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Critique de Lamifranz


Souvent dans l'esprit des lecteurs (et des lectrices, car les lectrices aussi ont de l'esprit, n'est-ce pas mes amies ?), le nom d'un auteur est associé invariablement à une oeuvre : c'est le cas pour Hervé Bazin, qui pour beaucoup reste l'auteur de « Vipère au poing ». C'est oublier bien vite qu'à côté de la trilogie de Folcoche (« Vipère au poing », « La Mort du petit cheval » et « Cri de la chouette ») il laisse une oeuvre importante, dense et riche, dans laquelle on trouve quelques pépites : « Lève-toi et marche » (1952), « L'huile sur le feu » (1954), « Qui j'ose aimer » (1956), « Au nom du fils « (1960), pour ne citer que les plus connus.
Avec « Lève-toi et marche » c'est un autre auteur que nous avons en face de nous. On sent encore un peu la révolte. Non plus la révolte haineuse de « Vipère au poing », mais celle, plus saine, plus légitime, d'une jeune fille de vingt ans, Constance Orglaise, qui au cours d'un bombardement pendant la guerre s'est retrouvée paralysée des membres inférieurs. le roman raconte une double évolution : celle de la maladie, insidieuse, qui peu à peu gagne tout le corps ; et celle, par réaction, de Constance qui, elle, affiche une volonté farouche et décide de vivre. Lucide, elle comprend sa situation et vit par procuration à travers les gens qui l'entourent.
Hervé Bazin se révèle ici un merveilleux scrutateur de l'âme humaine : qu'est-ce qui motive Constance ? le déni du handicap, le refus de l'inacceptable ? Certainement. Constance n'est pas quelqu'un qui accepte son sort avec résignation. Un réel souci de générosité et d'empathie ? Certainement aussi : peut-être dans d'autres circonstances, cet élan vers les autres ne se serait pas manifesté avec une telle intensité. Bazin dresse un magnifique portrait d'une jeune fille qui porte en elle un hymne à la vie, d'autant plus poignant que ce n'est pas un hymne à « sa » vie, qu'elle sait condamnée.
Tant qu'elle peut, c'est elle qui raconte l'histoire : tapant sur sa machine, puis dictant ses paroles et ses pensées, elle nous fait participer à la fois à son calvaire et à son élan d'altruisme. Vers la fin, lorsque la maladie a épuisé le corps (facilement), et l'âme et l'esprit de Constance (avec plus de difficulté face à la résistance de la jeune fille) le père Roquault prend la plume pour nous relater l'épilogue de cette vie exemplaire…
Et il fallait les mots d'Hervé Bazin dans la bouche ou sous les doigts de Constance pour nous faire toucher du doigt à la fois la souffrance et la volonté de cette jeune fille si peu banale
Décrire la souffrance, pour un auteur, ou une autrice, n'est pas chose facile, ça ne s'improvise pas : il faut y être passé, personnellement, ou par l'intermédiaire d'un proche. Ou alors, il faut avoir une grande empathie avec le malade. Hervé Bazin l'a, cette empathie, et nous la communique pleinement : nous nous prenons à aimer Constance, pour ses qualités et aussi pour ses défauts : c'est une forme d'orgueil qui la fait tenir et défier l'inéluctable, qui la fait refuser la pitié ou l'attendrissement, têtue comme une bourrique, elle affiche tour à tour un comportement enfantin et une maturité stupéfiante.
Au moment de fermer cette chronique sur ce beau roman, belle réussite de Hervé Bazin, je ne puis m'empêcher de songer à cette autre jeune fille, à peine plus jeune (15 ans) morte elle aussi après un long calvaire, c'était tout juste vingt-quatre ans auparavant, en 1928. Sabine Sicaud vécut le même drame, même si leur révolte, à toutes les deux, était différente : Sabine la traduisait en poèmes. Constance, plus âgée de cinq ans, la mettait en actes.
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