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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Pour préserver son fils « différent », à qui sa forte stature, sa peur des hommes et son absence de langage ont valu le sobriquet d'Ours, Mariette a choisi de s'installer avec lui en marge de leur village isolé des Pyrénées. Cela fait maintenant des années qu'ils y vivent loin des regards, en quasi autarcie, lorsque des randonneurs découvrent une fillette de six ans, nue, dans les parages…


Les éloges sont unanimes sur ce livre et l'on comprend pourquoi. Cette histoire admirablement contée est un cri de colère contre l'intolérance d'une société normative, que l'auteur a elle-même rejetée en quittant tout, il y a vingt ans, pour élever chèvres et chevaux dans ces mêmes montagnes pyrénéennes. C'est, lui aussi, loin des hommes et au contact des bêtes, au plus près de la nature, que le fils de Mariette a trouvé à s'épanouir, dans une forme de bonheur et une liberté que la « civilisation » va néanmoins s'empresser d'anéantir. La langue est fluide, le drame frappant, et la construction habile. Tandis qu'en entame de chaque chapitre, la psalmodie des divinités de la montagne et de la maternité contrariée bercent le lecteur de leur lamentation tragique, celui-ci découvre peu à peu le drame qui s'est déroulé, au travers des dépositions successives des témoins interrogés dans l'enquête. Se dessinent ainsi une palette de points de vue, parfois fermés et intolérants, souvent bienveillants ou au pire indifférents. Toujours est-il qu'au nom de principes censés protéger le citoyen, la parenthèse de liberté qui ne coûtait rien à personne s'est bel et bien refermée…


Hymne à la liberté et au droit à la différence, en particulier à propos du handicap, ce livre bien conçu et bien écrit aurait dû me séduire. C'est pourtant une tout autre colère que celle de l'auteur qui me reste après cette lecture. Car oui, notre société, très normative, laisse peu de place à la différence. le culte de la croissance économique et de l'argent y a supplanté toutes les autres formes de bonheur, au nom d'un progrès matérialiste qui uniformise peu à peu la vie de par le monde. Que l'on soit l'héritier d'une autre culture et d'autres valeurs, ou que le handicap vous empêche d'être comme tout le monde, l'on attendra de vous de vous normaliser. Ainsi par exemple, aussi inadéquat que cela puisse paraître parfois, un travailleur handicapé devra être rentable. Pas « d'aide par le travail » pour ceux qui ne peuvent pas l'être… Alors, quand on est parent d'un enfant « différent », ce n'est certainement pas la marginalisation et l'isolement que l'on s'en va chercher. Parce que, quand on ne sera plus là, il faudra bien qu'il puisse poursuivre son existence sans nous. Quel est donc cet amour maternel qui enferme l'Ours dans sa marginalité ? Peut-on vraiment vivre heureux au seul contact des chèvres, dans la solitude la plus absolue ? Et comment vanter le bonheur d'une enfant sauvage, grandissant sans langage au seul contact d'un âne et d'un autre asocial ? Non, quand on est parent d'un enfant handicapé, on ne veut certainement pas qu'il ait à vivre « comme une bête ». Quand on est « différent », l'on ne rêve que d'être accepté comme on est, pas de se cacher. Et si le retour à la nature convient à certains, c'est un choix qui devient très égoïste lorsqu'il implique de l'imposer à d'autres qu'à soi-même.


Une divergence fondamentale de point de vue m'empêche donc d'apprécier totalement ce roman par ailleurs intéressant, bien écrit et agréable à lire. Il y a une différence de taille entre choisir de quitter le monde et désespérer d'y trouver sa place : celle qui sépare la liberté de la nécessité vitale. Pour moi, le handicap vous cantonne généralement dans le second cas.

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C'est un texte dont le contenu est comme livré à l'état brut. On comprend assez vite lire une succession de témoignages recueillis dans le cadre d'une enquête.

On est à Ourdouch, un coin de montagne où cohabitent gens du cru et citadins en quête de retour aux sources, fils de bourges ou marginaux fuyant qui une famille, qui un système, et où tous finissent par avoir la même allure avec leurs pulls en laine, leurs grosses chaussures, leurs cheveux hirsutes et leurs peaux tannées par le soleil.

Les auditions tournent autour de L'Ours, jeune homme qui doit ce surnom porté depuis l'enfance au fait qu'il n'a pas de père -une tradition, dans la Vallée- mais aussi parce qu'avec sa force impressionnante, ses pattes trapues et ses grognements, il le porte à merveille. L'Ours est le fils de Mariette, venue vivre ici il y a une trentaine d'années, pour soustraire cet enfant pas comme les autres aux diktats d'un système qui exclut et méprise tout être jugé "anormal". La découverte, par une randonneuse, d'une fillette de six ans que L'Ours aurait cachée dans une grotte, est à l'origine de l'enquête.

On entend entre autres celle qui fut brièvement son institutrice, un ancien camarade de classe, un voisin… ceux qui s'expriment avaient plus ou moins de contacts avec ce duo souvent jugé par les villageois avec méfiance et mépris, et leurs voix expriment les dissensions que suscitent leur manières, variées, d'aborder la différence. Les discours sont ainsi tantôt moralisateurs, tantôt bienveillants. Certains s'agacent de l'interrogatoire et se révoltent contre le traitement infligé à Mariette et à son fils, d'autres démentent l'image de monstre que son apparence et ses redoutables crises de colère ont plaqué à L'Ours, évoquant son don pour comprendre et soigner les animaux, dont il s'occupe avec patience et délicatesse, décrivant la tendresse qui le lie à sa mère.

Dans ce microcosme où, à l'instar des traditions, les légendes se transmettent d'une génération à l'autre, les hypothèses sur l'inexplicable événement oscillent entre rationalité édifiante et recours, bien que prudent, au merveilleux.

Ce court roman se dévore sans déplaisir (et en un rien de temps), porté par la vivacité de son écriture et le rythme enlevé que lui confère sa narration chorale. J'ai en revanche regretté le manque de diversité dans la tonalité des chapitres, les narrateurs s'exprimant tous de la même manière, aux dépens de leur singularité.

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Un petit roman très original (voir résumé) et bien construit. On lit une succession de témoignages qui permettent de reconstituer les événements. L'oralité est bien retranscrite et capte l'attention et l'écriture se fait poétique avec les paroles des fées. le texte montre la dureté d'une société qui n'accepte pas un mode de vie alternatif ou les personnes différentes. Je reprocherai seulement que la conclusion soit assez manichéenne (tous les villageois sont bienveillants et tous les policiers et journalistes sont méchants !)
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Dans un village isolé des Pyrénées vivent Mariette et son fils que tout le monde appelle « l'Ours » du fait de son physique et de son incapacité à communiquer autrement que par des grognements.

Quand un touriste surprend « l'Ours » en compagnie d'une petite fille entièrement nue, la gendarmerie intervient et accuse « l'Ours » sans essayer de comprendre.

Le roman passe en revue les dépositions de tous les villageois au cours de l'enquête.

A lire entre vaches et cabris.
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Roman prêté et lu d'une traite. Merci Hed pour la découverte. J'aurais dit adoré, pourtant il me laisse dans les heures qui suivent un goût de déception, d'où la critique qui suit.

*** Attention spoiler***
Il y a tout d'abord le thème. Un “enfant (presque) sauvage”, muet élevé par sa mère et qui côtoie les bêtes, les soigne. L'Ours qu'on l'appelle, et évidemment ça me fait penser à mon ours à moi. Ce personnage en rupture qui me trotte dans la tête depuis que moi aussi j'ai vécu dans les bois. On y retrouve les mêmes éléments: incompréhension des autres, incapacité à s'exprimer, mutisme, vie solitaire, proximité avec les bêtes, peur… ça ne pouvait que me plaire.

Ensuite, il y a le parti pris de la narration. On ne fait pas parler ce genre de personnages, les ours, il faut que ce soit à d'autres de raconter leur histoire. On ne peut pas les comprendre, ils ne sont pas de notre monde, on ne peut comprendre que ce qui transparaît, ce qu'ils laissent comme impressions à ceux qui parlent notre langue. le choix de narration du coup - les témoignages des personnes qui l'ont côtoyé de près, au commissariat de police - est génial dans l'idée. Parce que c'est la meilleure manière de faire vivre l'Ourse que de n'être que l'objet de commérages, de on dit, d'hypothèses et parce que l'interrogatoire est le dispositif parfait pour faire parler. le tout d'ailleurs est assez habilement exécuté. Mais...

L'oralité est donc partout, rurale sans trop l'être, directe, simple. C'est assez juste souvent, sans être exceptionnel. Il y a un travail sur la langue mais le tout se veut assez efficace tout de même. du bon comme du plus facile. Certains personnages ont le ton plus marqué que d'autre mais leur voix seule peine souvent à les faire exister pleinement. Il servent trop l'histoire à mon sens et pas assez eux-mêmes pour qu'on y croit. Ce n'est pas toujours vrai, l'institutrice, par exemple, montre bien qu'elle veut se défendre, se protéger des reproches qu'on pourrait lui faire et ne manque pas, à son tour, d'accuser. Mais les pistes qu'elle lancent ne sont pas vraiment reprises, et, au final, de vrai personnage, il ne reste que l'Ours, un peu sa mère et un minimum la gamine. Malheureusement, rien des gens du village, rien des témoins, de leur lien, du contexte de leur discours. Les quelques références croisées (la mère parlant de Luc, un villageois de Albert ) donnent tout de suite une consistance aux témoignage que, à mon sens, il aurait fallu étoffer encore davantage pour donner une réelle solidité au décor dans lequel se déroule l'histoire et au contexte qui la fait exister.

On en vient peut-être ici au problème du roman. C'est presque un polar mais sans l'être. On comprend vite qu'il y a eu une petite fille qui n'est pas là où elle devrait l'être, certains évènements louches, et une arrestation... ça attise. Ce sont ces questions qui font tourner les pages, on s'attend donc à mener l'enquête. Sauf que les policiers n'existent pas. Leurs questions n'apparaissent pas (pas un mauvais choix en soi). Il ne reste que le témoignage des auditionnés, sans contexte, et leurs réponses - dont l'ordre et la structure semblent plus servir le propos de la romancière que celui d'un réel interrogatoire, les rendent, en fin de compte, assez peu crédibles… et donc tout le dispositif narratif apparaît très vite pour ce qu'il est, un prétexte pour raconter une histoire à travers de multiples voix creuses et cette histoire est la vie de l'Ourse et de sa mère, pas l'intrigue qu'elle sussite et les onséquences qu'elle a, tous les autres ne sont que des PNJ comme on dit dans le jargon du jeu vidéo. Ce qui n'est pas un mal, il y en a toujours, sauf qu'ici ce sont à eux qu'on confie le rôle de raconter l'histoire et de créer son monde et le fait qu'eux même sont relativement vides peine à la longue à la remplir, à donner matière à leur propos, l'histoire.

C'est une jolie histoire, c'est une gentille histoire. le muet a un don, il soigne les bêtes, il les comprend, c'est presque miraculeux. Non, c'est miraculeux, il vit en harmonie avec elles. C'est une histoire de conte de fées. Les fées sont là aussi, on en parle et elles parlent. Elles s'immiscent par de courts poèmes en vers libre entre les chapitres, elles ont leur voix pour donner de la substance à la légende. C'est une belle voix, ça ajoute du mystère à l'enquête, au début ça surprend, on est charmé, on sent qu'est là la clef. Et puis on nous le dit texto et à plusieurs reprises, donc assez vite on sait trop bien où on veut nous conduir. Il n'y a pas vraiment d'accusation, ni même de procès, ni même de coupable, ni même personne qui ne porte plaintes, d'ailleurs, pas vraiment de victimes. Ce sont des innocents et pas grand monde pour dire le contraire. Un randonneur qui s'étonne puis un dispositif administratif et policier qui s'exécute avec juste assez de vraisemblance pour qu'on décide d'y croire, mais mollement.

On comprend l'idée, elle est plaisante, j'y adhère aussi: ceux qui sortent des cases, qui ne veulent pas vivre selon la norme sont suspects. Ceux qui n'ont pas de voix, les trop grands, les hors-normes sont à enfermer même quand ils n'ont rien fait. Rien fait d'autre que vivre comme bon leur semblaient. Sauf que pour faire une critique d'un système il faut que celui-ci soit réaliste, ou en tout cas vraisemblant, et s'exécute dans une forme qu'on lui reconnaisse. Or ici, il n'est que critiqué et n'apparaît pas pour ce qu'il est. Alors même si on a beau partager la critique, l'objet de cette critique manque de palpapble pour réveiller en nous l'indignation. Pour qu'on ressente directement ce qui nous fait adhérer à cette critique.

Finalement ça reste un conte, avec une morale de conte. Quelque chose de beau et d'assez simpliste. Je m'étonne un peu en écrivant ces lignes car le livre n'est pas joyeux et n'a rien d'enfantin. Bien au contraire. Mais c'est l'impression de naïveté qu'il laisse alors même que ce qu'on comprend petit à petit être un des sujets central, le viol, ne l'est absolument pas. C'est peut-être à la manière dont les choses sont amenées, je ne sais pas. le discours de la pharmacienne est éloquent mais comme il apparaît au milieu de rien; il provient d'un personnage qu'on ne connaît pas et à qui personne ne répond, l'artificialité de sa présence lui hôte malheureusement une part de sa pertinence. Peut-être pas pour ce qu'elle dit qui est juste mais dans sa capacité à nous faire ressentir cette justesse. C'est tout le propre d'un roman de faire incarner un discour dans un personnage dont on a suivi l'histoire et dont on comprend, empathiquement, pourquoi il le tient, or pour moi, ici, à part l'Ourse et éventuellement sa mère les personnages n'ont pas de chairs, ils manquent de psychologie, de contraste, de corps tout simplement. ça ne poserait pas problème si on restait dans le registre du conte, du symbolisme sauf que des éléments ne font que de nous en sortir: le Commissariat, la scène crue du viole, l'absence de narrateur et la présence de témoins avec une langue en dure.

Pourtant c'était bien parti et j'ai eu du plaisir durant presque toute la lecture. Je m'étonne moi-même d'en faire un commentaire plutôt négatif alors que j'ai aimé le lire. Je crois que cela vient principalement de la fin qui m'a laissé indifférent et dont l'invraisemblance a fait ressortir toutes les incohérences sur lesquelles, par la magie du conte, j'ai fermé les yeux pendant le reste de la lecture.
Un bon livre si on attend rien de plus, mais qui, par les thèmes abordés, m'a laissé espérer plus. Parfois on juge un livre pendant la lecture et parfois par le goût qu'il laisse durant les heures (ou les jours, les années) qui suivent : ici le contraste est fort. D'où la un peu longue, et pas très objective, critique. Finalement ce que je retiens de ce roman, c'est qu'il est suffisamment bon pour que les petites erreurs qu'il contient m'apparaissent comme des fautes graves et que, par contraste, il me fait réaliser la prouesse que représentent ceux n'en contenant pas (ou très peu).
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Un roman singulier aux allures de conte dont l'intrigue se révèle au travers des témoignages seuls des habitants d'un village isolé rendus au poste de police pour y subir un interrogatoire. Drame émouvant à la fin très abrupte où le merveilleux rôde.
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Un petit roman qui se lit vite et bien. On découvre une mère et son fils au travers d'une douzaine de témoignages, après la découverte d'une petite fille inconnue près d'une "grotte aux fées", ces fées qui volent les enfants aux hommes... ou à qui on les abandonne plutôt. Un roman sensible où ceux qui représentent l'autorité (l'institutrice, les gendarmes) s'opposent à la sorte de compréhension instinctive des gens du cru, enfermement contre liberté, brutalité du monde contemporain contre besoin d'un retour à la nature, avec un protagoniste très certainement autiste. J'ai bien aimé ce qui se dégageait des dix premiers chapitres / points de vue. En revanche, les deux derniers m'ont beaucoup déplu. Je pense que la description très graphique d'une scène de viol était tout à fait superflue ; on avait déjà très bien compris avant d'être forcé à se figurer le truc, merci bien. Et la conclusion n'est pas du tout satisfaisante, parce qu'elle est injuste et révoltante. Est-ce que ça vaut le coup de le lire malgré ça ? Il me semble que oui, et puis franchement ça va vite - entre une heure et une heure et demi grand maximum.
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