littéralement le titre original, il s'agirait de "La demi mère", car détail cruel et ironique, le statut de ces parents de personnes disparues est totalement amputé du fait que les personnes n'ayant pas été retrouvées: alors vous n'êtes même pas reconnue comme veuve, ou comme mère ayant perdu son enfant, mais comme "demi veuve" ou demi mère"...