Le moins que l'on puisse dire, c'est que
Didier Bertrand a de l'humour, et surtout beaucoup d'imagination. Frappé de découvrir, dans un Tennessee doté d'importantes mines de charbon, deux villes nommées Rome et Carthage, comme les deux cités antiques que les guerres puniques firent s'affronter pour le contrôle de la Méditerranée occidentale, notamment des mines d'argent de la péninsule ibérique, l'auteur de polars joyeusement décalés s'est amusé à les relier sur une carte à d'autres communes du même état américain – Hannibal (décidément !), Nameless, Hot Coffee… - pour dessiner l'itinéraire de Jack, personnage jeté dans un road trip mouvementé par les conflits d'intérêts entre puissants de la région.
Ayant osé approcher de trop près Liza Vanderbilt, la fille du magnat de l'acier qui règne sur la ville ouvrière d'Elizabethville, Jack est chassé de son poste de professeur d'histoire antique à la fac, et, sous peine de représailles sur l'emploi de ses parents, contraint de s'éloigner. Tandis qu'il balise son errance à l'intention de Liza, comme un Petit Poucet, par la collection de noms remarquables d'agglomérations, ses pas le conduisent au fin fond de nulle part, dans une bourgade nommée Nameless, au coeur de ce qu'il ignore encore être un véritable marigot à crocodiles.
Car, une nouvelle opportunité minière relançant leur rivalité dans la possession des terres de la région, l'hostilité froide qui opposait le clan d'origine italienne de Scipio Varese, à la tête de la Varese Mining Company à Rome, et celui du Tunisien Nidhla Barca, puissant producteur de tabac à Carthage, vient de laisser la place à une guerre ouverte. Sur le fond bien réel de catastrophes minières et de désastres environnementaux, alors que la technique du MTR – Mountain Top Remowal – permet d'extraire le charbon à moindre coût en faisant exploser le sommet des montagnes plutôt qu'en creusant des tunnels, que la dénaturation du Clean Water Act mène à l'empoisonnement de l'eau du robinet, et que l'exposition à la nicotine et aux insecticides intoxique les enfants qui travaillent sans protection dans les plantations de tabac – autant de faits avérés au Tennessee et dans les Appalaches, documentés par les sources citées en fin d'ouvrage -, Jack se retrouve au beau milieu de règlements de comptes mafieux et d'un début de soulèvement populaire, dans une cascade de péripéties que l'auteur s'amuse à orchestrer en un joyeux divertissement, plein de rythme et de fantaisie.
Et, ma foi, l'on ne s'ennuie pas un instant dans cette lecture à classer en littérature « mauvais genre », gentiment décalée avec sa narration très orale où l'humour l'emporte sur la vraisemblance, mais aussi construite sur une idée originale qui permet incidemment de s'intéresser à quelques scandales écologiques bien réels aux Etats-Unis. A lire pour un petit moment de détente sans prétention, pas si idiot au fond si l'on enchaîne avec les articles listés en fin d'ouvrage.
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