Citations sur La part manquante (196)
C'est une fenêtre dans une pièce. C'est la vie lente dans une journée. C'est une fenêtre dans la vie lente. La lumière passe, calme et claire. C'est une lumière de printemps. Elle est douce aux yeux, un peu amère au cœur. Elle est comme un vin un peu jeune, encore vert. Vous la regardez passer pendant des heures. Vous ne savez rien de mieux à faire dans votre vie, que ce regard qui va à l'infini, délivré de lui-même. Il y a une beauté qui n'est atteinte que là, dans cette grande intelligence proposée à l'esprit par le temps vide et le ciel pur.
"Les preuves en miettes de l’existence de Dieu"
… on ignore ce que c'est, la sexualité. Ce n'est pas à un corps que l'on fait l'amour. C'est à un visage. Ce n'est pas à un visage que l'on fait l'amour. C'est à la lumière sur ce visage, à la faible lumière d'un amour sans visage et sans corps.
LA FLEUR DE L'AIR
L'enfant aux yeux gris cendre revient vers vous. Essoufflé par ses jeux, il s'assoit à vos côtés. Il vous parle de son école. Comme d'un travail, il en parle. Il a raison, puisque le travail c'est être où l'on a pas choisi d'être, où l'on est contraint de demeurer _ loin de soi et de tout.
On pourrait recenser les livres suivant l'embarras d'en parler. Il y a ceux engorgés de pensée , de savoir. Tous ces livres ensablés dans l'eau morte des idées. Les gens qui vous en parlent vous sont très vite insupportables. Même quand ils lisent beaucoup ils ne lisent pas : ils confortent leur intelligence. Ils font fructifier leur or. Et il y a les livres que l'on ne sait pas dire, à peine montrer du doigt comme la première étoile dans le ciel mauve. Celui-là est ainsi, réfractaire. Ses phrases vous retiennent. Elles sont claires, d'une clarté qui aveugle. Elles vous arrêtent très vite, au bout d'une page ou deux. Elles font comme un enfant qui s'agrippe à vous et ne vous lâchera pas tant que vous n'aurez pas satisfait sa demande. On les souligne avec de l'encre. On les relit, on s'entête. On passe des heures avec une phrase, dans la compagnie de l'auteur.
Parfois on reste auprès du livre, auprès du feu. Parfois on sait qu’on a tout trouvé, en une seule fois, en une seule phrase. C’est une phrase qui vous concerne à peine. Elle est négligeable et elle vous emmène d’un seul coup jusqu’au terme de vos jours. Elle dit quelque chose qui viendra dans longtemps. Elle dit beaucoup plus que tout ce qu’elle dit.
Nous n'avons guère plus de prise sur notre vie que sur une poignée d'eau claire.
Dans l'attente amoureuse des jeunes femmes , dans cette passion purifiée par l'absence ,on touche à quelque chose comme la folie .Aucun homme ne sait répondre à la parole silencieuse .Les hommes retiennent toujours quelque chose de précis qu'ils attendent . Quand ils perdent , c'est une seule chose qu'ils perdent .Les femmes espèrent tout , et puisque tout n'est pas possible elles le perdent en une seule fois.
Les enfants sont comme les marins : où que se portent leurs yeux, partout c'est l'immense.
Ce qu'on gagne dans le monde, on le perd dans sa vie.
Il est minuit, vous êtes dans la fin du conte, dans la dernière gravure, vous êtes en retard, le carrosse et le beau costume vont disparaître, le charme va se dissoudre, rien n'est arrivé. Vous êtes en retard sur vous même, vous n'êtes pas encore né, vous n'êtes personne. Vous ne faites rien. Vous ne pouvez rien faire, n'étant plus rien. Vous lisez des journaux, des romans, n'importe quoi. Il y a un usage de toutes choses comme de tous sentiments.