La liberté, dans la société libérale, consiste essentiellement en un débridement des pulsions instinctives, non en vue de les sublimer, mais en vue de les perpétuer dans le champ économique, sous la forme du cycle indéfini production – consommation – génération – corruption – conservation – destruction – etc. Ici, l’homme est affecté d’une telle passivité, face au mirage techno-industriel, qu’il devient à la limite le substratum nourricier de la démonie économique. Toute sa « liberté » consiste, en permanence, le marketing et la publicité aidant, à réclamer de nouveaux stupéfiants pour ne pas affronter l’existence sans signification que lui a inoculée la pratique humaniste. Le dernier et grossier avatar de cette soi-disant liberté d’expression, c’est le droit pathologique au blasphème.
A l’extérieur, la démocratie libérale, soucieuse du seul profit, s’assure les sources d’approvisionnement en matières premières et les marchés où sa production doit être impérativement écoulée. En général, cette politique s’opère au prix de la promotion ou du maintien de régimes fantoches, qu’elle gave ou qu’elle destitue, dès qu’ils deviennent trop compromettants, quitte à ce que, pour amuser la galerie politique et populaire, on invoque « l’impératif démocratique » ou le prétexte éculé de « sauver les vies humaines ». La même nécessité du profit, qui maintient ainsi des collectivités entières sous surveillance, se traduit souvent par des destructions massives de la production, pour éviter l’effondrement des cours, même si en même temps des millions d’hommes souffrent et meurent de maladie et de faim. (pp. 165-167)
Derrière les slogans à crédulité égalitaire et émancipatrice, servis par le rationalisme et l'illuminisme politique, la révolution française œuvre de la cupidité marchande, s'est servi efficacement du peuple comme tremplin pour asseoir au grand jour la république des marchands. La révolution française n'est pas un acte d'émancipation de l'homme, c'est l'une des modalités de son aliénation à l'économie.