Vers la mort, très chère, nous allons. Tous. En dansant ou en boitant, en riant ou en geignant, peu importe, puisque c'est là que nous allons.
Eclat très sombre du violoncelle. COup d'archet en travers du coeur. Maintenant les musiciens se lèvent, prennent les chaises sous leurs bras et regagnent les coulisses. C'est l'adolescence, la fin du premier mouvement. La scene est vide. Les musiciens ne reviendront plus. La suite de la partition fait défaut: à toi d'inventer le mouvement suivant, l'adagio, l'amoureuse lenteur, le sacre immobile.
Du temps passe. A vingt ans, on danse au centre du monde. A trente, on erre dans le cercle. A cinquante, on marche sur la circonférence, évitant de regarder vers l’extérieur comme vers l’intérieur. Plus tard c'est sans importance, privilège des enfants et des vieillards, on est invisible.
C'est une chose fragile que la lumière du jour. On y grandit. On y marche. On y attend quelque chose, on ne sait trop quoi.
La musique libère du mensonge de parler.
On me parle. Les mots sont des grains de sable. L'ensemble fait désert. J'ai perdu une chose mais j'ignore quoi. Il est même douteux que je l'ai jamais possédée, cette chose. Pourtant, c'est sûr, je l'ai perdue. Expliquez-moi qui je suis. Donnez-moi de mes nouvelles.
Tout est trop bien rangé. trop propre, trop net. Manque la fine harmonie du désordre. Manquent les échos entre la voix d'un enfant, la colère d'une eau qui bout, le pas d'une femme sur la laine rouge d'un tapis. Manque l'essentiel.
« Il y a deux manières de mentir. On peut inventer. On peut dire aussi la vérité en passant, d'une voix menue, comme une chose parmi tant d'autres sans importance. C'est la plus élégante façon de mentir. »
« Le ciel d'été. La grande fleur nocturne du ciel d'été. On se promène là-dessous comme sous les grands plafonds de l'enfance. »
« Du temps passe. A vingt ans, on danse au centre du monde, A trente, on erre dans le cercle. A cinquante, on marche sur la circonférence, évitant de regarder vers l'extérieur comme vers l'intérieur. Plus tard, c'est sans importance, privilège des enfants et des vieillards, on est invisible. »