La France, au XVIIIe siècle s'était affranchie de la domination ecclésiastique, de la domination monarchique; elle s'était humanisée et « repeuplée de nature » ; son art, de Watteau à David, l'avait reflétée toute entière. Si forte que fût son influence sur Genève, elle n'y déposa qu'en partie, quoique fît Voltaire, les ferments qui l'agitaient. Son scepticisme ne s’y propagea guère. Genève restait attachée à la foi nouvelle, avec une ardeur de néophyte; elle sentit néanmoins qu'il lui fallait, pour respirer, pour vivre, se tirer de la gangue dogmatique où l'avait enfermée Calvin.
Plus faible, plus seule, plus menacée que ses voisins, Genève fut aussi la plus privée d'art. Nous entendons la Genève d’avant la Réforme : La Genève impériale prise, comme entre l'enclume et le marteau, entre son évêque et son prince, usant des siècles d'énergie contre ces deux rapaces, leur disputant sa chair, son sang, et, proie redoutable, leur arrachant une première Charte, de premiers droits, mais si dénuée, si lasse de tant d'efforts, qu elle ne fut même pas capable d'orner ses églises....
Les Réfugiés, ceux d'Italie, ceux de France surtout, apportaient avec eux des idées nouvelles, de l'activité, des industries ; les Félix de Nîmes installaient des métiers à tisser; Thélusson, la passementerie à plusieurs navettes ; il se créait des fabriques d'indiennes, de cotonnades, des poteries, des tanneries ; et le Bourguignon Cusin, dès 1587, fondait des ateliers de joaillerie et d'horlogerie : premiers berceaux de l'art genevois.