La mondialisation a enlevé à l'Etat les moyens et même l'envie de sauver son mariage avec la nation. (...) Ayant cédé l'essentiel de leur mission économique aux marchés internationaux, les Etats n'ont plus besoin d'en appeler à la ferveur patriote. Même le sentiment patriotique, jalousement entretenu par l'Etat-nation, s'est vu livré aux forces du marché et recyclé pour grossir les profits de l'industrie sportive, du divertissement et de la quincaillerie commémorative. A l'autre bout de la chaîne, ceux qui se cherchent une identité n'ont pas grand-chose à attendre du gouvernement, dont la souveraineté nationale, naguère incontestable et indivisible, est largement entamée.
L'Etat social n'a laissé derrière lui que la carcasse d'une "république" dépouillée de tous ses atours. (...) La signification de la "citoyenneté" a été vidée de son contenu, réel ou imaginé, et les institutions étatiques qui la rendaient crédible ont progressivement été démantelées. L'Etat-nation, nous l'avons vu, n'est plus le réceptacle naturel de la confiance populaire. La confiance a perdu le foyer qui l'avait abritée pendant la plus grande partie de l'époque moderne. Elle erre en quête de nouveaux points d'ancrage, mais jusqu'à présent aucune des alternative proposées n'a su remplacer la stabilité et l'apparente "naturalité" de ce havre qu'était l'Etat-nation.
Il fallut la lente désagrégation et l'usure du pouvoir des communautés rurales, accélérée par la révolution des transports, pour que l'identité apparaisse comme un problème à résoudre et , surtout, un devoir à accomplir.
On ne s'interroge pas sur son "identité" tant que "l'appartenance" coule de source et ne connaît pas d'alternative.
La notion d'identité est le produit d'une crise d'appartenance, d'un effort pour combler le fossé entre "devoir" et "être", plier la réalité aux critères posés par cette notion et la reconstruire à son image.
La modernité liquide, la vie en miettes, la vie dans le déplacement.