Là règnent des lois différentes, les corps n'ont pas le même poids, les rapports et les valeurs sont autres.
Mais le principal coupable , celui qui a empêché depuis toujours le pays d'évoluer vers un régime parlementaire, celui qui n'a pas permis aux cadets ni aux socialistes de s'initier aux affaires de l'Etat, qui n'a fait que déshonorer son peuple pendant vingt trois ans, estimant qu'il lui a suffi de réciter , le jour de son couronnement, la prière de l'Oint du Seigneur pour le devenir réellement, cet homme-là n'a en rien expié ses forfaits en mourant comme un soi-disant martyr. L'idée que la mort d'un individu puisse effacer les erreurs de sa vie est un préjugé sentimental. La mort ne peut pas racheter la vie, elle en est une partie intégrante.
Mais peu à peu je compris que les gens normaux étaient infiniment olus intéressants que les "originaux", qui en fin de compte ne sont pas si libres que ça et dont les conflits avec l'environnement sont souvent stéréotypés.
Tant qu'il y avait eu des ministres communistes, les émigrés n'avaient pas reçu l'autorisation de faire paraître un journal.
Moi, je sais fort bien que je ne peux pas me prendre éternellement au sérieux. (...)
Seul le renoncement au sentiment de mon importance me donne la possibilité de développer des aspects inattendus de ma personnalité et la liberté de me transformer au cours de cette vie qui passe si vite. J'ai appris à sourire : je suis sortie de la tragédie de ma jeunesse pour entrer dans une maturité qui porte la marque de l'humour.
Dans un État réactionnaire, on dit à l'individu : « Ne fais pas ceci. » et la censure lui ordonne : « N'écris pas cela. » Dans un État totalitaire, on lui dit : « Fais ceci, écris comme cela. » Voilà toute la différence.
J'ai toujours éprouvé un profond dégoût à l'égard de quelque « culte » que ce soit. Le fanatisme, sous toutes ses formes, m'apparaît comme le trait humain le plus terrifiant, le plus humiliant, le plus néfaste et provoque invariablement en moi une sensation de nausée.
Les années 1920-1930 étaient une période pleine de menaces. Sur la carte de l'Europe, il y avait l'Angleterre, la France, l'Allemagne et la Russie. La première était dirigée par des imbéciles, la deuxième par des cadavres ambulants, la troisième par des scélérats et la quatrième par des scélérats et des bureaucrates.
Gorki était quelqu'un qu'il fallait laisser parler jusqu'au bout sans l'interrompre. Il ne considérait peut-être pas ses opinions comme infaillibles, mais il ne voulait pas les réviser, et probablement, il ne le pouvait plus. On bouge un coin de l'édifice et tout le reste s'écroule; alors, on préfère ne pas y toucher.
On parle souvent du gouffre qui sépare l'intelligentsia russe du peuple; il s'agit en réalité d'une relation entre les deux moitiés d'un tout, dont l'une se sentait toujours fatalement coupable envers l'autre. Il n'aurait pas fallu aller au-devant du peuple pour lui demander pardon, mais construire des chemins de fer, vacciner contre la variole et généraliser l'instruction.