Les dernières chances du monde sont entre les mains des nations pauvres ou appauvries. C’est, en effet, la dernière chance qui reste au monde de se réformer, et si généreuse et magnanime qu’elle puisse être, une nation opulente ne serait pas capable de mettre beaucoup d’empressement à réformer un système économique et social qui lui a donné la prospérité. Or, si le monde ne se réforme pas, il est perdu. Je veux dire qu’il retombera tôt ou tard à la merci d’un démagogue génial, d’un militaire sans scrupules ou d’une oligarchie de banquiers.
Mesdames et messieurs, lorsque vous pensez à la France, si vous ne l’avez jamais vue, ne pensez pas d’abord à ses bibliothèques et à ses musées, mais à ses belles routes pleines d’ombre, à ses fleuves tranquilles, à ses villages fleuris, à ses vieilles églises rurales, six ou sept fois centenaires, à ses villes illustres, toutes ruisselantes d’histoire, mais d’un accueil simple et discret, à nos vieux palais construits si près du sol, en un si parfait accord avec l’horizon qu’un Américain, habitué aux gratte-ciel de son pays, risquerait de passer auprès d’eux sans les voir. Et lorsque vous pensez à notre littérature, pensez-y aussi comme à une espèce de paysage presque semblable à celui que je viens de décrire, aussi familier, aussi accessible à tous, car nos plus grandes œuvres sont aussi les plus proches de l’expérience et du cœur des hommes, de leurs joies et de leurs peines.
On me reproche parfois d’être pessimiste. Je ne suis pas pessimiste. Je remplis mon devoir d’homme libre en refusant d’être dupe. Je n’éprouve pas le besoin d’être consolé par des illusions ou des mensonges ; la vérité seule console, et, quand elle ne peut consoler, elle délivre.
Les déceptions que j’annonce pourraient parfaitement être épargnées au monde ; il suffirait que l’opinion universelle, confisquée par les propagandes, se réveillât de son sanglant sommeil, que les peuples consentissent à regarder l’avenir en face, au lieu de demander à la presse et à la radio ce qu’un moribond demande encore à son médecin : des paroles rassurantes qu’il écoute sans y croire.
Il n'existe pas de race française. La France est une nation, c'est-à-dire une œuvre humaine, une création de l'homme; notre peuple (...) est composé d'autant d'éléments divers qu'un poème ou une symphonie.
https://www.laprocure.com/product/1557959/patrick-chauvet-bernanos-sans-concessions
Bernanos sans concessions
Mgr Patrick Chauvet
Éditions Fayard
© Mgr Patrick Chauvet pour la librairie La Procure