Premier roman d'
Erica Bauermeister qui a longtemps enseigné la littérature à Washington,
L'école des saveurs est un récit plein d'espoir et de tendresse. Une cuisine raffinée comme baume sur le coeur.
L'école des saveurs
Le prologue nous dévoile la vocation de Lillian, persuadée qu'elle pourrait aider sa mère, par le biais de la cuisine, à émerger d'une dépression qui prend la forme d'une passion dévorante, presque maladive pour la lecture ! Pour Lillian en effet, chaque recette répond à un besoin affectif bien précis. « A douze ans, Lillian avait acquis la conviction qu'un vrai cuisinier, un cuisinier qui sait lire les coeurs et les épices, pouvait prévoir les réactions avant la première bouchée et influencer ainsi le déroulement d'un repas ou d'une soirée » (p. 19). Devenue adulte, elle dirige un restaurant à succès et un lundi par mois, donne des cours. Mais cette école des saveurs s'avère bien plus qu'un atelier de cuisine…
C'est un joli roman, à lire dans les moments de doute ou de fatigue pour se remonter le moral. Ou tout simplement par gourmandise ! « Quand Lillian passa [le zeste d'orange] contre sa râpe fine, il tomba en légers nuages sur le plan de travail avec des crissements âpres, exhalant une odeur d'arrière-boutique pleine de chocolat noir et de vieilles lettres d'amour, de fond de tiroir, de feuilles mortes, d'amandes, de sucre et de cannelle. » p. 33
J'ai adoré les descriptions de recettes, pleines de poésie ; les ingrédients sont comme les éléments d'un paysage et leur alchimie, un tableau : « du saumon, épais, ferme sous ses dents, et en-dessous une plage de haricots blancs parfaitement lisses » (p. 187). « Ajoute l'anis. Une si petite quantité d'épice moulue, dans le sachet que lui avait donné Abuelita. Qui reposait là, tranquille et discrète, couleur de sable mouillé. Lillian défit le lien du sachet et des volutes de réglisse et d'or chaud montèrent à ses narines en dansant, apportant avec elle des kilomètres de déserts lointains, un ciel sombre et sans étoiles, une nostalgie que Lillian sentit au fond de ses yeux et au bout de ses doigts. » (p. 33)
Mais la fraîcheur et l'écriture délicate du prologue cèdent peu à peu le pas à quelque chose de plus conventionnel : un roman choral un peu trop bref où on ne fait qu'effleurer la vie des protagonistes. Je sors un peu frustrée de cette lecture donc : j'aurais préféré partager plus longtemps le quotidien des personnages et surtout, voir plus d'interactions s'opérer entre eux au fil des cours de cuisine… Mais c'est juste un bémol : c'est tout de même une très belle lecture estivale… qui donne envie de se remettre aux fourneaux !