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Citations sur Meurtre au pont du diable (88)

Sophie Lantier n'était pas venue aujourd'hui. Peut-être avait-elle jeté l'éponge. Quantité de curieux avaient ainsi poussé la porte du dojo, participé à quelques séances avant de se décourager et de disparaître. Car, contrairement aux idées reçues, la méditation n'était pas une partie de plaisir.
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L'encens embaumait la pièce. Chacun était aux prises avec son ego, luttant comme il pouvait contre l'assaut de ses pensées. Un voyage intérieur n'est jamais anodin. Rarement agréable, il est vécu le plus souvent comme un vol à travers des nuages, rythmé par de fortes turbulences. Ce n'est qu'après, une fois sorti du dojo et rendu à la vie quotidienne , qu'on en perçoit éventuellement les bienfaits.
La cloche annonça la fin du premier zazen. Encore les mêmes gestes. Maîtres et disciples les répétaient depuis la nuit des temps. Puis le Kin hin et les conseils des encadrants pour bien le pratiquer : retourner à sa place, se positionner correctement sur le zafu. Et le second zazen pendant lequel était dispensé le kusen. Paroles importantes, presque sacrées, qui résonnaient dans l'esprit des adeptes comme de précieuses vérités. La pensée juste, le geste juste, tout n'était qu'affaire d'équilibre. C'est la philosophie qu'avait inventée un jeune prince deux mille cinq cents ans plus tôt , connu sous le nom de Bouddha.
Lorsqu'il sortit de son palais et qu'il découvrit le monde pour la première fois, Siddharta, le futur Bouddha, fut horrifié de voir tant de souffrances parmi ses semblables. Il se promit de renoncer à son existence privilégiée et devint ascète. Mais au fil des ans, sa santé déclina, faute d'une alimentation régulière. Il tira de son expérience la première pierre de sa pensée : la voie du milieu. Trop gâté au début de sa vie, trop misérable ensuite, aucun de ces états n'était satisfaisant. A chaque instant, il convenait de se tenir à distance des extrêmes, que ce fût dans les pensées, les paroles ou les actes.
Le gardien du dojo, le godo, dit d'une voix théâtrale:
- Un samouraï avait beaucoup de souci avec une souris qui avait élu domicile dans sa chambre. Quelqu'un lui conseilla de prendre un chat. Il en chercha un dans le voisinage. Celui qu'il trouva était beau, fort impressionnant. Mais la souris se montra plus maligne et plus vive que lui. Le samouraï adopta un deuxième chat, très astucieux. Méfiante, la souris ne se montra plus, sauf quand il dormait. On apporta un troisième chat au samouraï, provenant d'un temple zen. Il était d'une grande banalité et sommeillait tout le temps. Le samouraï douta que le chat le débarrasse de la souris. Or le chat, toujours somnolant, tranquille, indifférent, n'inspira bientôt plus de crainte à la souris. Elle pasdait et repassait près de lui sans plus lui accorder d'attention. Et un jour subitement, il l'attrapa d'un coup de patte. Banal aussi est le moine zen. (1)
(1) La pratique du zen, Taisen Deshimaru, Albin Michel, 2000
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Avec les deniers d'Ambrosini, il venait de faire bombance dans l'un des meilleurs restaurants de la ville, le Péché Gourmand, crédité d'une étoile au Michelin. Il avait invité une jeune fliquette prénommée Sylvie, à qui il contait fleurette depuis des lustres sans jamais avoir obtenu ses faveurs. Elle avait un peu hésité avant de commander un tartare de langoustine et le beignet de courgette accompagnés d'un chutney de tomate, l'une des spécialités de la maison. Mais devant son insistance, elle s'était lancée. Lui avait choisi un ris de veau croustillant aux amandes. En dessert, tous deux avaient pris le soufflé au Grand Marnier agrémenté de myrtilles sauvages. Le tout arrosé d'un Dom Pérignon millésimé.
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Marc Caudrelier, jeune guide rémunéré par l'office du tourisme de Briançon, connaissait l'histoire des fortifications de la ville sur le bout des ongles. Etudiant, il avait même écrit une thèse sur Vauban. Le fort Dauphin, le fort des Têtes, le fort du Randouillet, la communication Y et autres ouvrages de l'architecte classés au patrimoine mondial de l'UNESCO n'avaient plus de secrets pour lui. Il pouvait en discuter des heures avec les touristes qu'il escortait chaque semaine sur les chemins escarpés de la cité.
S'il reconnaissait à chacun de ces édifices des qualités particulières, il avait un faible pour le fort des Salettes, l'un des plus spectaculaire à ses yeux.
- A guelle altitude nous troufons-nous? demanda un vieil homme essoufflé avec un accent allemand impossible, alors que la tour carrée apparaissait au sortir d'un lacet.
Tout ausdi fatigué, mais toujours souriant, Caudrelier répondit :
- A mille quatre cent cinquante mètres environ.
- A quoi serfait ce fort ?
- L'objectif était double : surveiller la route d'Italie et empêcher l'ennemi de prendre position sur cette hauteur, d'où il aurait pu tirer sur la ville.
- Gombien de zoldaten poufaient y zéjourner?
- Une soixantaine.
(..)
Conçu à l'origine pour accueillir de l'infanterie, le fort avait été transformé en ouvrage d'artillerie en 1844. Sur l'injonction du général Haxo, un fossé extérieur avait été construit, ainsi que plusieurs bastions et des casemates pouvant abriter des canons de 24.
Les visiteurs accédèrent à la redoute par un pont qui enjambait le fossé. Ils s'engouffrèrent ensuite dans une galerie taillée dans la roche qui menait au magasin à poudre, une pièce surmontée de larges poutres. Puis ils montèrent un escalier en haut duquel se trouvaient les anciennes casemates.
- Ici étaient installées les pièces de 24, expliqua Caudrelier.
- Où zont pazés les canons? demanda l'Allemand.
- La place a été désarmée après 1872. Ils ont été transportés dans d'autres forts. Ou fondus.
Ils passèrent des casemates à la redoute Vauban qui abritait de longues salles voûtées. L'état de conservation de cet ouvrage témoignait des efforts que des restaurateurs de tout crin, publics et privés, avaient déployés depuis des décennies.
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Grand Hôtel de Paris
C'était une maison savoyarde entourée de verdure.
Dans les années vingt, elle avait accueilli des hôtes prestigieux tels que l'Aga Kahn, le roi du Maroc, Coco Chanel et même un président de la République. Durant la seconde guerre mondiale, cet établissement avait connu des heures sombres puisqu'il avait servi de Kommandantur à l'armée allemande. Aujourd'hui, il tient souvent lieu de décor pour des équipes de télévision ou de cinéma. Bref, dans la région, c'est une institution.
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Située dans l'Isère, au coeur du parc naturel régional du Vercors, cette commune était réputée pour ses nombreux sites touristiques. Quoique moins haute qu'à Briançon, la montagne aussi y était reine. Le ski, les randonnées faisaient le bonheur d'une clientèle fidèle qui trouvait là tout ce qu'une station de sports d'hiver peut offrir, mais sans la foule et les embouteillages.
Plus de deux cents kilomètres séparaient Briançon de Villard-de-Lans. Par la N85, si la route n'était pas trop glissante, il fallait au-moins quatre heures pour parcourir cette distance.
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-Dans le dojo naît une émulation qui vous empêche de céder à la première fatigue, à la première douleur. Faire zazen ensemble, avec les autres, nous conduit à pratiquer la méditation comme si c'était la première fois.
- C'est joli. C'est de vous ?
- Non, de Taisen Deshimaru.
- Je suppose que c'est encore l'un de ces grands sages qui a passé sa vie dans la position du lotus ?
- Vous caricaturez, mais quelque part, vous n'êtes pas loin de la vérité. Il y a différentes écoles zen. La nôtre, le zen Soto, est d'origine japonaise. Ça, je ne vous l'apprends pas. Maître Deshimaru l'a implantée en Europe. Il a oeuvré au rapprochement des spiritualités d'Orient et d'Occident.
Sophie Lantier s'étira en grimaçant. La première séance s'étzit déroulée sans encombre. La seconde fut un véritable calvaire.
- Ça vous fait encore mal, pas vrai ? constata Chancel.
- Oui. Pourtant, je suis assez sportive. Je cours, je skie, je joue au tenmis.
- Je vous rassure tout de suite : ça fait des années que je pratique le zazen et c'est encore douloureux. Mais, comme disent les encadrants, et c'est l'un des aspects fondamentaux de l'enseignement, la souffrance ne doit être considérée que comme un phénomène.
- C'est-à-dire ?
- Vous la ressentez dans votre chair, c'est un fait. Mais il faut s'efforcer de l'appréhender comme ces pensées qui encombrent notre esprit. Ne pas se focaliser dessus. Il en va de même des nuisances sonores qui peuvent parfois perturber le zazen : les bruits de la rue, des gens qui parlent dans la pièce voisine, etc. On finit par s'y faire.
- Facile à dire. Je n'en suis pas encore là.
- Vous comprendrez tôt ou tard. On n'est pas là pour en baver. Un pratiquant de ma connaissance s'entêtait à faire zazen alors qu'il avait de sérieux problèmes articulaires. Çà s'est terminé par une tendinite aigüe. Sa démarche n'était pas bonne, puisqu'elle n'était guidée que par la fierté, autrement dit par l'ego. Il voulait à tout prix se prouver qu'il était capable d'y arriver, alors que sa mauvaise santé l'en empêchait.
- Quel mal à cela ? Pour moi, ce gars était plutôt courageux, non ?
- Bien sûr. Mais il n'était pas dans la Voie de l'oiseau.
- La Voie de l'oiseau ?
- Oui. C'est un chemin aléatoire, sans repères. Il représente l'état d'esprit dans lequel on doit être pendant zazen. C'est comme lorsque on fait kin hin : on ne marche vers aucun endroit en particulier, autrement dit, on ne poursuit pas un but spécifique. Comme le disait fort justement maître Dogen (1)
: "Sans trace aucune, le canard va et vient sur l'eau. Cependant, il n'oublie jamais son chemin."

(1). L'un des pères fondateurs de l'école zen qu' il introduisit au Japon au XIII° siècle sous sa forme la plus pure : shikantaza, qu'on peut traduire en ces termes : "seulement s'asseoir".
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Quelques minutes plus tard, elle se gara sur le parking du refuge du Lautaret, étape incontournable de tous les routards et motards de passage dans la région. De splendides deux-roues de grosse cylindrée, immatriculées aux quatre coins de l'Europe, trônaient d'ailleurs à proximité, sur un emplacement qui leur était réservé. Les bikers représentaient une part importante de la clientèle de cet établissement qui offrait, en outre, de nombreuses possibilités d'hébergement. Situé au coeur du parc national des Ecrins, ce relais permettait aussi d'accéder facilement au dôme du même nom, à la Meije et à des cols parmi les plus célèbres des Alpes : Galibier, Granon et autres Croix-de-Fer. C'était un carrefour touristique très fréquenté où Claire Ambrosini aimait se rendre lorsqu'elle devait rencontrer quelqu'un en toute confidentialité.
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Présidant aux destinées du journal depuis bientôt trois ans, Stéphane Roussel, cinquante-cinq ans, était un manager à l'américaine. Dans son bureau, le visiteur ne pouvait manquer l'étalage de récompenses qui tapissait ses murs. Ne manquait que le prix Albert Londres, que cet ancien correspondant de guerre rangé des voitures n'espérait plus obtenir.
Dans ses jeunes années, il avait baroudé en Bosnie, en Afghanistan et en Afrique. Attaché au service des armées, il avait couvert plusieurs conflits. A ceux qui le questionnaient sur son passé, il racontait qu'il avait frôlé la mort alors qu'il n'avait reçu que quelques blessures sans gravité.
Formé lui aussi à l'école de CNN, il était brutal, sans états d'âme. Il n'avait qu'une religion, celle du résultat. Les gros bonnets au-dessus de lui, qui dirigeaient le groupe auquel le journal était affilié, lui mettaient la pression pour obtenir de meilleures ventes. Son langage n'était pas plus poétique que ses écrits. Il fumait le cigare, piquait des colères monstres, recevait ses collaborateurs les pieds sur son bureau, le plus souvent chaussés de bottes en lézard de la marque Justin. Bref, c'était un personnage caricatural comme il n'en existait pratiquement plus dans cette profession, un homme d'une autre époque.
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Les codes d'accès censés déverrouiller les listes d'acheteurs de munitions 308 Winchester se heurtaient à chacune de ses tentatives à des pare-feu. Ce salopard avait tout prévu. Sa science de la programmation était sans commune mesure avec celle des hackers qu'il avait combattus par le passé.
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