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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ecrire sur ce texte est un vrai défi. On pourrait empiler les adjectifs : pamphlétaire, cogneur, affligé, révolté, ceci pour la forme ; humaniste, écologiste, incroyablement prophétique pour le fond. Bernanos s'érige en critique de la technique comme d'autres avant lui, tout en poussant le bouchon de manière originale et intuitive, à un point véritablement sidérant : la course aux bien matériels, l'abandon de tout esprit critique, l'abandon de la liberté vraie, c'est-à-dire l'asservissement de l'homme aux machines et aux gadgets, la mondialisation de l'économie, l'illusion de la vitesse, la maladie de la gestion, l'abandon des valeurs morales, la déresponsabilisation des individus (désormais éloignés des conséquences de leurs actes, qu'ils ne veulent plus voir de toute façon), et "cette forme abjecte de la Propagande qui s'appelle la Publicité"... Bernanos désigne dès 1945 les maux qui accablent la société occidentale de 2015, celle-là même qui sert à présent de modèle (clinquant) à une humanité qui est en passe de perdre tout repère à sa mesure, la pente étant inexorable, dramatiquement. On pourrait aussi empiler les citations... il faudrait alors recopier un quart de l'ouvrage.

Il faut, pour être juste, souligner également les quelques égarements de l'auteur qui peuvent très facilement être excusés, résultat d'un optimisme viscéral (la confiance dans les jeunes générations qui sauront démystifier les fausses idoles et recouvrer leur liberté d'hommes... chose que l'on attend toujours), ou bien du contrecoup subit au sortir des terribles horreurs de la 2e guerre mondiale. Il reste de ce magistral coup de gueule des imprécations édifiantes qui secouent mille fois plus que certain gentil opuscule nous exhortant à nous indigner avec un point d'exclamation.

Quelques unes, pour la route – rappelez-vous, écrites en 1945 :

* La plus redoutable des machines est la machine à bourrer les crânes, à liquéfier les cerveaux

* Etre informé de tout et condamné ainsi à ne rien comprendre, tel est le sort des imbéciles

* Qui de nous est sûr, non seulement de résister à tous les slogans, mais aussi à la tentation d'opposer un slogan à un autre ?

* L'état technique n'aura demain qu'un seul ennemi : "l'homme qui ne fait pas comme tout le monde" – ou encore : "l'homme qui a du temps à perdre" – ou plus simplement si vous voulez : "l'homme qui croit à autre chose qu'à la technique".

* Il y a 150 ans, tous ces marchands de coton de Manchester – Mecque du capitalisme universel – qui faisaient travailler dans leurs usines seize heures par jour des enfants de douze ans que les contremaitres devaient, la nuit venue, tenir éveillés à coup de baguette, couchaient tout de même avec la Bible sous leur oreiller. Lorsqu'il leur arrivait de penser à ces milliers de misérables que la spéculation sur les salaires condamnait à une mort lente et sure, ils se disaient qu'on ne peut rien contre les lois du déterminisme économique voulu par la Sainte Providence, et ils glorifiaient le bon Dieu qui les faisaient riches... Les marchands de coton de Manchester sont morts depuis longtemps, mais le monde moderne ne peut les renier, car ils l'ont engendré matériellement et spirituellement.

* Un jour on plongera dans la ruine du jour au lendemain des familles entières parce qu'à des milliers de kilomètres pourra être produite la même chose pour deux centimes de moins à la tonne.

* Nous n'assistons pas à la fin naturelle d'une grande civilisation humaine, mais à la naissance d'une civilisation inhumaine qui ne saurait s'établir que grâce à une vaste, à une immense, à une universelle stérilisation des hautes valeurs de la vie.
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Georges Bernanos (1888 - 1948) est sans doute l'un des plus grands écrivains du début du XXe siècle. Il fait partie de ces auteurs capables de nous transporter dans l'imaginaire, mais aussi de nous montrer la réalité telle qu'elle est. Son talent ne se limite pas au romanesque il sait aussi s'exprimer à la manière d'un philosophe ou d'un sociologue pour dénoncer les travers de ses contemporains. Grand lecteur De Balzac il mérite comme son modèle le qualificatif de visionnaire.

Dans son essai aux accents pamphlétaires « La France contre les robots » publié en 1947 et rédigé en 1944 au Brésil où il s'était volontairement exilé depuis 1938, Bernanos dénonce la société industrielle et l'état totalitaire. Il fait l'apologie de la liberté et dresse un portrait au vitriol de l'état du monde. Cependant il ne sombre pas dans le pessimiste et tente surtout de réveiller les consciences.

D'abord royaliste, un temps attiré par les politiques de droite, attaché aux valeurs traditionnelles et chrétiennes, il s'engage dans la Première Guerre mondiale et se trouve confronté à la misère humaine, à l'injustice et à la bêtise des hommes qui nous gouverne et du troupeau qui les suivent. Il n'hésite pas à employer à plusieurs reprises le terme d'imbécile pour tous ceux qui se laissent asservir par la pensée dominante et le besoin d'obéir aux ordres et aux règles imposées par une minorité. « La bêtise m'apparaît de plus en plus comme la cause première et principale de la corruption des Nations. La seconde c'est l'avarice. L'ambition des dictateurs ne vient qu'un troisième rang ». Page 101. Une civilisation dit-il, a toujours été une sorte de compromis entre le pouvoir de l'état et la liberté de l'individu.

Bernanos est un grand humaniste, dans son essai il fait une violente critique de la société industrielle. Il y estime que le machinisme limite la liberté des hommes et perturbe leur mode de pensée. Il s'insurge contre la libre entreprise qui devrait conduire au bonheur alors qu'au contraire il n'y a rien à gagner à satisfaire les besoins toujours croissants de biens matériels et de machines en tout genre. Il prédit une révolte de la jeunesse contre une société trop matérialiste. Et ce livre rédigé il y a plus de 70 ans pourrait avoir été écrit aujourd'hui.

Sa diatribe contre la société industrielle et ses « machines » fait penser à un autre humaniste, Georges Duhamel qui disait en 1933 « Je ne me défie pas de la machine, que je regarde avec curiosité sur son socle et sous sa verrière. Je me défie de la machine qui est en moi. » Bernanos est parfaitement en phase avec cette idée lorsqu'il écrit : « Je n'ai pas la prétention de condamner les machines, je ne crois nullement que l'invention de la roue, du gouvernail, de la boussole, ait marqué un recul de la civilisation. J'estime au contraire que la machine devrait être bienfaisante, libératrice… Si le monde est menacé de mourir de sa machinerie, c'est que l'homme moderne demande aux machines, non pas de l'aider à surmonter la vie, mais à l'esquiver, à la tourner, comme on tourne un obstacle trop rude... ». Page 133-134. « ...Non, le danger n'est pas dans les machines, car il n'y a d'autre danger pour l'homme que l'homme même. le danger est dans l'homme que cette civilisation s'efforce en ce moment de former ». Page 182.

Bernanos n'est plus guère lu de nos jours, il reste un écrivain de grand talent aux pensées prémonitoires. Son livre « La France contre les robots » mérite d'être aujourd'hui revisité même si dans l'expression de sa pensée philosophique Bernanos manque parfois de clarté laissant la forme l'emporter sur le fond.

L'ouvrage est complété par des notes et des textes inédits (conférences et correspondances).

— « La France contre les robots », Georges Bernanos, La Castor Astral (2017), 262 pages.
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J'apprécie bien davantage, apparemment, Bernanos essayiste que romancier : dans les deux fictions que j'ai lues de lui, le style volontairement alangui, d'une profondeur affectée et douteuse, ce long style de vent d'hiver attrapant d'assez lugubres sifflements de rocher, avait le défaut de mettre sans grands motifs la patience du lecteur à l'épreuve, au point de réaliser une sorte de littérature de la contemplation du vide, où nulle action n'a lieu, où il faut avoir la vigilance de mirer de l'air au lieu de phénomènes tangibles même de nature psychologique au sens large, au point qu'on s'interroge si l'on peut réellement trouver de la matière à cette sorte d'ouvrage ou bien si l'on ne fait perpétuellement qu'y trouver ce qu'on y cherche – tendance banale des critiques universitaires désoeuvrés et en mal d'admirations.
Or, ce style pseudo-sage de la temporisation, pour ne pas écrire : de la dissimulation, ne se rencontre point dans cet essai enlevé à la Charles Péguy où le mot vaillant accuse sans crainte d'inimitiés ni de solitude, n'hésitant pas à interpeller bravement le lecteur pour le blesser de son insuffisance. C'est tout le système de la société moderne, de la société des irresponsables, de la société de la disproportion mécanique et de l'absence de conscience, que Bernanos questionne et condamne, comparant les siècles entre eux et insistant notamment sur la mentalité que de vastes périodes ont traduite, étude pourtant qui n'est peut-être pas d'une impartialité absolue s'agissant d'un écrivain chrétien et paraissant à maints égards monarchiste. Ce que la machine induit, c'est l'esprit de négligence, c'est le renoncement foncier à la liberté – en quoi l'on discerne dans ce livre une étonnante analogie avec Péguy qui, lui aussi dans Ma jeunesse, expliquait que le sens du mot liberté s'est tellement galvaudé dans les esprits qu'il n'en reste plus qu'un concept ou qu'une notion intellectuelle fort éloignée du sentiment poignant de liberté autrefois installé et vissé en l'âme comme un point d'honneur et qui n'aurait pas toléré, par exemple, une atteinte aussi grave que le principe de la conscription –, c'est le mal démultiplié en série en favorisant chez l'homme l'impression d'une obéissance servile et d'une innocuité, c'est l'imbécillité générale que soutient le temps du confort et du divertissement, et c'est la permission (la permissivité ?) offerte par la démocratie à chacun de vaquer à ses occupations d'insignifiance sans assumer le moindrement sa part de réflexion et de culpabilité au sein de ce système déshumanisant, indigne et ignoble : la contemporanéité des robots, c'est l'immonde qui devient monde. le propos de l'ouvrage saurait à peu près se résumer à : la démultiplication des moyens d'action dans la société contemporaine conduit à la disparition de l'homme en tant qu'acte. En ce sens, le robot n'est pas seulement en France, il est le Français même, la machine ayant contaminé de son morne esprit d'outil son utilisateur changé lui-même, jusque dans sa conscience, en moyen – moyen de production, moyen au service d'une autorité, moyen au profit d'intérêts mesquins et d'un ordre « industriel ». La France contre les robots est la relation consternée de cette évolution, de cette régression, de cette décadence, où la forme mentale du contemporain, constituée avant la seconde guerre mondiale tout juste terminée au moment de la publication, se prolonge, se cristallise et se revendique, où une race d'individu autrefois imprégnée d'une certaine morale s'incarne successivement en citoyen, puis en bourgeois, puis en fonctionnaire, où plus rien n'importe autant que l'abandon de ses efforts et la défausse de sa responsabilité, où la multitude démocratique constitue un prétexte homogène pour l'oubli de toute casuistique, et où enfin plus rien ne relève tant de la volonté d'une âme (si ce terme-ci n'est pas encore galvaudé) que de la réponse automatisée à une émanation mécanique, à une omniprésence de rouage qui a pour excuse et pour fatalité ce qu'on appelle « le progrès ».
Bernanos excelle, c'est à renverser certains paradigmes que la société du progrès justement, celle qui considère la chronologie des siècles comme une pente inexorable vers où nous sommes, vers tous ces penchants uniformes où nous sommes rendus et qui semblent, du point de vue d'une basse paresse et d'un opportunisme piètre, destinés à se poursuivre que nous le souhaitions ou non, celle qui admet en substance que tout ce qui advient est nécessaire selon l'ordre invincible et inopposable des inclinations humaines, a établi comme un catéchisme ou comme une propagande par souci de bienheureuse et inactive symbiose, professant seulement : « Contentez-vous de prévoir ce que vous ne pouvez empêcher, avancez-vous dans l'acceptation d'une telle destinée collective, ou bien résignez-vous avec le plus de bonheur possible ! » Ainsi l'écrivain multiple-t-il les remises en cause des naïvetés de la doxa, affirmant que le moyen âge en France, grâce à l'équilibre du pouvoir de parlements et de conseils multiples et indépendants, ne consistait pas tant qu'on veut nous le faire croire en une époque d'oppression et de tyrannie – je fus, je l'avoue, effaré de constater l'existence de ces parlements dont on n'enseigne rien à tous les niveaux de l'École obligatoire : on m'avait plutôt appris que notre monarchie avait été un régime autocratique, avec ses lettres de cachet et la forme totalitaire de son autorité. J'ai là-dessus interrogé un professeur d'histoire : il a bien admis l'existence de ces parlements dont il a confessé ne savoir à peu près rien, mais automatiquement il a nié, comme je l'eusse fait à sa place, que notre monarchie eût été parlementaire – ce point sert à Bernanos pour prouver que le Français n'était pas foncièrement moins libre en ces temps qu'on estime automatiquement obscurs. Il déclare aussi non sans sources que la Révolution française ne fut pas le fruit d'une pauvreté pressurée au dernier stade de la misère, un mouvement de fronde désespérée d'une populace réduite à la violence pour s'épargner l'asphyxie et la mort, une sorte d'exaspération en somme poussée à l'explosion, mais, au contraire de tout l'enseignement que je me souviens d'avoir reçu, une revendication intervenant à une période de grand développement scientifique et humain, à la façon, et c'est logique aussi, dont les progrès ne se revendiquent et réalisent en général qu'après qu'un relatif confort soit installé, permettant le loisir de réclamer. Ou encore, Bernanos atteste que l'attitude des Français durant la seconde guerre mondiale, au front comme à l'arrière, ne fut jamais que l'expression molle d'une sorte de fatalisme de fonctionnaires où le citoyen fut rarement héroïque au combat ou en résistance, rarement impliqué par quelque idéal dans ce conflit, et plus rarement même un individu conservant une véritable faculté de décision et d'initiative. Et c'est ce qui jalonne sa compréhension de la société en évolution, en inflexion, en décadence : ces repères induisent selon lui une direction lamentable de l'homme contemporain, une sorte d'état d'esprit de plus en plus enraciné, de plus en plus décomplexé. Et comme je me suis trouvé confirmé par Bernanos qui a su trouver non seulement que l'homme contemporain est commencé bien avant le XXe siècle, mais qu'il constitue un déclin et « une universelle stérilisation des hautes valeurs de la vie », que son type-même s'agit « moins de corruption que de pétrification » (page 103) d'un ordre bien plutôt veule que vraiment malin, et dont la docile irresponsabilité est devenue parfaitement intériorisée et acceptée, pour ne pas dire encouragée, au lieu d'une sorte de volonté cruelle ou de conscience résolue : « “Ne te fâche pas, disait le gendarme de Vichy à son compatriote, je m'en vais te livrer à la police allemande, qui après t'avoir scientifiquement torturé te fusillera, mais que veux-tu ? le Gouvernement m'a donné une situation, et je ne peux naturellement pas risquer de perdre cette situation, sans parler de ma retraite future. Allons ! ouste ! Il ne faut pas chercher à comprendre.” La preuve que ce raisonnement est tout à fait dans le sens et l'esprit de la vie moderne, c'est que personne ne songe aujourd'hui à inquiéter ce policier ou ce gendarme. Lorsque ce brave serviteur de l'État rencontre le Général de Gaulle, il le salue, et le Général lui rend certainement son salut avec bienveillance (page 128-129) ! Et que, chez Bernanos, ce constat ne se départisse pas d'une tentative de responsabilisation du lecteur, d'une adresse à cet imbécile par défaut, d'alertes à sa pensée dégénérée notamment par le moyen de formules brutales, rappelant par exemple contre toute tranquillité que « le progrès n'est plus dans l'homme, il est dans la technique. » (pages 16-17), qu'à force de confondre la justice et l'égalité « nous supporterions volontiers d'être esclaves, pourvu que personne ne puisse se vanter de l'être moins que nous. » (page 42), ou que pour ce qui est de la conscience collective « épargnez-moi cette plaisanterie, ne me faites pas rigoler ! Il n'y a pas de conscience collective ; une collectivité n'a pas de conscience. » (pages 95-96), ou encore que « le dictateur n'est pas un chef. C'est une émanation, une création des masses. C'est la Masse incarnée. » (page 108), c'est ce qui renouvelle la méthode d'interjection la plus proprement littéraire, celle qui admet qu'un livre et particulièrement un essai doit laisser une empreinte, qu'une oeuvre ne peut se permettre d'être anodine, qu'un auteur honorable ne tolère pas même son innocuité. Or, selon un tel projet et grâce à l'analyse impartiale de ce que la conscience contemporaine est à ce point endormie qu'il faut à présent l'insulter, l'humilier et la heurter pour y soulever un moindre ferment de réflexion, les procédés d'écriture dirigent l'écrit vers l'efficacité, ce qui est bien le style de celui qui considère son propos une nécessité et pas, comme tant d'autres (et notamment comme tant de philosophes, et même la plupart sans doute), une simple décoration. C'est bien en cela que, je trouve, que Bernanos rompt avec lui-même : son romancier est une froide figure d'apparat, son essayiste est une brûlante conscience, en quoi Bernanos duel se désavoue et ne peut pas ne pas sentir son altérité et son jeu. Il se voit brillant dans la fiction après s'être senti vrai dans l'article, mais le premier est une parure, le second un état – ce que son égo doublé d'alter n'ignore pas. Quant à savoir si cet ouvrage mérite d'être acheté et lu, je dirais qu'après l'avoir si méthodiquement épuisé dans ma critique, je n'en laisse pas beaucoup à apprendre d'autre, même en le parcourant « dans le texte ». Pour moi, ce constat n'est qu'une supplémentaire confirmation, quoique sagace, de ce que mes analyses du contemporain avaient déjà révélé ex nihilo ou ex usus, à savoir, globalement, que depuis la fin du XIXe siècle l'homme se définit plutôt comme une tendance ou comme une pente que comme une conscience ou comme une volonté : il est une inclination sans direction, ce qui, selon le mot de Nietzsche, le rend inaccessible à la grandeur, puisque « grandeur signifie direction. »
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Si l'écriture pamphlétaire de Bernanos peut s'avérer parfois redondante le fond de sa pensée reste fascinant tant on se demande à quel point l'auteur était un prospectiviste qui ne se connait pas. La mécanisation de la société et sa déshumanisation sont traitées de façon très réalistes et il est toujours perturbant de voir dans des propos qui datent d'il y a plus d'un demi siècle des similitudes troublantes avec notre époque.
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Bel hommage à la liberté et bonne analyse de la dictature de la démocratie.
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Il y a 70 ans, un auteur a prédit le mouvement technique et mondial de la robotique : Georges Bernanos, avec son essai polémique La France contre les Robots (éd. Castor Astral).
Nous sommes en 1947. Dans un monde libéré du nazisme et tourné vers la lutte contre le communisme, l'auteur de Sous le Soleil de Satan lance un avertissement prophétique contre les machines et la technique : "La Civilisation des Machines est la civilisation de la quantité opposée à celles de la qualité. Les imbéciles y dominent donc par le nombre, ils y sont le nombre." En auteur catholique et engagé, Bernanos voit dans les robots la quintessence de l'inhumanité : "Dans la lutte plus ou moins sournoise contre la vie intérieure, la Civilisation des machines ne s'inspire, directement du moins, d'aucun plan idéologique, elle défend son principe essentiel, qui est celui de la primauté de l'action. La liberté d'action ne lui inspire aucune crainte, c'est la liberté de penser qu'elle redoute." Cette primauté de l'action et de l'efficacité nous renvoie à la réalité d'un monde libéral tourné vers la rentabilité à outrance. Bernanos a cette autre citation prophétique et ahurissante, écrite – rappelons-le – en 1947 : "Un jour, on plongera dans la ruine du jour au lendemain des familles entières parce qu'à des milliers de kilomètres pourra être produite la même chose pour deux centimes de moins à la tonne." Cela ne vous fait penser à rien ?
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Un robot est « une machine à l'aspect humain, capable de parler et de se mouvoir ». Bernanos désigne par robots les machines qui remplacent les hommes, car plus productives, plus efficientes. A l'issue de la Seconde Guerre mondiale, les idéologies se sont effacées pour ne laisser place qu'à la technique. Il ne voit que peu de différence entre les Etats-Unis et l'URSS puisque ces deux pays s'enrichissent grâce au capitalisme et à la rationalisation.

Selon Bernanos, l'ère de la technique fait disparaître la notion de Liberté.

La Liberté, au sens le plus large du terme, était ce qu'avaient de plus précieux nos ancêtres. Il y a une opposition radicale entre la technique et la Liberté. D'abord, les penseurs modernes ont substitué à l'homme, l'homo oeconomicus qui ne pensent qu'au profit, égoïstement. Et son égoïsme devrait être un gage de la Liberté individuelle de chacun. Finalement entre un Adam Smith et un Karl Marx, seule la conclusion change, tout le présupposé est le même. le « progrès technique » n'en est pas un puisque la technique enferme le monde dans un modèle qui utilise l'homme comme une ressource. C'est une ressource parmi tant d'autres, une pièce du rouage interchangeable.

Bernanos enjoint les Français à reprendre à leur compte « notre Révolution » qui est l'exaltation de la tradition française de la Liberté. On peut penser qu'il demande cela aux Français, car en 1947 nous sommes au sortir de la guerre, nous sortions aussi d'une Révolution, nationale, théorisée par le Maréchal Pétain. Comme Bernanos était anti-pétainiste, on peut comprendre sa volonté de supprimer le passé récent de la France ou du moins de le faire oublier. Mais j'ai du mal à comprendre comment communier et la Royauté, il fait référence au Comte de Chambord, et la Révolution de 1789 qui mit fin à celle-ci.

Je comprends que, comme beaucoup d'autres penseurs royalistes et catholiques, il est obligé de concilier la Révolution avec ses convictions personnelles puisqu'elle a permis l'avènement d'un nouvel homme. Mais cela semble inconcevable de critiquer la Renaissance et son amour pour le paganisme romain tout en prônant l'Humanisme et 1789. A moins qu'il ne fasse référence à un humanisme catholique.

Bernanos s'attaque à la conception de Liberté défendue par les Anglo-saxons. Ces derniers pensent que la Liberté vient des institutions, on a là la conception de Locke et Hobbes qui pense que les institutions permettent l'épanouissement de l'homme par le contrat social. Il fait aussi référence à l'isolationnisme américain et à ces fameuses démocraties anglo-saxonnes, extrêmement conservatrices et légalistes.

D'un côté nous avions la Patrie, la mère qui n'impose rien à ses enfants, mais attend qu'ils viennent la défendre contre l'étranger. de l'autre, l'Etat, administrateur et prêt à devenir tyran pour appeler tous les hommes en âge sous les drapeaux. C'est une opposition que nous ne faisons plus aujourd'hui puisque Patrie, Nation, Etat ont été confondus de manière volontaire. Dans nos Démocraties, l'égalité devant la loi devient surtout le contrôle de l'Etat sur tous. C'est une manière pour l'Etat de devenir ce Léviathan, contrôlant tout.

La Liberté apparaît comme un ennemi du monde capitaliste, en effet tout doit être réglé, organisé, écrit dans la loi. La Liberté peut être associée au désordre aujourd'hui, ce qui n'aurait jamais été le cas chez nos ancêtres. Cela oblige donc les gens, docilement, à s'uniformiser.

La civilisation moderne est une conspiration contre toute espèce de vie intérieure. le progrès technique est loué alors qu'il n'apporte que la destruction selon Bernanos. Certains louent la machine, car elle serait une étape de la vie humaine, mais Bernanos pressent que c'est plutôt le début de la chute de l'Homme. La machine et le progrès technique ont pu être pensés comme la fin de la guerre, car le commerce n'est bien pratiqué que dans des conditions de paix, erreur. Ce qui est arrivé en 1870, 1914 et 1940 a été permis grâce à la machine, à l'industrialisation. La noblesse avait la prétention d'être la seule classe à combattre, sa disparition n'entraîna pourtant pas la fin de la guerre.

On retrouve un discours marxisant, les machines permettent d'accroître la production et donc de créer de l'argent. Or plus les machines vont se populariser et plus les marchands vont faire face à une rude concurrence et quoi de mieux que d'éliminer ses concurrents par la guerre ? La surproduction va immanquablement amener à la guerre. le commerce et la machine n'amèneront que l'avènement des spéculateurs. Ce qui prendra le pouvoir ce sera l'argent, on retrouve une idée présente dans l'argent de Péguy. La machine a progressé beaucoup trop rapidement pour l'homme, contrairement aux changements antérieurs qui se faisaient sur beaucoup plus de temps. En l'espace de deux siècles, nous sommes passés d'une voiture à cheval à un train.

L'homme, par calque de sa machine, a perdu la conscience du bien ou du mal, en ne suivant que les ordres. Un homme de Pizarro n'aurait sans doute pas été capable de tuer des centaines d'enfants de ses mains, par dégoût de la besogne. Mais un homme moderne peut très bien exterminer des centaines ou des milliers d'enfants du haut de son avion. Les outils, la perfection de l'armement permettent aux êtres humains de ne plus se salir les mains, littéralement, d'où le fait qu'une personne très avenante, amicale puisse avoir tué des milliers de personnes. Quand un mercenaire de la guerre de Cent Ans aurait sans doute eu des réminiscences de ses crimes durant ses nuits de repos. Les massacres ne causent plus de cas de conscience personnel et encore moins collectif, car pour Bernanos une collectivité n'a pas de conscience.

Finalement la machine la plus dangereuse nous dit Bernanos, c'est la machine d'information, ce sont les médias qui bourrent le crâne des gens. Déjà Bernanos disait que les gens étaient submergés par l'information, quelle tête ferait-il en voyant l'ampleur de la masse d'information que nous recevons chaque jour ?

La société moderne détruit la vie intérieure, car cela ne peut être contrôlé. Elle le détruit en occupant l'esprit des personnes, constamment. Elle n'a pas d'idéologie, elle ne donne la primauté qu'à l'action sur tout le reste ce qui peut être une sorte de pragmatisme. Elle combat la pensée, celui qui pense qui se démarque de la masse, le mal pensant.

La société se meurt pour Bernanos, les deux guerres l'ont montré, elle a tenté d'expulser les toxines mortelles qui la pourrissaient, mais n'a pas réussi à le faire. Elle exige et les humains doivent lui donner, elle n'est pas prévue pour les humains mais pour les machines et en demande toujours de plus en plus au nom du Progrès.
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Très bonne lecture.
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