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sur 370 notes
L'exercice était difficile , relater un épisode peu glorieux du " transfert " dans les départements français en "mal d' équilibre démographique " d'enfants de la Réunion....Le " terrain " était "ciblé " , les familles en grandes difficultés pour qui la métropole représentait pour l'avenir de leurs enfants un incroyable Eldorado , une planche de salut salvatrice pour des milliers d'enfants ...Sauf que le véritable dessein était bien loin de cet élan de générosité de la " mère nation " , en témoigne le peu de documents relatant cette " déportation " , et surtout , cette omerta , cette chappe de plomb qui "couvrait " l'événement.." Dans les années dont on parle , j'allais au lycée de garçons de Guéret et jamais je n'ai entendu parler d'un quelconque trafic d'enfants , et si nous avions dans les classes de jeunes à la peau plus mate que l'ensemble des autochtones , ils étaient nos copains , on partageait avec eux les avantages et inconvénients de la vie lycéenne, on draguait , on jouait au foot , sans exiger de savoir , de vérifier, de contrôler.....C'était les copains , les copines , on se marrait, on s'engueulait parfois , on se prenait un coup pour avoir trop longtemps lorgné sur la petite amie d'un plus grand ....C'était ça la vie avec , parmi nous , des jeunes dont la" différence " n'était qu'un mystère de plus dans la longue liste des parcours souvent chaotiques des jeunes insouciants que nous étions....
Par contre , l'âge aidant , les blessures se rouvrent , au hasard de la découverte d'un document mal caché, d'une remarque , d'une interrogation , d'une information qui éclate comme une bombe et vient détruire " un ordre " finalement bien établi ....La naïveté, l'insouciance , la résignation s'estompent face au besoin de savoir ...On ne peut vivre indéfiniment sans comprendre qui on est , d'où on vient ....Souvent , on puise sa force dans l'obstination de " suivants " les enfants de la seconde génération qui , avec le recul , veulent , avec raison , je crois , retirer tous les liens de leur passé .
C'est par le " biais " de ce profond désir de vérité qu' Ariane Bois nous fait partager le quotidien de Pauline Isabelle et l'entêtement de Caroline ....C'est alors l'humain qui s'exprime , qui se prend en charge pour reconstituer le labyrinthe de l'existence , qui pallie l'hypocrisie d'une administration bien silencieuse et d'une population bien ignorante .
Grâce à Ariane Bois , j'ai pu remonter" un peu" , un tout petit peu à cette époque où....Un roman plein de sensibilité, de peur , d'effroi , d'incompréhensions , d'interrogations , de "beaux" personnages qui , à un moment de ma propre histoire , se sont trouvés là, près de moi ....Ceux et celles que j'ai côtoyés portaient sur eux l'envie de vivre , mais quelles interrogations peuplaient leurs pensées , peuplaient leurs rêves....Quant à nous , potaches creusois , la seule excuse me vient de Daniel Guichard , " Mais quand on a juste quinze ans , on n'a pas le coeur assez grand , pour y loger toutes ces choses - là, tu vois , c'est con...".
Un sujet difficile traité avec tact . Un roman qui mérite l'attention du plus grand nombre d'entre nous .
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Non mais vraiment... Aucun lecteur ne demande à un auteur, quel qu'il soit, d'écrire le livre du siècle. Je suis moi-même de ceux qui pensent qu'en matière de littérature, les coups de coeur se font rares, que la lecture d'un livre, très souvent, ne fait que procurer un moment de plaisir, ce qui n'est déjà pas si mal. Mais quand-même...

Voilà un thème qui pourtant ne manque pas d'intérêt, puisqu'il est question de ces milliers d'enfants Réunionnais qui, de 1963 à 1982, ont été arrachés à leur famille, et "transplantés" sans autre forme de procès en France métropolitaine, dans le département de la Creuse. Opération qui, officiellement, avait pour but de palier la désertification de certaines régions, et de désengorger l'île où la démographie explosait et le chômage sévissait...

Je me demande ce qui est passé par la tête d'Ariane Bois pour qu'elle se permette de servir pareille salade à son lectorat.

Outre l'écriture qui est on ne peut plus ordinaire, et ponctuée de platitudes là où l'auteure a sans doute vu des figures de style, j'en veux pour preuve : "La Creuse nous a creusés", "cette créature fatale, fatalement étrangère", et encore un jeu de mot pas très fin entre "Réunion" et "désunion", Ariane Bois n'a eu de cesse d'asséner au lecteur une batterie d'invraisemblances.

Comment se peut-il qu'on soit noir ou foncé de peau, peu importe, qu'on ait deux parents de type Caucasien, et qu'on tombe des nues et pique sa crise lorsque, à l'âge de
dix-sept ans !!!, on apprend qu'on est un enfant adopté ?
D'autant qu'à l'époque, les habitants de ces régions savaient pertinemment ce qui se tramait chez eux, et rien n'a filtré...

Alors de deux choses l'une : Ou l'auteure me prend pour une fieffée imbécile, ou la nature humaine a sacrément changé sans que je m'en aperçoive.

Est-il plausible qu'on soit plusieurs à table et que, contre mon gré ! Ni vu ni connu un homme glisse sa main sous la table et me pénètre avec son doigt ? Quelle énormité...

Je veux bien que cette auteure, visiblement en mal d'inspiration, tente en désespoir de cause de me faire avaler deux ou trois pilules, mais là, elles sont tout de même un peu indigestes.

Il tombe dans ce livre une telle averse d'incohérences, que je pourrais en citer d'autres, comme le cas de cette protagoniste qui, suite à une encéphalite limbique perd la mémoire, mais qui, page 182, dit avoir été rongée toute sa vie par la culpabilité. "J'étais ta grande soeur, je devais te protéger, j'ai échoué". Un peu étrange quand-même ; Je croyais qu'elle avait perdu la mémoire...

Pour terminer, je préfère penser que ce ramassis d'invraisemblances a échappé à Ariane Bois, même si celà ne se devrait pas, bien évidemment. Mais de mon point de vue, le contraire serait un manque de respect pour son lecteur, une façon on ne pourrait plus explicite de lui dénier toute capacité d'analyse.






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.
1963 ...
L'île de la Réunion présente une situation démographique explosive et un fort taux de chômage . En métropole , l'exode rural provoque la désertification de certains départements comme la Creuse , le Gers ou la Lozère .
Alors , Michel Debré , premier ministre de Charles de Gaulle et député de la Réunion décide d'organiser la déportation d'enfants réunionnais , des bébés parfois . Déplacés comme de simples choses . Leur traumatisme est complètement occulté .

Ils sont choisis dans les familles les plus démunies : souvent analphabètes , les parents se laissent duper . Sur promesse d'avenir meilleur , on leur arrache leurs enfants , ils ne les reverront jamais .
On leur avait pourtant dit qu'ils reviendraient pour les vacances ...

Et , s'ils se rebellent , ne veulent par partir , c'est le foyer disciplinaire sur l'île " Hell-Bourg " , un bagne pour enfants pour les forcer à accepter ce voyage sans retour .
Déracinés , ils arrivent bien souvent en souffrance extrême car séparés et effrayés .
Certains , les plus chanceux seront adoptés , d'autres iront en famille d'accueil et parfois , placés dans des fermes , ils seront exploités comme des esclaves . La maltraitance n'est pas le souci premier des services sociaux .


C'est sur cette tragédie historique qu'Ariane Bois a bâti son ouvrage .
On va suivre l'évolution de deux petites filles et de leur descendance qui nous réserve bien des surprises ...
L'accent est mis sur la quête d'identité entravée par les non-dits ou les mensonges , le déni et autres impacts psychologiques .
Elle aborde aussi les méthodes éducatives de l'époque et les droits de l'enfant inexistants .


Malgré la connaissance de ce drame , plonger vraiment dans l'effroyable réalité est un bouleversement .
Ce récit , s'il prend une allure fictive , a cependant la force et la justesse d'un excellent documentaire et ses personnages , judicieusement choisis , le servent parfaitement .
De surcroît , c'est vivant et bien écrit .
Malgré la dureté du sujet j'ai beaucoup apprécié cette lecture . Il n'y a pas d'excès , pas de voyeurisme , pas de pathos . Les choses sont dites , le ton est juste .

Je remercie beaucoup l'équipe de Masse Critique et les Éditions Belfond .
Un cadeau qui m'a permis de revenir vers Ariane Bois .
Après " Dakota Song " , c'est le deuxième ouvrage de l'auteure que je découvre et que j'apprécie . Alors ... à suivre bien sûr !

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Parfois un livre dénonce. Raconte des événements presque inimaginables.

C'est le cas de celui-ci.

Pauline et Clémence, deux soeurs vivent à la Réunion au début des années 60. Elles vont être kidnapées.

Pour palier à une natalité très importante sur l'île et à la désertification des campagnes de la métropole, le ministre de l'époque organise le « rapatriement » d'enfants de l'île en tentant de convaincre les parents, qui ne reverront jamais leur progéniture, du bien fondé de l'opération.

Roman, car il s'agit bien d'un roman, très documenté, qui dénonce des événements effroyables. Qui se sont réellement déroulés.

Un livre choc. Qui dénonce et qui frappe fort à travers les destins de ces enfants déracinés.
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Hé non, dans « l'île aux enfants » ce n'est pas toujours le printemps, ce n'est pas non plus le pays heureux des enfants joyeux ! Casimir nous aurait-il menti ?
Ariane Bois nous fait part ici à travers ce roman social de la tragique pratique qui a sévit des années 60 jusqu'au milieu des années 80, pratique qui consistait à enlever des enfants de l'île de la Réunion pour repeupler les régions désertiques de la France et principalement la Creuse !
Ce roman nous fait part, à travers l'enlèvement de Pauline et sa soeur Clémence du scandale humanitaire orchestré par Michel Debré. Ces deux petites filles se retrouvent, comme bien d'autres, déracinées et placées en famille d'accueil. A leur arrivée en France, ces deux petites filles 6 et 4 ans sont séparées. On va suivre avec beaucoup d'intérêt le destin de Pauline dans la première partie du livre puis on fera dans la seconde partie , connaissance de Caroline, la fille de Pauline. Avec cette dernière, on va renouer avec l'île de la Réunion et tenter de retrouver, de retisser, de renouer des liens avec les racines de Pauline et Clémence . On partira alors avec Caroline…
Ce livre est émouvant et met en avant, une fois de plus, les secrets de famille, les non-dits, l'identité. Ce livre est très agréable à lire mais je le trouve un peu léger. le thème est grave et la façon dont est traité ce sujet ne met peut-être pas assez l'accent sur l'effet destructeur de l'horreur qu'a connu tous ces enfants. le côté romanesque, presque « feel good » permet de passer un moment très agréable mais fait aussi relativiser l'aspect tragique de l'histoire ce qui peut être dommage.
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****Acquis en avril 2019--- Lu 16 septembre 2020

Une grande et violente émotion et rage… en découvrant cet « incident »…si peu glorieux du gouvernement français…Et je salue le plume très efficace de Ariane Bois. Une lecture bouleversante, qui laissera des traces !

Années 1960… il faut repeupler les campagnes françaises en pleine désertification… et ce Bon Monsieur Debré, ministre de De Gaulle, ne trouve pas mieux que d'aller faire enlever, sans la moindre considération , les enfants des réunionnais les plus pauvres, démunis…en séparant, en plus, comble de la cruauté, les fratries…en les rapatriant en France, dans les différentes campagnes dépeuplées, en premier, La Creuse !

« Il passe tant de temps seul qu'entendre sa voix le surprend, comme s'il s'agissait de son fantôme. Pour s'inventer une compagnie, il parle aux arbres.
- Moi, je vais à l'école.
- Eh bien, tu en as de la chance. je vais voler chemin [ : "Fuguer" ] si ça continue .(...) ici, même les oiseaux volent sur le dos pour ne pas voir la tristesse des champs. » (p. 46)

Ce petit garcon, Gaëtan, se retrouve “bête de somme », souffre-douleur dans une ferme de la Creuse, enfant enlevé à sa famille sur les ordres de l'Etat français, comme tant d'autres enfants de la Réunion, dans les années 60. Une réalité peu glorieuse provoquée par le gouvernement français. Comme tant de personnes, j'ai découvert cet épisode très, très tardivement. L'ouvrage d'Ariane Bois a d'autant plus de mérite, qu'elle offre ainsi une sorte de réparation, d'hommage aux souffrances de tous ces enfants arrachés à leur terre, et à leur famille, à qui on a ôté leurs racines et leur histoire...

A peine imaginable qu'un « gouvernant », un politique, être humain au demeurant ( !!...) ait pu induire autant de malheurs par une décision inhumaine et inacceptable. Traiter des enfants comme des marchandises, des paquets… allant de foyers en familles d'accueil , quand ils n'étaient pas traités comme des vulgaires « esclaves » dans les fermes de la Creuse et d'ailleurs , de la main-d'oeuvre gratuite…en somme!!

Gaëtan va trouver un bref moment un soutien, un réconfort en Pauline, petite fille de 6 ans, elle aussi, arrachée à son île et aux siens, séparée de sa petite soeur, Clémence…Une souffrance, un chagrin sans nom… et puis tant c'est douloureux… Pauline sera gravement malade, une méningite rare, et la mémoire s'effacera… plus la volonté sûrement inconsciente de Pauline de survivre à toutes ces séparations violentissimes…Pauline sera adoptée par un couple aimant et accueillant ,sauf le secret, le non-dit qu'ils ont entretenu sur les origines de Pauline, perdus eux-mêmes. Ils lui donneront même un nouveau prénom : Isabelle !

Isabelle, en apprenant les mensonges de ses parents adoptifs traversera une période de rébellion et d'autodestruction… heureusement, elle rencontrera l'homme de sa vie, avec qui elle aura deux enfants, Caroline et Sébastien ; elle reprendra une formation, deviendra fleuriste, montera sa boutique… Pour survivre, elle fera un trait sur sa vie d' »avant » , jusqu'à ce que sa fille, Caroline, étudiante –journaliste, entende à la TV cet épisode scandaleux et qu'elle interroge sa mère ; ce qui replonge celle-ci dans un état second de souffrance , de violence et de déni !…Elle se mettra à enquêter pour comprendre les traumatismes de sa maman et comprendre sa propre histoire !!

[ C'est Caroline, la fille de Pauline, qui parle ]…« Une chose est sûre: on m'a menti, volé la mémoire de ma famille. Et je ne le supporte pas, la rage m'habite désormais. est-ce sa faute, celle de mes grands- parents, de l'état ? le besoin de savoir m'éperonne. (p. 123)” .

Texte de qualité, documenté, qui à travers le destin de Pauline, de son histoire, de son enfance saccagée, de sa reconstruction, de ses enfants interrogeant avec acharnement leur « arbre généalogique » a le mérite de rendre hommage et mémoire à tous ces enfants , ainsi qu'à leurs familles, de l'Ile de la Réunion, qui ont été littéralement « sacrifiés » pour une décision
d'Etat, aberrante et dénuée d'humanité. Cet ouvrage m'a rappelée une autre lecture très lointaine, qui m'avait mise dans une colère et une rage aussi intenses : il s'agit de l'excellent ouvrage, fort documenté de Marie Rouanet, « Les enfants du bagne »…
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1963, La Réunion. Pauline et Clémence, six et sept ans environ, sont arrachées à leur île et à leur famille. On les emmène elles ne savent où, et se retrouvent dans une sorte de pensionnat, puis...en France, en hiver, dans la Creuse. Et elles sont...séparées ! Et chacune recueillie dans une famille, sans plus avoir aucune nouvelle l'une de l'autre...C'est une histoire de kidnapping, de trafic d'enfants d'une mafia quelconque...Non ! C'est l'Etat français qui a organisé ces enlèvements, sur une idée lumineuse de Michel Debré : pour repeupler les départements français désertés à cause de l'exode rural, qu'imaginer de mieux que les redensifier par l'apport de sources nouvelles : des enfants des îles miséreuses de l'océan indien...Adieu La Réunion, bonjour la Creuse et le Limousin. C'est tellement abracadabrantesque, traumatisant et raciste qu'on a du mal à croire que c'est arrivé il y a si peu de temps...Et pourtant c'est vrai : de 1963 à 1982, des services sociaux de l'Etat français ont participé à ce mensonge et à cette traite. Merci à Ariane Bois de nous le raconter. Bien entendu, on ne s'en vante pas, et je n'en avais jamais entendu parler.
Ariane Bois crée le personnage de Pauline, qui sera renommée Isabelle, pour raconter cette histoire, et celui de Caroline, la fille d'Isabelle, qui part à la recherche de ses origines. le début est excellent : il est raconté à hauteur d'enfant, l'enlèvement tel que le vivent Pauline et Clémence, l'arrachement, l'arrivée en France, la première famille, son comportement, l'absolue incompréhension des enfants livrés aux mains d'adultes inconscients...La suite est très bonne aussi : la jeunesse d'Isabelle, sa vie dans le déni de son traumatisme...mais il ne faut pas trop en dire.
Je remercie vivement Babelio et les éditions Belfond pour l'envoi de ce livre extrêmement instructif, et qui dénonce en France des comportements récents d'un racisme primaire, barbare et primitif, qui font honte et qu'on espère disparu pour toujours.
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Je remercie Babelio ainsi que les éditions Belfond pour l'envoi de ce roman.
Ce roman révèle un scandale d'Etat, des vies dérobées par une politique du déracinement. » L'île aux enfants « d'Ariane Bois, paru en ce printemps 2019 aux éditions Belfond, nous conte cette trahison.
Île de la Réunion. 3 Novembre 1963.
Pauline et Clémence rentrent de la rivière du Mât, les bras chargés de cette eau précieuse. Leur père est dans les champs occupé à couper la canne à sucre. Leur mère est hospitalisée depuis deux semaines. Alors se sont elles, ces deux jeunes soeurs inséparables qui ont la responsabilité de ramener l'eau à la case.
Mais lorsque la 2CV camionnette rouge, dite loto rouz, s'approche d'elles, il est déjà trop tard. Elles sont enlevées et jetées dans un avion avec des dizaines d'autres enfants, direction la métropole. Clémence la cadette ne réalise pas qu'elles sont à des milliers de kilomètres de chez elles. Pauline, quant à elle, est abasourdie mais ne lâche pas la main de sa soeur, de peur de la perdre.
p. 60 : » Elle ne croit plus ces adultes évasifs, menteurs, qui la trimbalent d'un endroit à l'autre, comme un vulgaire paquet. Elle est l'animal effrayé dont on change la cage, celle qu'on pousse dans une voiture, l'enfant si loin des siens. «
Elles arrivent à Guéret dans cette Creuse profondément rurale, et voient défiler des couples qui repartent avec des enfants. Pauline réalise soudain qu'elles vont être séparées. C'est dans un déchirement physique que Pauline voit sa soeur partir. Quant à elle, est est accueillie par M. et Mme Granger. Elle découvrira l'indifférence et la maltraitance. Rien n'est fait pour faciliter leur intégration. Dépaysement traumatique.
p. 35 : » Pauline ne comprend pas tous les mots qui sortent de leur bouche. On dirait une autre langue, une langue qui se plaît à l'exclure, à la couper davantage de ces gens-là. «
Même à l'école, les regards et les moqueries anéantiront ses derniers soupçons d'insouciance infantile…
p. 55 : » L'hiver règne aussi dans son coeur, le chagrin est un vertige, un compagnon de tous les jours. «
Après un incident dramatique, les services sociaux la confieront à un autre couple M. et Mme Gervais. Pauline tombe gravement malade, échappe à la mort, mais y laisse une partie de sa mémoire. Celle de ses souvenirs sur l'île.
p. 66 : » Qui est-elle ? Elle a laissé son identité près de la rivière, sur la route bordée de flamboyants. Elle a oublié les siens, sa langue, son pays, l'ordre du monde d'avant. «
Alors, entourée et aimée par ses nouveaux parents, elle leur fait confiance en acceptant d'être adoptée et en changeant de prénom. Pauline Rivière est désormais Isabelle Gervais.
Par un malencontreux hasard, Isabelle va découvrir les papiers de son adoption, cachés dans un tiroir de la chambre de ses parents. de là, une colère inextinguible monte, envers et contre tous. Tous ceux qui lui ont menti toutes ces années durant, lui cachant volontairement sa véritable identité. Comment cette adolescente surmontera-t-elle cette révélation ? Des années plus tard, elle prendra conscience que ce drame s'est joué à une échelle bien plus importante encore.
p. 98 : » Flash d'informations : » Entre 1963 et 1982, plus de mille six cents enfants ont été arrachés à leur île, La Réunion, à leurs familles, à leurs racines. Ces mineurs, dont certains n'étaient que des bébés, furent transférés dans notre région, la Creuse. Devenus adultes, certains s'interrogent aujourd'hui sur ce qui a pu motiver un tel exil forcé. «
C'est donc sur cette tragédie que l'auteure, Ariane Bois construit son oeuvre. Si la petite histoire reste une fiction romanesque, la grande est la triste responsabilité de l'Etat français dans ce drame humanitaire. Une tâche de plus sur l'ardoise de la honte et des mensonges. Un traumatisme moral irréparable.
p. 146 : » – Michel Debré (alors Premier ministre du Général de Gaulle) voulait moderniser l'île, éduquer les enfants. Il s'est appuyé sur un dispositif existant, le Bumidom, qui organisait l'émigration volontaire d'adultes de l'île. Il imagine aussi envoyer des petits Réunionnais dans des départements ruraux, en voie de désertification comme le Gard, la Lozère, le Gers, la Creuse. le but ? Désengorger l'île, vider les bidonvilles et au passage repeupler les campagnes françaises, y injecter su sang neuf. Un coup double, asséné sur l'échine des plus faibles. «
D'une qualité d'écriture admirable, ce roman ne tombe pas dans le piège du pathos. En plaçant sa narration du point de vu de l'enfant, Ariane Bois place le curseur sur l'innocence même, et la sincérité. Divisé en deux parties, le roman exploite ingénieusement la transmission générationnelle de ce drame, dans une quête perpétuelle de l'identité. C'est un sujet bouleversant, dont le silence si longtemps de mise, n'a fait qu'accroître le sentiment de caution.
Lien : https://missbook85.wordpress..
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Pauline Rivière est une petite fille oubliée... Elle a été enlevée des bras de sa famille par l'administration française, elle a été effacée de sa propre mémoire, elle a été oubliée à elle-même... On lui a volé ses racines, son enfance, son innocence... Plus que cela, on lui a ôté l'essence de ce qui la faisait elle... Et tout ça aux yeux du monde, sans que cela ne choque personne...

Dans ce très beau roman, Ariane Bois lève le voile sur des faits terribles mais bien réels qui se sont déroulés en France au début des années 60. Alors que les familles de l'île de la Réunion avaient du mal à vivre décemment, on a tout simplement décidé de prendre, de kidnapper, de voler, d'arracher des jeunes enfants pour les envoyer en France, dans des régions qui ne demandaient qu'à être repeuplée...
À quel prix a-t-on mesurer la souffrance et le traumatisme de ces enfants ? Comment a-t-on pu imaginer qu'une vie loin des couleurs et des odeurs réunionnaises serait meilleure pour eux ? A-t-on imaginé quelles blessures à jamais ouvertes ces enfants devraient endurer une vie entière ?

Pauline Rivière a choisi d'oublier... parce que c'était plus simple, moins douloureux, plus tolérable. Mais sa fille Caroline elle, a besoin de connaître la vérité. Elle va enquêter, voyager, creuser et déterrer cette affaire indicible, inavouable et inimaginable...

Un roman très bien écrit, touchant et révoltant. Un roman qui montre combien il est important de mettre des mots sur des silences... Pour comprendre, pour grandir, pour vivre...

Un grand merci à NetGalley et aux Éditions Belfond pour leur confiance...
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Avant le 3 novembre 1963, pour Pauline et Clémence, deux petites réunionnaises insouciantes, la vie avait le confort spartiate d'une case, la douceur divinement sucrée des litchis et des mangues, l'odeur des beignets de banane de Gramoune, la saveur épicée du cari, les sonorités chantantes du créole, la voix forte parfois rhumée du papa et le souffle rauque de la maman asthmatique.

Mais des gens bien attentionnés, auréolés de leur pouvoir politique et administratif, ont décidé de quantifier la misère et de distribuer des parcelles de chance à tous ces pauvres petits créoles qui allaient souffrir de tant de pauvreté. La France et ses départements sinistrés seront là pour les sauver. Même les bonnes soeurs, investies d'une mission divine, leur promettent un joyeux voyage et de belles vacances. Avec quelle facilité a-t-on pu se jouer de l'innocence de ces innombrables enfants, de la naïveté, de l'illettrisme et de la pauvreté de leurs parents !

Comment des assistantes sociales, sous prétexte d'appliquer des directives, ont pu fermer les yeux et suivre les consignes comme séparer les fratries ? Comment affirmer que le petit Gaëtan a bénéficié d'une grande chance en mangeant les restes d'une famille, en recevant des taloches et en travaillant et dormant comme une bête ?


Mais revenons à Pauline car la première partie de ce roman s'attache à ses pas qui doivent s'ancrer dans une nouvelle famille, dans une misérable ferme de la Creuse.
L'hiver s'installe dans son coeur, une maladie qui la terrasse effacera ses souvenirs qui partiront se noyer dans la brume creusoise.
Cette première partie m'a transpercée. Cet arrachement, à grand renfort de mensonges et d'indifférence face à ces enfants est déchirant.
Ariane Dubois soulage tout de même ce déracinement en esquissant avec beauté les liens qui se créent avec sa seconde famille adoptive, même si leur amour est parfois maladroit.
J'ai enchaîné les pages, portée par cette écriture rythmée, avide de découvrir comment Pauline allait construire sa vie confrontée si tôt aux mensonges de tous ces adultes.

En seconde partie, la fille de Pauline tente de lever le voile sur les origines de sa mère qui reste hermétiquement fermée sur son passé.
Ses recherches bien prévisibles ne m'ont pas captivée. Je suis restée, indifférente, sur le bord des routes de cette île luxuriante. Cette moitié, enrichie d'une bluette inutile et agaçante, fait chuter sensiblement ma note sur ce roman. Toutefois, je considère qu'il a le mérite de mettre en lumière un des épisodes peu glorieux de l'histoire de France longtemps enterré.
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