Patrick Dewaere est un de ces rares acteurs français pour qui j'éprouve une affection particulière. En plus de son jeu d'acteur (d'une subtilité brute), est-ce pour son côté écorché, est-ce parce qu'il était un acteur mal aimé à l'époque où il tournait, est-ce pour sa disparition, trop jeune ? Très probablement, un peu de tout ça…
J'étais donc très curieuse de découvrir ce roman graphique réalisé par
Laurent-Frédéric Bollée et
Maran Hrachyan. Parce que dans ce visage en 1ère de couv' qui est celui qu'on connait souvent du comédien, il y a son regard triste, anxieux, quelque peu fragile mais il y a surtout, sur ses lèvres, ce petit sourire rusé et moqueur.
J'ai vu (à plusieurs reprises) les oeuvres les plus connues de sa filmographie, comme « Les valseuses », « Adieu Poulet », « Un mauvais fils », « La meilleure façon de marcher », « le juge Fayard, dit le Shériff », « Coup de tête »... de fait, je connaissais également les principaux acteurs et grands réalisateurs avec et pour lesquels il a joué tout comme les éléments de sa vie plus intime : que ce soit sa relation avec Miou-Miou, (et possible que mon antipathie pour Julien Clerc vienne du fait que Miou-Miou soit partie avec le chanteur), ses deux filles (qui travaillent dans le cinéma également). Mais je voulais mieux dérouler le fil de cette fin implacable, comme celle qu'a connu un certain nombre de grands artistes à fleur de peau. Je ne pouvais échapper à cette lecture comme attirée comme un aimant par ce grand acteur.
Le dessin d'Hrachyan est assez soigné, les cases plutôt minimalistes, sans trop de détails autour des personnages. Ce sont surtout des visages, des attitudes, quelques scènes (de la ‘'vie'' ou « cinématographique ») comme pris sur l'instant. Comme un album-photo qu'on feuillette. On reconnait aisément les différentes figures qui ont compté dans la vie de Dewaere. le scénario est prenant (même si je ne suis pas la plus objective d'entrée de jeu ; et même si j'ai parfois eu du mal avec cette façon d'insérer des anecdotes qui donnaient l'impression de passer du coq à l'âne).
Mais quelle émotion se fut que de retrouver Patrick Dewaere avec ses amis (et parfois rivaux pas des plus tendres), ses compagnes ou ses compagnons de tournage ! La liste est longue et impressionnante.
Claude Miller,
Yves Boisset,
Jean-Jacques Annaud,
André Téchiné,
Alain Corneau, Henri Verneuil,
Bertrand Blier,
Claude Lelouch. Pour les amis et acteurs : Depardieu, Rufus (le témoin de son mariage), Bouchitey,
Coluche, Bouteille, Lino Ventura,
Brigitte Fossey,
Catherine Deneuve, Marie Trintignant…
Cette biographie met parfaitement en scène l'enchainement de tous les évènements et drames qui vont le faire sombrer peu à peu. Son enfance douloureuse, ses rôles de looser et/ou sombres dans lesquels il rentre totalement, le vilain petit canard qu'il était, mal aimé des critiques et journalistes. [Malgré une nomination comme meilleur acteur dans un second rôle et cinq nominations au César du meilleur acteur, il n'obtiendra jamais ces prix alors qu'il attend et espère la reconnaissance de ses pairs - un désamour probablement lié une histoire malencontreuse avec un journaliste qui aura pour conséquence l'hostilité de la profession à son égard-], sa consommation de drogue ; son ami-ennemi Depardieu qui lui vole souvent la vedette ; ses femmes qui le quittent, notamment Elsa qui partira avec
Coluche en Guadeloupe en 1982.
Patrick Dewaere mettra fin à ses jours le 16 Juillet 1982, à l'âge de 35 ans, avec l'arme que lui avait offert
Coluche (alors que l'acteur participait à l'époque aux essais préparatoires pour le film « Edith et Marcel » de
Claude Lelouch, sur
Edith Piaf et Michel Cerdan où il aurait donné la réplique à
Evelyne Bouix).
C'est un beau roman graphique dans lequel je me suis plongée avec une émotion grandissante, jusqu'aux dernières cases. Que les auteurs aient fait le choix que ce soit Dewaere qui se raconte joue probablement sur cet impact émotionnel et ce sentiment d'intimité avec l'acteur.
Cette biographie a confirmé plus encore mon affection pour lui. Elle montre un homme aussi torturé que passionné et libre. Car si on sait d'avance qu'il n'y aura pas de happy end, au-delà de cette descente aux enfers, il y a aussi tous ces moments forts, ses rôles marquants, son jeu d'acteur intense, ses virées avec les femmes de sa vie, les éclats de rire avec ses amis, la boxe et la musique... Comme le titre le rappelle « A part ça, la vie est belle » - et malheureusement « ça » étant parfois « tout » pour Dewaere.
Et c'est cela que ce roman graphique a réussi à mettre en exergue : la vie d'un homme entier aussi bien pour son travail, ses passions ou ses amitiés, un acteur tel un diamant à l'état brut, souvent impulsif mais, parce que vrai, tout simplement.