John n'aimait pas Noël. John n'aimait pas la gaieté de ces jours imbéciles où il fallait que bébé fasse risette, qu'il avait de belles fossettes, que tout le monde voulait lui changer ses couches, que sa merde, c'était du caramel, qu'il fallait mettre des lumières partout, qu'on s'aimait pour la vie, en bouffant la dinde, qu'on foutait des bûches dans la cheminée, que le bébé pas con se demandait comment le Père Noël n'allait pas se brûler les couilles. Il riait. Toute la famille autour du berceau lui chantait : Fais risette, joli bébé, et s'esclaffait devant son rire. Lui dans son berceau s'éclate. Il va voir une belle flambée de père Noël.
On se demandait même quinze mois avant les élections si l'extrême droite n'allait pas prendre un gros bout du gâteau.
Les gens étaient perdus. Les promesses pas tenues. Les faux débats, l'école abandonnait ses principes faute de professeurs, d'instituteurs.
Noël, la fête des escrocs, la fête des fausses réconciliations, c’est la fête de la merde dans du papier fin, du foie gras, des petits vieux tout seuls à l’hospice, des hurlements dans leurs oreilles. Joyeux Noel ! Joyeux Noel ! … La fête de Noel n’est qu’un gros gâteau bidon, avec plein de misère comme lampion, d’humains qui crèvent dans les couloirs glacés, de boxeurs qui tremblent et qui boivent dans des brasseries derrière les gares.
Il fallait écrire. Le blues était fort, mais écrire nourrissait le blues plus fort encore. Paulo et John parlaient souvent de cette douleur nourrie par l'écriture. Que faire ? Rester avec les mots au fond de la gorge et mourir étouffé ? L'homme doit garder sa lumière. Combattre. Jusqu'où ? Comment accéder au rivage ?
Sous les étoiles filantes c'est le feu d'artifice dans tout son corps.John hésita entre la gaieté de la grenouille et le blues du crapaud.
Il avait vu les gens sur les plages. Des milliers de shorts, de marchands à la sauvette, de glaces au chocolat, à la vanille. Des herses d’épuisettes, de cannes à pêche, de sandalettes, de toutes couleurs criardes, en plastique, les hordes de vacanciers, de voiture les unes derrière les autres, de soutiens-gorge, de soutiens-rien, d’endroits de frime, où on s’arrose avec du champagne en riant comme des cons, de voitures décapotables, ridicules, ou bien si belles que John avait de la compassion pour la bagnole, de grosses lunettes de soleil, de femmes frimeuses et stupides, de gosses avec des grosses montres, de pauvres venus voir comment vivent les riches, les courtisans de stars poussant des bandeaux. C’était pire que la décadence. C’était le cynisme, le trou cérébral. Les riches et leurs courtisans visités par les pauvres.
En fait il était conteur.Il écrivait avec sa voix.Le son des mots.Il était sculpteur de mots.
Nous ne sauverons pas la démocratie. A voir le monde, le passé, le présent, rien ne brillait vraiment comme une étoile. Cultivons notre bout de terre. Cessons de creuser son ventre et de boire son lait noir. Cachons-nous dans les bois. Soyons de ceux qui retrouvent la sagesse et perdent l'envie du trop-plein (p.122)
Des jours où il fallait incendier la mémoire, oublier les mauvais jours où on ne ressemble pas à ce que l'on voudrait être.
A voir le monde, le passé, le présent, rien ne brillait vraiment comme une étoile.
Cultivons notre bout de terre.
Cessons de creuser son ventre et de boire son lait noir.
Cachons-nous dans les bois. Soyons de ceux qui retrouvent la sagesse et perdent l'envie du trop-plein.