Un couple est au centre du récit, Charles et Carol. La classe moyenne américaine, du côté le plus bas de la classe. Cela commence dans un motel miteux dans lequel ils sont obligés de loger, faute d'argent, pour se rendre à Noël chez la mère de Charles, qui elle-même ne peut les loger faute de place. Charles, anxieux à l'idée de la grossesse de sa femme, n'étant pas certain de vouloir un enfant, s'échappe de la chambre et erre dans les environs du motel pour tromper son insomnie. Il assistera à un hold-up qui finira en tuerie, en réchappera, et devra vivre avec ce souvenir.
Cette scène de
violence se situe vers le premier tiers du roman, ce qui laisse au préalable une assez longue partie d'exposition, dans laquelle tout est mis en oeuvre pour donner une vision la plus réaliste possible, sur le plan social et socio-économique, de la situation. C'est justement ce qui frappe immédiatement à la lecture de ce roman, cette dimension réaliste, presque documentaire, et l'absence totale de poésie - qui frise malheureusement souvent le prosaïsme.
Galère financière des personnage, misère architecturale, insécurité, tout est réuni pour donner une vision misérable de l'Amérique, et non pas seulement sociale, mais psychologique. En un sens c'est la réussite de
Richard Bausch dans ce roman : montrer à quel point la misère sociale rend la vie intellectuelle, culturelle et affective des personnages pauvre -et sans issue. de ce fait, il ne faut pas s'attendre à des personnages d'une quelconque originalité : Carol, surtout, est d'une banalité à pleurer, et ses comportements et propos sont souvent stupides. Charles est englué dans son traumatisme et sa difficulté à parler mais n'a pas une vie intérieure bien passionnante non plus. Leurs parents et les personnages secondaires ont des comportements et des propos tout aussi pauvres et stéréotypés.
Le capitalisme américain tire les gens vers le bas socialement et intellectuellement, les rendant incapables de penser et de désirer autre chose que de prolonger leur vie végétative devant un écran de télé. Si le propos n'est pas inintéressant, la mise en oeuvre littéraire est parfois exaspérante, et paradoxalement, on se prend vite à détester ces personnages et à avoir envie que ça se termine vite. Certes, la critique sociale de l'Amérique est juste, mais l'effet critique sur la
violence est assez paradoxal car ces personnages sont tellement peu charismatiques et agaçants que l'on finit par être indifférent à l'idée que cela finisse dans un bain de sang (c'est une angoisse récurrente de Charles de devenir lui-même violent). Voire, vaguement, on se surprend à le souhaiter pour se débarrasser de tous ces personnages décérébrés...
Et puis, dans la dernière partie du roman,
Richard Bausch dénoue son intrigue en nous donnant les soubassements psychologiques de Charles. Et là, devant un tel étalage de clichés, on se dit que le manque d'intelligence des personnages n'est peut-être pas qu'une volonté narrative, mais peut-être le reflet de quelque chose qui relève de l'auteur lui-même. Fait surprenant, car j'ai le souvenir d'avoir beaucoup apprécié d'autres romans de l'auteur, notamment
Petite visite aux cannibales. Je ne recommande donc pas ce roman, mais j'invite les lecteurs curieux à explorer les romans plus récents de l'auteur.
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