- Quand je pense à cet hôtel, j'ai l'impression de mourir au-dessus de mes moyens...
- Tu charries, Louis. Celle-là, elle n'est pas de toi mais de Wilson Mizner, un scénariste hollywoodien.
Silence.
Sa main s'ouvre lentement et perd de sa force.
- Faux. Elle est d'Oscar Wilde. je suis bien obligé de piquer une dernière réplique. Je n'ai rien trouvé de bien...
Pendant quelques instants, je me mets à rêver d'une langue sans voiles et sans fard. Une langue interdite aux courtisans et aux patelins.
- Au lieu de noyer le poisson dans un flot de palabre, dis-je, il suffirait de quatre phrases très précises et très sincères pour dire exactement ce qu'on pense.
- Ce serait la fin du monde.
Mathilde a sans doute raison, mais une chose est sûre: la sincérité est bien plus amusante que la fourberie.
- Juste quatre phrases...
- Quatre phrases nues.
“Mais le bonheur, c'est connu, ne songe qu'à fuir dès qu'il entend son nom.”
“Le lancer du boomerang est un geste très sensuel et une superbe parabole de la solitude.”
L'adultère est la part brûlante des couples comme l'enfer est celle d'une bibliothèque.
Tu te souviens de toutes les divagations qui nous traversaient la tète, les films qu’on n’écrirait jamais, les idées les plus inavouables, les dialogues les plus absurdes, les répliques les plus gonflées, tout ce qu’on n’oserait jamais montrer à des producteurs. J’avais la fâcheuse habitude de tout noter au lieu de laisser s’envoler tout ça dans la légèreté du moment. 20 années de films perdus sont consignées dans ce cahier. Des répliques qu’aucun acteur n’a jamais prononcé, et des idées, en pagaille, des idées qui nous vaudraient directement la prison si on les divulguait. Je t’en fais cadeau
(Louis, qui meurt, à Marco).
Pour qui se prennent ils ces acteurs ? Avant de rencontrer leur rôle, ils n’étaient rien. Et voila que maintenant, ils réclament leur légitimité, leur retour à la normale.
Quand le réel vous largue en cours de route comment garder la distance avec la fiction ?
Louis veut bien admettre que certains sont doués pour trouver les mots et d’autres pour les dire, mais il n’a jamais compris pourquoi on vénérait les uns et on oubliait les autres.
La saga est morte. Mieux valait qu’elle meure de nos mains plutôt que de la voir vivre entre celles de Séguret.