La peur de dormir, la peur de se réveiller, la peur de l’eau qu’on boit ou qu’on ne boit pas, la peur de l’air vagabond, la peur des vêtements qu’on porte, la peur de manger. La peur de sortir. La peur de rester seul. La peur de croiser une femme. La peur de l’aimer. La peur de la peur. La peur, ce mot flottant et court, rêche, innommable. C’est le retour aux crânes.
Il faut donc vivre ici, où tout est renversé. Machiavel sourit dans la nuit : oui, la raison divise. Et le mal unifie. Dans la maladie, il n’y a plus qu’un seul monde. (p124)
J’ai choisi de donner vie au rêve de Michelet. « Ailleurs, sur les degrés de marbre de la grande chapelle, Machiavel trouve sous de longs vêtements une admirable veuve. Suit la description laborieuse, mythologique, de cette divinité. Cupidon, Vénus, les Hespérides, ne réchauffent pas tout cela. Moins froid le marbre funéraire où siège cette idole de mort. » (p212)
Des mains peignaient sur les portes d'immenses chiffres à l'encre noire. 11. 36. 4. Nombre de corps trouvés ici et convoyés jusqu'au bûcher. On brûlait ensuite les maisons. c'est la nouvelle règle : il faut achever nos morts
Il pense aux princes retranchés dans leurs palais, eux aussi tremblants, maîtres de leurs barriques de vinaigre avec quoi ils frottent leurs corps, leurs femmes, le sol, les viandes. On comptera bientôt les morts à Florence : par superstition, on s'arrêtera à trente mille. Au delà, c'est l'infini. C'est le démon.
Il récite des quatrains en dressant sa main vers le soleil éternellement identique. L’astre est sans envers. (p191)
C’est la peste encore : la science, l’alchimie, les lectures, l’histoire, les voyages, la lecture des livres cachés ne sauvent pas un homme. (p122)
(…) j’écris un roman sur la peur, la maladie, les rêves, le néant, un roman sur la pauvre science et la glorieuse astrologie. (p141)
Alors il se rappelle qu’autrefois, il glissait cet axiome aux rois et aux princes :
- il n’y a de place dans le monde que pour une seule idée. (p150)
Qu’est-ce qu’être libre ? Etre le seul regard. Ne plus peser le regard du monde. (p171)