Metz défigurée

Berrar Jean-Claude, – "Metz défiguré dans les années 60-70" – éditions Serpenoise, 2011 (ISBN 978-2-87692-909-8) format 29x21cm, 167p. nombreuses reproductions de cartes postales ou photos anciennes.

L'auteur s'attache à illustrer et retracer les ravages urbains que la ville de Metz a subi durant la fatale décennie 1960-1970.
Raymond Mondon (1914-1970), résistant, en était alors le maire (de 1947 à 1970) tout en étant ministre des transports de 1969 à sa mort en 1970, soutenant la "Nouvelle Société" de Chaban-Delmas. Comme tant et tant d'autres politiques des deux bords de cette époque, il est atteint du syndrome de la modernisation pompidolienne (priorité à la "bagnole", cités radieuses et autres idées désastreuses de même acabit) : avec son équipe municipale, il va littéralement dévaster les quartiers historiques de Metz, coupables de vétusté, culpabilité décuplé du fait qu'elle évoque (comme le montre le livre de Berrar) le passé allemand de la ville.

L'ouvrage proposé par Jean-Claude Berrar n'est pas exempt de grandes faiblesses : aucune vue d'ensemble, aucune contextualisation. L'exposé reste au ras des faits, l'illustration abondante ne reflète que l'état ancien ou les destructions en cours, sans montrer le nouvel état après intervention (seules les pages 87-89 permettent de comparer clairement l'avant et l'après) ; de nombreuses illustrations ne sont pas datées (cf par exemple p. 84).

Reste néanmoins que l'ouvrage constitue un témoignage intéressant, non seulement pour la ville de Metz, mais bien au-delà pour l'ensemble des villes de notre beau pays, qui furent souvent victimes de véritables campagnes de vandalisme de la part de leurs élus dans cette décennie qui restera comme l'un des pires moments de l'histoire urbanistique et architecturale en France.
Pour bien mesurer l'ampleur des dégâts irréparables alors accomplis, il faut avoir vu (un soir d'hiver par exemple) l'effroyable église d'un petit bourg comme Moyenvic (Moselle), des cartes postales de l'ancienne puis la nouvelle église de Fourmies en Thiérache (Nord), les vilains chalets suisses collectifs érigés face à la splendide basilique Saint-Rémi de Reims, la rue Houdan de Sceaux dévastée par les promoteurs immobiliers, les Hauts du lièvre à Nancy etc, etc, la liste est interminable.

La décentralisation accordée en France (lois Mitterrand et Deferre) aux instances municipales ne fait qu'accroître le danger résultant de la combinaison de l'incompétence de nouveaux élus avec l'avidité des promoteurs immobiliers : la petite ville de Châteaudun vient encore d'en fournir un exemple navrant, en alignant d'atroces bunkers le long de la route de Brou, l'un des accès offrant pourtant l'une des plus belles vues sur le château...
Quant au particulier souhaitant ne serait-ce que repeindre ses volets, il se verra poursuivi par une meute d'experts officiels rémunérés grâce à l'argent du contribuable...

Revenons-en à la bonne ville de Metz : peu effarouchés par les saccages de l'ère Mondon, les élus locaux ont cru bon de se lier avec les cultureux germanopratins de la capitale, de telle sorte que les messins se voient aujourd'hui infliger une annexe de l'inénarrable "Centre Georges Pompidou" (on ne quitte décidément pas les années soixante-soixante-dix) et la dévastation d'une autre partie de la ville, le quartier de l'Amphithéâtre : au-delà même de la laideur inhérente à ce type de projet décidé par des politiques, la ville fait ainsi un grand pas vers la sottise.

Même dans l'Est et le Nord de la France, territoires pourtant considérablement meurtris lors des Grandes Tueries du vingtième siècle, le vandalisme des élus locaux finira par faire plus de dégâts que les conflits armés...