A regarder avec attention la photo de
Joaquín Belda, on ne l'imagine guère en train d'écrire
La Coquito, ce roman que l'on prétend autobiographique, ou pour le moins biographique, en tous les cas carrément érotique, à la limite de la bienséance.
Mais qui, aujourd'hui, peut encore se targuer de bienséance.
Ce livre que j'ai acheté à sa parution chez Flammarion en 1986, je ne me suis jamais résolu à le vendre ou à le donner, encore moins à m'en servir pour allumer ma cheminée, cédant à une folie montalbanienne ou carvalhienne que je n'ai jamais véritablement comprise.
Si d'aventures vous le lisez, sautez (sic) la préface intitulée La métaphore érotique :
Joaquín Belda, malgré la signature de
Juan Goytisolo....Vous y apprendrez certes que l'auteur s'est faufilé (resic) dans l'interstice du relatif relâchement de la censure sous Alphonse XIII (1886-1941) pour "cultiver avec talent" (vous remarquerez qu'en général on cultive toujours avec talent) le roman dit érotique. En l'occurrence
La Coquito n'est pas seulement "dit érotique" !
Madrid, avant ou pendant la première guerre mondiale.
Le Nouveau Salon est une salle de spectacle burlesque, au sens espagnol du terme - burlarse veut dire se moquer -
La vedette, le clou de cette salle de spectacle est une danseuse,
La Coquito (Adela de son prénom), qui après ses prestations fait commerce de ses charmes (si on cultive avec talent, on fait commerce de ses charmes).
Sa mère biologique, Doña Micaela, est aussi sa mère maquerelle.
"- Comme pour vous ça ne changera rien, je suis venue vous dire que si vous les avez avec vous, je préfèrerais que vous me les donniez maintenant.
- Les quoi ?
(...)
- Les mille pesetas !
De l'angle de la pièce où s'était réfugiée Adela, jaillit un cri de protestation.
- Maman !
- Quoi, ma fille ? Je dois faire les comptes de ce mois-ci avant de me coucher...Monsieur aussi, je pense ?
- Absolument."
Le héros et narrateur Julito, Julio Gonzalez, un étudiant pauvre (les étudiants sont toujours pauvres), se meurt d'amour pour
La Coquito.
"Devant cette éblouissante vision, le fleuve vital" (de Julito inonde) "les campagnes musculeuses de ses cuisses" (Sic)
Le jeune homme parvient à ses fins. Non sans dommage. le talent de Belda réside dans son art de l'évocation de la relation torride entre Adela Porales et Julio Gonzalez. Aucune description crue. Des "circonlocutions sinueuses" selon Goytisolo. Jugez vous-mêmes :
"Avec timidité, comme quelqu'un qui craint de commettre un sacrilège, il ouvrit en tremblant le déshabillé et contempla le paysage. La plume de
Victor Hugo peut nous mettre sous les yeux, comme si nous y étions,
Notre-Dame de Paris ; mais ni lui ni nous ne pouvons tenter ne serait-ce que de suggérer au lecteur le spectacle rayonnant de cette porte chaude à côtés de laquelle le défilé des Thermopyles ressemble à la rue de Alcalá aux abords de la Cybèle."
(...)
"Regardant plus attentivement, fouillant plus bas encore, on découvrait un petit chenal subtil qui courait tel un ru au milieu des montagnes..."
La nuit fut longue pour Julito et
La Coquito :
"Et sentant en son ventre les traces d'un oxygénation bénéfique, il ne put rien faire d'autre que de répéter toujours la même phrase :
- Oui, cette nuit était ensorcelée !"
Ensorcelée à tel point qu'elle ne pourra plus se reproduire. Au petit matin : "(...) enfoncés qu'ils étaient dans une espèce de léthargie produite par la fatigue de la nuit et la lassitude qui suit toujours le plaisir. En descendant de la voiture, ils s'étaient quittés sur un "à bientôt" et une poignée de main qui ressemblait en fait à des adieux.
La Coquito, peut-elle être la femme d'un seul homme ?
C'est la curieuse leçon administrée à Julito : son amour pour
La Coquito, ne peut être que celui d'une seule et unique nuit.
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