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Lydia Chweitzer (Traducteur)
EAN : 9782330189440
112 pages
Actes Sud (03/04/2024)
3.61/5   560 notes
Résumé :
Pétersbourg, 1919. La neige. Le silence. Le froid et la faim. Les pieds qu'on n'a pas lavés depuis un mois. Les fenêtres bouchées avec des chiffons... J'entre dans l'immeuble. Il fait chaud ! Des tapis, des rideaux, un coffret de cigarettes précieuses. Un chat bleu fumé. Et une femme. Belle, grande, robuste. Des cheveux noirs bien coiffés. Le visage rond et beau, les yeux noirs. Tout en elle dit l'équilibre mystérieux, beau et triomphant. Elle chante et je serai son... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (60) Voir plus Ajouter une critique
3,61

sur 560 notes
Je viens de relire ce livre lu il y a quelques décades et que j'avais beaucoup aimé.J'avais beaucoup oublié mais le plaisir est à nouveau pleinement au rendez-vous !

le roman nous est présenté comme un carnet, un journal intime, retrouvé chez un brocanteur et ayant appartenu à une femme décédée.
il relate avec beaucoup de sensibilité la relation entre Sonechka, une jeune fille terne, laide, pauvre, batarde, fille d'une professeur de piano, et Maria Nikolaevna, une soprano à qui tout est donné : la beauté, la richesse, le talent, la gloire..
La rencontre avec la cantatrice la sort de la misère et de la famine, mais lui fait découvrir le fossé qui les sépare. Elle a, vis-à-vis de son employeur, tout à la fois de l'admiration et de la haine. Elle s'insurge contre cette inégalité, est jalouse et rumine sa vengeance, elle veut découvrir les failles chez Maria Nikolaevna, d'emblée elle la soupçonne infidélité et va tout faire pour le prouver.
Son combat s'avérera finalement vain.

Ce que j'admire dans ce roman, de Nina Berberova, c'‘est la délicatesse avec laquelle tout nous est raconté. le style est absolument remarquable, tout est relaté par petites touches, il y a de très beaux passages sur la musique. Je dois certainement associer la traductrice, Lydia Chweitzer, à cet hommage.
Tout paraît simple au départ, mais au fur et à mesure du récit, le portrait de la jeune fille dressé par elle-même se précise avec ses sentiments complexes, ses attentes, sa faible estime de soi, sa rancoeur, ses ressentiments, sa jalousie, et sa haine de plus en plus présente.
Des petites touches nous rappellent que le récit commence en Russie au moment de la révolution d'octobre, la famine qui régnait à Saint Petersbourg, les Russes qui fuient leur pays, et les exigences des autorités.

Je suis heureux de l'avoir relu.
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Sonetchka porte sa bâtardise comme un fardeau, comme une malédiction. « Je compris que maman était ma honte, de même que j'étais la sienne. Et que toute notre vie était une irréparable honte. » (p. 13) Au début du vingtième siècle, les deux femmes vivent chichement dans un petit appartement, donnant quelques leçons de piano qui ne leur rapportent que de maigres émoluments. Tout change pour Sonetchka quand Maria Nikolaevna Travina, cantatrice au succès grandissant, l'engage pour être son accompagnatrice. « Je sentais que c'était la vie qui s'élançait vers moi, et que je me précipitais vers elle, en cet inconnu velouté. » (p. 47)

La terne Sonetchka entre alors dans l'intimité de la lumineuse Maria Nikolaevna, à tel point qu'elle partage le quotidien du couple Travine et qu'elle soupçonne rapidement que la belle chanteuse a un amant. Entre fascination et jalousie, la jeune pianiste s'attache inexorablement à Maria Nikolaevna et la suit quand elle décide de fuir Pétersbourg avec son mari, au début de la révolution d'octobre. de Moscou à Paris, la pauvre bâtarde se heurte aux fastes d'une bourgeoisie où elle n'a pas sa place et dont elle veut se venger. « J'avais découvert le point faible de Maria Nikolaevna, je savais de quel côté j'allais la frapper. Et pourquoi ? Mais parce qu'elle était unique, et des pareilles à moi il y en avait des milliers, parce que les robes qui l'avaient tellement embellie et qu'on retaillait pour moi ne m'allaient pas, parce qu'elle ne savait pas ce que sont la misère et la honte, parce qu'elle aime et que moi, je ne comprends même pas ce que c'est. » (p. 74) La fin de la collaboration entre Sonetchka et Maria Nikolaevna sera tragique, comme dans les meilleurs romans russes, mais la victime n'est peut-être pas celle que l'on attend.

Ce roman est presque une nouvelle tant sa concision et sa précision frappent au coeur. Dans ce journal de femme, on découvre des scènes qui, entre esquisses et ellipses, dessinent une géographie intime tourmentée. le plus important dans cette confession réside dans tout ce qui n'est pas dit, mais deviné. Voici le premier roman de Nina Berberova que je lis. Désormais, il me faut continuer pour retrouver cette plume exceptionnelle.
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J'ai choisi ce livre par hasard à la librairie. Enfin, un hasard dirigé par ma participation aux challenges « littérature slave » et « musique » et par le fait que je connaissais l'existence d'un film du même nom.

Quelle histoire pathétique ! le fond d'écran historique rayonne déjà ses ondes négatives sur la situation des personnages : la Russie qui est entrée en Révolution, et qui, semble-t-il, n'a pas apporté l'abondance et le bonheur espéré suite à la chute des aristocrates. Mais ce rayonnement traverse nos personnages presque sans les atteindre. Leur vie de salon, de concerts et d'affaires semble insensible. Pour la poursuivre, il suffit de s'exiler à Paris.

Ce rayonnement n'affecte guère non plus les interactions entre la cantatrice Maria Nikolaevna et son accompagnatrice au piano, la narratrice Sonetchka. Celles-ci évoluent en dehors du temps. Les sentiments de Sonetchka sont vraiment ambigus, bipolaires : une admiration mêlée de jalousie, la difficulté de plus en plus insupportable de se sentir invisible, de n'être que l'ombre de l'ombre de Maria. Ces sentiments poussent Sonetchka à espionner sa « bienfaitrice », à essayer de découvrir son secret, et à trouver le moyen de casser quelque chose dans sa vie, en bien ou en mal peu importe, simplement pouvoir influencer, pour exister.

Je suis toujours un peu surpris par la saveur d'une traduction du Russe, qui répète sans cesse les prénoms et noms des personnages, qui utilise des mots là où on ne les attend pas – comme ce « je vous en supplie » que prononce Maria pour ordonner une simple action à Sonetchka. Cette saveur maintient l'exotisme, un exotisme du Grand Est froid.

L'histoire de Nina Berberova, l'auteure, a certainement largement influencé l'écriture de ce texte. Relatée dans le cadre du dossier de cet « Étonnant Classique », elle apporte un angle de vue appréciable à la lecture.
Deux histoires à découvrir.
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La ville de N, en 1919, dans la Russie passée sous le régime communiste. La vie est difficile pour Sonia dix-neuf ans et sa mère professeure de piano qui n'a conservé que de rares élèves. C'est d'ailleurs Mitenka, un de ses élèves et compositeur original qui propose à Sonia de devenir accompagnatrice piano de Maria Nikolaevna, une cantatrice de dix ans son aînée, mariée à Pavel Fedorovitch. La jeune Sonia accepte de quitter sa mère et suit Maria à St Petersbourg pour y emménager chez le couple. Commence pour la jeune accompagnatrice, au physique disgracieux et le plus souvent passant inaperçue, un sentiment de jalousie et d'envie jusqu'à quelquefois la détestation dans l'intimité de la cantatrice et des hommes qu'elle côtoie.

Une analyse psychologique très fine d'une jeune fille qui doit constamment s'effacer, d'abord derrière sa mère, puis derrière la cantatrice dont elle est l'accompagnatrice et qui attire toute la lumière par sa beauté, son charisme et sa voix. Difficile donc pour Sonia D exister et de s'épanouir, reste donc l'envie d'un autre destin et surtout épier la vie et les relations de la jeune chanteuse pour y déceler les failles et les vices pour la rendre vulnérable et avoir sur elle une certaine emprise.
Un portrait fin mais terrifiant et assez triste d'une jeune femme intelligente mais disgracieuse, qui vit par procuration, sans vraiment l'assumer.
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Je ne savais rien de ce roman avant de l'entamer. C'est ça les challenges. Ça nous fait, quelques fois, découvrir des oeuvres qu'on ne connaît pas, des auteurs dont nous n'avions pas connaissance. Je me suis laissé porter par la plume. Et j'ai plongé dans une écriture inconnue. Une belle découverte que ce court roman. Une oeuvre habitée par la musique, par les notes… le personnage principal est musicienne et se fait engager comme accompagnatrice. Elle sublimera donc, par son piano, la ‘'vedette''. Et peu à peu, une étrange relation se tissera entre les deux femmes. Une relation complexe, pleine de non-dits, ambivalente. Et l'autrice sublime aussi son personnage principal, qui est, tel que décrit, quelqu'un qui n'attire pas la lumière de prime abord. Une écriture fluide, efficace, douce, mélodieuse. Une très belle lecture.
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Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
C'est aujourd'hui le premier anniversaire de la mort de Maman. Plusieurs fois, à voix haute, j'ai prononcé ce mot: mes lèvres en avaient perdu l'habitude. C'était bizarre et agréable. C'est passé ensuite. Certaines personnes appellent "maman" leur belle-mère, d'autres désignent ainsi la mère de leur mari; un jour, j'ai entendu un monsieur d'un certain âge appeler "petite maman" sa femme, qui était d'une dizaine d'années plus jeune que lui. Je n'ai eu qu'une seule maman et je n'en aurai jamais d'autre. Elle s'appelait Catherina Vassilievna Antonovskaya. Elle avait trente-sept ans quand je suis née, et je fus son premier et unique enfant.
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Il y a des gens comme ça. Ils ont en eux une espèce de magnificence. Près d'eux, on a peur un peu. Il est rare qu'on puisse les modifier, les rendre infirmes. Un être heureux, il vit comme au-dessus de tous les autres (et les écrase un peu, bien entendu). Et cela, on n'a même pas à le lui pardonner, parce qu'il l'a comme on a la santé, ou la beauté.
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Le chanteur était un baryton assez connu autrefois. A présent, il approchait des soixante-dix ans, il sentait le tabac gris et la cave, ses mains étaient noires d'avoir fendu du bois et travaillé à la cuisine. il maigrissait tellement que, de mois en mois, ses vêtements pendaient plus bas, aux genous et aux coudes ils devenaient plus clairs, leurs boutons se détachaient. Il ne se lavait jamais, se rasait de temps en temps le menton et la lèvre, et alors il se mettait tellement de talc qu'il saupoudrait tout autour de lui. Et j'avais l'impression que c'était le crépi qui tombait de lui comme d'un mur vétuste.
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Les premières phrases : C'est aujourd'hui le premier anniversaire de la mort de maman. Plusieurs fois, à voix haute, j'ai prononcé ce mot : mes lèvres en avaient perdu l'habitude. C'était bizarre et agréable. C'est passé ensuite. Certaines personnes appellent "maman" leur belle-mère, d'autres désignent ainsi la mère de leur mari ; un jour, j'ai entendu un monsieur d'un certain âge appeler "petite maman" sa femme, qui était d'une dizaine d'années plus jeune que lui. Je n'ai eu qu'une seule maman et je n'en aurai jamais d'autre. Elle s'appelait Catherina Vassilievna Antonovskaya. Elle avait trente-sept ans quand je suis née, et je fus son premier et unique enfant.
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Elle avait dix ans de plus que moi et, bien entendu, ne le cachait pas, parce qu’elle est belle, et moi pas. Elle est grande, elle a un corps sain et robuste, qui s’est développé naturellement et librement – moi, je suis petite, sèche, d’apparence maladive bien que je ne sois jamais malade. Elle a des cheveux noirs et lisses, coiffés en chignon sur la nuque – moi, j’ai les cheveux clairs, ternes, je les coupe et les fait friser tant bien que mal. Elle a le visage rond et beau, la bouche grande, le sourire d’un charme ineffable, les yeux noirs aux reflets verts, moi j’ai les yeux clairs, le visage triangulaire aux pommettes saillantes, les dents petites et espacées. Elle se déplace, elle parle, elle chante d’une manière si assurée, ses mains accompagnent ses paroles et ses mouvements d’une façon si calme, si égale, elle garde en elle une espèce de chaleur, d’étincelle – divine ou diabolique -, elle a le oui et le non précis. Autour de moi, je le sens, se forme parfois un brumeux nuage d’incertitude, d’indifférence, d’ennui, dans lequel je frémis comme un insecte de nuit frémit dans la lumière solaire avant de devenir aveugle ou de se figer.
(p. 32-33)
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Videos de Nina Berberova (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nina Berberova
Nina BERBEROVA – Documentaire ultime (France 3, 1992) Un documentaire en deux parties, intitulées "Le passeport rouge" et "Allègement du destin", réalisé par Dominique Rabourdin. Présence : Jean-José Marchand et Marie-Armelle Deguy.
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