On connait peu, en France, la peinture expressionniste et la nouvelle objectivité. Peu de toiles dans les musées hexagonaux, donc, difficile de se faire une idée, si l'on ne va pas les voir outre-Rhin. L'oeuvre d'Otto Dix n'échappe pas à la règle. Donc, merci à la fondation Maegt d'avoir édité ce superbe catalogue de l'exposition de 1998 à Stuttgart.
Les textes d'introduction à l'oeuvre et à la vie du peintre sont vraiment très complets. On y apprend, que Dix, loin d'être le peintre de la première guerre mondiale comme il est souvent catalogué, a, en fait, abordé une multitudes de thèmes, en relation, avec les aléas de l'Histoire du XXème siècle.
Comme il le dit lui-même, il se voit plus en reporter qu'en peintre et considère ses toiles comme la représentation de la réalité. de la première guerre mondiale, qui l'a profondément affecté, et ensuite sa mise au ban comme artiste "dégénéré" par le régime nazi , il a du s'adapter dans les années 30 en peignant les paysages entourant le lac de Constance où il s'était retiré avec sa famille. On n'oubliera pas ses portraits au vitriol des milieux petit-bourgeois , et des déclassés de la société de Weimar.
Il se revendiquait des peintres de la Renaissance allemande comme Cranach, Altdorfer, ou encore Baldung Grien. Concernant la technique, il a tout essayé, de la peinture sur papier pendant la guerre aux techniques médiévales sur bois pour ses portraits, sans compter ses innombrables dessins. Influencé à ses débuts par les expressionnistes, les futuristes, les cubistes et l'avant-garde russe, il s'en est peu à peu éloigné pour être considéré comme un des précurseurs avec Georges Grosz, de cette Nouvelle Objectivité Allemande, mouvement représentatif de la société allemande sous la République de Weimar.
Ce catalogue nous offre également une centaine de reproductions d'une excellente tenue, couvrant toute son oeuvre, ainsi que de nombreux croquis et dessins. Ma préférence va à ses toiles des années 20 où il peint la misère humaine dans les bouges et les bordels et les extravagances de la société bourgeoise qui frôlent la caricature. On est alors pas si loin d'un Toulouse Lautrec, mais sans l'humanisme que l'on sent chez le peintre français. D'ailleurs, certaines toiles de Dix peuvent, j'en conviens, paraître choquantes à certains par leur crudité.
C'est donc un ouvrage très précieux, que je compulse fréquemment, pour ne pas oublier les profondes injustices et incohérences de l'humanité, en alternance, cependant, avec les livres de Mathieu Ricard ou Jung-Mok.
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Vénus, ici, invite à la mort, non plus aux délices de la vie. Quant à l'incendie, enfin, qui rougeoie à l'extérieur, le sens en parait clair. Il marque le moment où l'allégorie de la mélancolie cesse de signifier le destin singulier d'un individu pour s'abolir dans le drame d'un destin collectif. Otto Dix peint ce tableau au moment même où, à la faveur de la crise économique, de l'effondrement du mark et de la montée du chômage qui atteint quatre millions de jeunes travailleurs, le parti nazi, qui, en 1930, devient le second parti d’Allemagne, va entraîner à brève échéance la chute de la république de Weimar. C'est tout un monde, en réalité, qui sombre dans cet incendie, par-delà la mélancolie singulière d'une sorcière inassouvie.
Jean Clair, à propos du tableau "Mélancolie" 1930.
A la manière d'un reporter et avec une étonnante acuité, Dix analyse l'univers sordide des maisons closes. Il peint les choses telles qu'elles sont, sans porter de jugement moral sur ce qu'il voit, mais en répertorie les principaux aspects.