Voici une belle histoire de langues ! Les « deux langues qui nous définissent » comme dit
Radu Bata. Ce recueil bilingue (français-roumain) de poésettes comporte le sous-titre « L'amour est une guerre douce » („Dragostea e un război blând”).
J'aime beaucoup cette disposition en deux moitiés égales et « renversées » au contenu « renversant » !
Radu Bata traduit lui-même du roumain vers le français, parfois du français vers le roumain (si je ne me trompe pas) ses vers.
En guise de toute présentation, le « travailleur intermittent du mot et du rêve,
Radu Bata, qui a traversé le temps et L'Europe, le dictionnaire comme bâton de maréchal dans sa giberne » (p. 5), choisit de mettre le livre sous le patronage de
Mircea Cartarescu, dont la poésie est, hélas, moins connue en France. J'ouvre ici une parenthèse pour signaler que
Radu Bata a aussi écrit deux recueils de poésettes en roumain : „Cod galben cu peștișori roșii” et „Descheiat la vise”.
Pour commencer, le poète exprime sa « joie [qui] déborde » (p. 11), face à la liberté retrouvée. le « match décimal : france vs roumanie » ne semble plus avoir l'importance de jadis. L'aisance dans le maniement des mots rend la question « quel pays est plus fatal ? » caduque. Laissez, vous aussi, tomber « les bibelots » (p. 13) et suivez le poète qui vous montrera comment regarder « dans les yeux/ les fleurs de cerisier » !
J'ai pris beaucoup de plaisir à comparer les deux versions et j'ai aussi beaucoup appris de ce va-et-vient (amoureux) entre deux langues ! Embrassez qui vous voudrez, car « le baiser se lit sur les lèvres » (p. 86), mais surtout la vie, aussi absurde soit-elle !
La poésette éponyme (p. 105) dit très bien ce qu'est « être franco-roumain ». C'est un message d'espoir qui ne vous roule pas « dans la farine ».
De nombreux titres en anglais, comme pour faire de ce cercle linguistique amoureux un triangle vertueux.
Un dernier conseil « verse le pluie/ dans une imprimante 3D/ il en sortira/un arc-en-ciel […] ferme, [sage lecteur] tes yeux/ dans un livre de poésies/ et tu accoucheras/ d'un dieu » (p. 73).
Dans « de quel bois est fait le sexe » (p. 74), à partir d'une référence mythique à Roméo et Juliette, on a une superbe preuve de la présence pérenne roumaine dans la culture française. D'une simplicité parfois déconcertante, ces vers ne sont transparents qu'en apparence. Ou alors comme les vagues de la mer : ils charrient beaucoup de sens.
Ne vous privez pas de ce plaisir poétique innocent (quoique !).