En préambule de sa remarquable déconstruction du matérialisme scientifique,
Richard Bastien cite cette fameuse phrase de Louis Pasteur : « Un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup y ramène. »
Et de préciser un peu plus loin sa pensée : « Il s'agit tout d'abord de mettre en lumière le fait que le vieux contentieux entre science et religion ne repose nullement sur des considérations d'ordre scientifique ou théologique, mais bien une opposition de nature essentiellement philosophique entre, d'une part, une conception du monde et de l'homme d'inspiration naturaliste, tout à la fois matérialiste, athée et irrationnelle, et, d'autre part, une conception du monde et de l'homme fondée sur la philosophie grecque et médiévale, tout à la fois théiste et rationnelle. »
De là une démonstration magistrale qui corrige intelligemment certains mythes à charge contre « l'obscurantisme » du catholicisme, dont le Moyen ge chrétien – trop souvent caricaturé et dont, cependant, les universités jouèrent un très grand rôle dans la diffusion et la perpétuation des savoirs bien plus sûrement que dans le monde islamique et sa « conception anti-intellectuelle de Dieu et du monde » – ; Darwin – dont les propos parfois abjects sur la sélection naturelle font froid dans le dos ! – ;
Galilée – lequel a d'abord été victime de lui-même, comme le rappelle l'auteur.
Un auteur qui a la foi et ne s'en cache pas : « Dieu est souverainement présent à notre monde et aucune partie de Sa création ne peut exister indépendamment de Lui. » Pour autant, s'il milite avec ferveur pour sa cause – « Quiconque ne croit pas en un Dieu rationnel est incapable de donner une justification à l'intelligibilité de l'univers » –, il avance avec brio cette vérité évidente : la science et l'Église ne sont définitivement pas incompatibles. Au contraire, « en désacralisant le monde de la nature et en le soustrayant à l'empire des idoles, juifs et chrétiens ont ouvert la voie à une interprétation scientifique des phénomènes naturels. »
Et de fustiger le matérialisme – entendu ici comme une « doctrine d'après laquelle il n'existe d'autre substance que la matière » (dixit le Petit Robert) – postulant qu'il est vrai parce qu'il doit être vrai… ! Les néo-darwinistes en prennent ainsi pour leur grade, qui « invoquent l'autorité de la science pour poser des jugements qui n'ont rien de scientifique ». L'auteur parle d'une « circularité de la pensée », qui ne s'ouvre à rien d'autre qu'elle-même, avec « toutes les caractéristiques d'une pensée dogmatique. »
Bastien évoque alors la théorie du Big Bang, qui sonne comme un désaveu du matérialisme, en ce sens qu'à la lumière de cette découverte, « l'univers ne peut pas rendre compte intégralement de son origine ». Ce qui amène au dessein intelligent, lequel affirme que l'ordre et la régularité de l'univers – dont la Terre fait partie ! – ont été « voulu(s) par une intelligence créatrice ». Pour étayer cette idée, l'auteur rappelle qu'aucun des scénarios de rechange imaginés par les physiciens au sujet de l'évolution de l'univers n'a jamais été viable en ce qui concerne la vie : « La modification la plus minuscule apportée aux constantes fondamentales supprimait entièrement l'apparition de la vie. » Aussi, postuler le hasard dans cette affaire semble, précisément, hasardeux…
Autre révélation de l'ouvrage – pour ceux qui auraient été un peu trop abreuvés d'anticléricalisme primaire ! –, la raison scientifique n'est pas étrangère au christianisme. Une raison qui habitait déjà le Moyen ge, contrairement à une idée trop répandue du contraire : « le Moyen ge ne s'est pas contenté de nous léguer un cadre institutionnel [les universités] pour la transmission et le développement du savoir. Il nous a aussi légué des principes ou présupposés métaphysiques qui sont indispensables à toute activité scientifique. »
En conclusion, une phrase résume, selon moi, le cheminement intellectuel de l'auteur : « Dans l'ordre de la foi, l'intelligence consent à quelque chose qu'elle ne voit pas clairement, mais qui n'est pas déraisonnable. La foi ne découle donc pas d'une démonstration rationnelle ; elle exige une intervention de la volonté ». L'omniprésence de la raison dans la foi est aussi l'occasion pour Bastien de mettre en garde contre le fidéisme, qui « non seulement nie la connaissance intellectuelle, mais conduit logiquement à la ruine de la foi proprement dite », explique l'Encyclopédie catholique dans sa version anglaise. Il convient donc de ne pas mettre dans le même panier l'Église catholique, qui s'est toujours occupée de science avec raison, et certaines dérives protestantes en provenance des États-Unis…
Dans tous les cas, il s'agit là d'une lecture aussi édifiante qu'instructive.
(Remerciements aux éditions Salvator pour le présent ouvrage et à Babelio)